Mémoires d’Auguste Guilmeth

Mémoires de l’historien Auguste Guilmeth (1807-1835).

La Société historique de Lisieux conserve dans ses archives l’autobiographie manuscrite d’Auguste Guilmeth (1807-1869). Cet historien normand a couvert par ses publications une large partie de la Normandie. Il est l’auteur de nombreuses monographies sur des villes, bourgs et villages, dont une histoire de Lisieux.

A la différence de ses collègues et compatriotes (Arcisse de Caumont, Auguste Le Prévost, Alfred Canel, Louis du Bois), Guilmeth a laissé des mémoires qui éclairent sa carrière (ratée), son œuvre (controversée) et son caractère (turbulent). La partie couverte dans ce volume d’une centaine de pages s’étend sur la période 1807-1835 mais se focalise surtout sur la fin (1829-1835), quand Guilmeth débute sa carrière.

Pour une vision plus complète du personnage, nous vous invitons vers cet article : Laurent Ridel, « Auguste Guilmeth (1807-1869), un historien mitrailleur en Normandie », Bulletin de la Société historique de Lisieux, 1er semestre 2021, p.169-230. Ce travail s’appuie largement sur ces mémoires.

Nous vous proposons ci-après la transcription de cette source, travail réalisé par Daniel Deshayes, président de la Société historique de Lisieux, Catherine Cottin et Laurent Ridel, membre de cette même association.

Principe de la transcription

Les fautes d’orthographe ou de syntaxe ont été maintenues.

[20] Un chiffre entre parenthèses indique la page du manuscrit

[blanc] indique les endroits que Guilmeth a laissé vides. Souvent il lui manque l’information.

[ ??? ] indique un mot que nous n’arrivons pas à lire.

Xxx( ?) indique un mot dont notre transcription n’est pas assurée.

Guilmeth souligne souvent une partie de ses phrases. Aussi bien pour mettre en valeur certains de ses propos que pour faire des remarques

Mémoires biographiques et littéraires sur Alexandre Auguste Guilmeth

[feuille collée au dos de la couverture]

Rouen, le 26 novembre 1907

Monsieur Béranger

28 rue Rivoli, Paris

Je suis très heureux de savoir que le n°352 Guilmeth vous cause quelque satisfaction ; mais il était temps que votre télégramme arrive, car un quart plus tard je recevais une lettre me le demandant.

Il me semble, ou, du moins en examinant le vol., il m’a semblé qu’un autre manuscrit devait exister, mais où ? Le volume que je viens de cataloguer a été acheté non pas par moi, mais par mon prédécesseur, en déménageant une armoire je l’ai trouvé au milieu de brochures et de bouquins sans grande valeur que jusqu’ici j’avais laissés de côté. Par suite, je n’ai aucun indice sur sa provenance et je ne puis vous aider en quoi que ce soit pour retrouver la suite, si toutefois Guilmeth l’a écrite.

Veuillez agréer Monsieur l’assurance de mes sentiments dévoués,

  1. Lestringant[1]

[Page de titre]

Mémoires Biographiques et littéraires Sur Alexandre Auguste Guilmeth, de Brionne,

Écrits par lui-même

—————-

1ère partie[2]. – Années 1807 à 1835

Le présent manuscrit contient cent quatre vingt cinq pages remplies depuis la première jusqu’à la dernière ; celle ci est signée et paraphée par l’auteur, ainsi qu’il suit [signature]

[Non paginé]

Liste des écrits imprimés

Recueils et publications diverses mentionnant soit le nom soit les ouvrages de M. Auguste Guilmeth de Brionne. 1825 – 1835

1825. Distribution solennelle des prix faite au Petit Séminaire d’Ecouis le 9 août 1825, in 4°, de l’imprimerie de Saillot aîné aux Andelys.

1827. Distribution solennelle des prix faite au collège communal de Bernay le lundi 13 août 1827, placard in folio, de l’imprimerie de Mathieu Mortaveux à Bernay.

1828. Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, tome IV, année 1827-1828, page 416 ; in 8° de l’imprimerie de [blanc]         à Caen.

1830. Le Glaneur d’Amiens, journal de la Somme, numéro du 19 juin 1830, grand in 4°, de l’imprimerie de [blanc] à Amiens.

1831. Le Patriote, journal du Calvados et de l’Eure, numéros des 2 septembre, … octobre et 20 décembre 1831, demi in-folio, de l’imprimerie de P. Brée à Lisieux.

1831. Le Journal de Rouen, numéro du 8 novembre 1831, in folio, de l’imprimerie de T.D. Brière à Rouen.

1832. Le Journal de Rouen, n° des 13 et 22 août, 4 et 10 septembre, 3 et … décembre 1832, de l’imprimerie cit. supra.

1833. Gazette de Normandie, n°s des 12 février, 18 et 20 juin 1833, in folio, de l’imprimeur de Mégard  à Rouen.

1833. L’Echo de Rouen et de la Seine Inférieure, n° du 24 février 1833, in folio, de l’imprimerie de F. Marie à Rouen.

1833. Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, tome VI, années 1831, 1832 et 1833, page 462, in 8°, de l’imprimerie de [blanc] à Caen.

1833. Essai historique et archéologique sur l’arrondissement de Pont-Audemer, par A. Canel, 1ère partie, page in 8°, de l’imprimerie de Nicétas Périaux à Rouen.

1833. Bulletin ou recueil de travaux de l’Ancienne Société d’Agriculture de l’Eure (depuis Académie Ebroïcienne) pendant l’année 1833, pages XI, 121, 255 et 395 ; in 8°, de l’imprimerie de Ch. Achaintre à Louviers.

1834. Gazette de Normandie, numéro du 28 janvier 1834, in folio, cit. supra.

1834. Bulletin ou Recueil des travaux de l’Académie Ébroïcienne pendant l’année 1834, Première Partie, pages X, 14, 15, 204 et suivantes ; seconde partie, pages 54 et suivantes, 323 et suivantes ; in 8°, cit. supra.

1835. France pittoresque par A. Hugo, tome II, page 16, et tome III, page 136, grand in 8°, de l’imprimerie de [blanc] à Paris.

1835. Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, tome IX, année 1835, page 593, in 8°, de l’imprimerie [blanc]         

1835. Essai historique, Archéologique et Statistique sur l’arrondissement de Pont-Audemer par A. Canel, 2ème partie, page [blanc], in 8°, cit. supra.

1835. Revue trimestrielle de l’Eure publiée par A. Canel, année 1835, pages 61, 62, 93 et 147, in 8°, de l’imprimerie de [blanc] à Pont-Audemer.

[p. 1]

S=Ier Notice Biographique, scientifique et Littéraire sur A. Guilmeth

Guilmeth (Alexandre-Auguste) nâquit à Brionne, petite ville du département de l’Eure, le 2 septembre 1807, à trois heures et demie du matin (voir pièce cotée sous le n° 2). Son père était Robert Alexandre Guilmeth, artiste vétérinaire[3], fils aîné de Guillaume Guilmeth, également artiste vétérinaire, et de Marie Marguerite Duval. Sa mère était Marie Madeleine Angélique Cardon, fille de Louis Cardon et de Marie-Madeleine Lemenu. Le mariage civil de Robert Alexandre Guilmeth et de Marie Madeleine Angélique Cardon avait eu lieu en 1799 pendant la suppression du culte catholique, ce qui explique pourquoi le mariage religieux ne put être célébré qu’en 1800, le 21 avril, par le ministère de Mr. Jacques Pâris, desservant de la paroisse de Boisney, agissant « en vertu des pouvoirs à lui délégués par MM. les grands-vicaires du diocèse de Rouen », ainsi que l’atteste le certificat délivré par ledit abbé J. Pâris le 30 août 1825, et coté au dossier sous

le n° 1er.

[p. 2]

          La famille Guilmeth, ou comme on l’écrit aujourd’hui Guillemette, était originaire du Cotentin. Une charte latine de l’an 1298, relative à un échange conclu entre l’abbaye de Savigny et les chapelains de la chapelle du Vœu à Cherbourg, mentionne parmi ses témoins un Robert Guilmeth ou Wilmeth. Ce Robert Guilmeth fut incontestablement le père d’un Guillaume Guillemeth appelé aussi Willemeth en 1329, et mentionné dans plusieurs actes ou contrats en parchemin que M. Xavier Guilmeth, propriétaire à Thibouville (Eure) et frère de Robert Alexandre possédait il n’y a que peu d’années encore [en note : Le nom de Willemeth est encore porté de nos jours (1839 – 1840) par Mr Soyer Willemet (Hubert-Felix), auteur de différents ouvrages sur la musique, sur l’histoire naturelle, etc., etc., conservateur de la Bibliothèque Publique et du Musée d’histoire naturelle à Nancy (Meurthe), membre correspondant de l’Académie de Rouen, etc.]. Ces mêmes actes ou contrats établissaient d’une manière certaine que le Guillaume Guillemeth dont nous venons de parler était l’aïeul ou le bisaïeul d’un Robert Guillemeth, vivant en 1376, et duquel descendaient Jacques Guilmete vivant en 1412, Robert Guillemette vivant en 1556, et enfin Pierre Guillemet, père de Robert Guillemette, mort le 17 mai 1601. La famille Guilmeth ou Guillemette s’est divisée en plusieurs branches établies dans le Cotentin, aux environs de Saint-Lô et de Cherbourg, dans le pays d’Auge, aux environs de Saint-Pierre-sur-Dives, à Courbépine, à Bernay, etc., etc. Il est à remarquer que les noms en eth sont fort

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communs en Normandie pendant les XIIIe, XIVe et XVe siècles. Les Rôles Normands publiés par M. Léchaudé d’Anisy (tomes VII et VIIIdes Mémoires de la Société des Antiquaires de cette province) citent un grand nombre de personnages appelés Beleth, Liveth, etc., etc. Guillemette de Tournebu, abbesse de Montivilliers, morte en 1470, est appelée Guillemetha dans un acte de l’an 1463.

La famille Cardon n’est ni moins ancienne ni moins honorable que la famille Guilmeth. Les auteurs de cette famille, anciens seigneurs de la paroisse de Cardonville, diocèse de [blanc], avaient pour prénoms Jacques et Louis, qui furent constamment et religieusement conservés par leurs descendants. Cette famille a fourni à la province de Normandie des prêtres, des guerriers, des imprimeurs établis à Alençon en caractères et en taille douce, etc., etc. La branche dontdescendait Marie Madeleine Angélique est établie à Brionne depuis plus de quatre siècles. Cette branche avait un tombeau dans chacune des deux églises Saint-Denis et Saint-Martin de Brionne églises que plusieurs de ses membres, ainsi qu’on peut le voir par l’inventaire des anciens titres de cette même église Saint-Martin dressée en 17[blanc] par MM. Thulou de la Bectière et [blanc] de Limègues, avocats, avaient, à diverses reprises, enrichies de leurs pieuses fondations.

[p. 4]

Alexandre Auguste Guilmeth, l’objet de cette notice, fut baptisé 3 jours après sa naissance, c’est-à-dire le mardi 6 octobre 1807[4], dans l’église Saint-Martin de Brionne par Mr. l’abbé Aubert, alors vicaire de cette paroisse, mort depuis curé de Fontaine-la-Sorêt. Il eut pour parrain Emmanuel André Cardon, l’un de ses oncles maternels, et pour marraine demoiselle Félicité Lebas. – voir la pièce cotée n°3e

Diverses personnes ont reproché à Alexandre Auguste Guilmeth d’avoir changé ou altéré le nom de ses pères[5], en cessant de l’écrire comme l’écrivaient Robert Alexandre et Guillaume, et comme l’écrivent encore François-Xavier et autres membres de cette famille. Mais Alexandre Auguste se bornera à répondre que, d’après les actes et contrats dont il est parlé plus haut, le nom primitif est bien réellement et bien positivement Guilmeth et non pas Guillemette. Il ajoutera que le changement qu’on lui reproche aujourd’hui n’a eu lieu qu’en vertu d’un vœu formellement exprimé par Guillaume, son grand-père, lequel avait plusieurs fois, manifesté, en présence des ses enfants, le regret que des actes antérieurs, rédigés par des ignorants,

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l’eussent obligé, lui et les siens, à conserver à son nom une orthographe qui n’était pas celle que le nom avait dans son origine[6]. Aussi, lorsque le dit Guillaume maria en 1799 à Marie Madeleine Angélique Cardon son fils aîné Robert Alexandre, père d’Alexandre Auguste, il eut soin de faire graver sur l’anneau ou alliance le nom guilmeth et non pas guillemette (voir cet anneau). C’est donc avec le plus grand tort que quelques personnes ont adressé à Alexandre Auguste le reproche d’avoir changé son nom pour éviter d’être confondu avec Jacques Casimir Guillemette, son parent, ancien rubannier, demeurant à Bournainville[7], condamné, au mois de mars 1830, par la cour d’assises de l’Eure, à la peine des travaux forcés à perpétuité, en punition des nombreux actes de brigandage par lui commis durant le cours de l’année 1828 dans les arrondissements de Bernay et de Pont-Audemer. Cette nouvelle accusation, aussi ridicule que peu généreuse, à laquelle trois écrivains normands MM. A. Le Prévost, antiquaire, Alfred Canel, avocat à Pont-Audemer, et Louis Du Bois, ancien sous-préfet de Bernay[8], n’ont pas eu honte de faire allusion (le premier dans son Mémoire sur quelques monuments du département du département de l’Eure, le second dans son Essai archéologique sur Pont-Audemer, tome [blanc], page [blanc], édition de 183[blanc] et le troisième dans son Histoire de la ville de Lisieux, tome [blanc], page [blanc], édition de 18[blanc], n’a aucune base réelle et ne peut provenir que d’une haine aveugle. En effet, pour prouver combien cette accusation est fausse et odieuse, il suffira : 1° de rappeler les faits qui précèdent ; 2° de déclarer que, en admettant

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que Jacques Casimir Guillemette descende, au moyen de cinq ou six générations, d’une même souche que Alexandre Auguste, il n’en résulte pas qu’il y ait pour ce dernier parenté immédiate, et par conséquent gloire ou honte à le reconnaître pour consanguin ; 3° de faire observer que, jusqu’à la nuit du 27 au 28 juin 1828, date de son premier vol, Jacques Casimir Guillemette s’était toujours comporté en honnête homme, ainsi que l’ont démontré les longs débats de la cour d’assises de l’Eure ; et 4° enfin de faire voir par pièces irrécusables que ce n’est pas et ne peut pas être pour répudier un parent accusé d’une série de méfaits, dont le premier date de cette même nuit du 27 au 28 juin 1828, ainsi que l’atteste le Mémorial de l’Eure, n° du mois de mars 1830, pages 19 et suivantes (coté sous le n°4e), que Alexandre Auguste pourrait être accusé d’avoir répudié le véritable nom de ses pères, puisque d’un côté il est certain que c’est seulement du mois de mars 1830, époque des assises de la tenue des assises de l’Eure, que date la condamnation et par conséquent la véritable culpabilité de Jacques Casimir Guillemette, tandis que, d’un autre côté, il est également certain que, plusieurs années auparavant, Alexandre Auguste signait Guilmeth et non Guillemette ; on peut consulter à ce sujet les archives du petit séminaire d’Ecouis et celles du collège communal de Bernay[9], où ledit Guilmeth était tour à tour entré comme élève et où il remportait d’assez brillants succès ; – que l’on ouvre le palmarès du premier de ces deux établissements pour l’année 1825 (9 août), imprimé dans le format in-4° aux Andelys chez

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Saillot aîné (et coté sous le n° 5e), on y verra figurer dans la liste des lauréats M. Auguste Guilmeth de Brionne pour un deuxième accessit de version latine, page 7, et pour un prix d’écriture, page 12 ; – que l’on parcourt de même le palmarès du collège communal de Bernay pour l’année 1827 (lundi 13 août), imprimé dans le format in-folio à Bernay chez Mathieu Montareux (et coté sous le n°6e), on y verra figurer, au beau milieu de la première colonne, classe de seconde, M. Auguste Guilmeth de Brionne pour l’accessit d’excellence, le prix de thème, le prix de version latine, et enfin l’accessit de version grecque. – On voit que toutes ces dates sont assez loin du mois de juin 1828 et du  mois de mars 1830 ! ….

M. Guilmeth était entré au petit séminaire d’Ecouis[10] au mois d’octobre 1824 ; une indisposition, accompagnée d’un peu de contrariété à l’encontre de l’un des chefs de cet établissement, l’en éloigne à la fin de l’année 1826. Il est vrai que, dans l’origine, cette absence ne devait être que momentanée, mais des observations de la part de sa famille le forcèrent à s’en éloigner pour toujours, et, en un instant, changèrent ainsi ses destinées. Du reste, Mr. Guilmeth regretta constamment cette école où la foi religieuse s’alliait si bien à l’étude des sciences, et, dans sa Notice sur le bourg d’Ecouis, publiée en 1835, on remarque, page 108, le passage suivant : « Après son église, Ecouis ne possède plus rien de remarquable, si ce n’est toutefois le magnifique pensionnat fondé,

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et longtemps dirigé avec autant d’habileté que de succès par Mr. l’abbé Jouen[11]. Cet établissement, que nous signalerons d’une manière toute particulière aux pères de famille qui désirent donner à leurs fils une éducation aussi brillante que solide, est surtout recommandable par cette discipline religieuse et morale sans laquelle il ne peut être de bonnes études. Là on élève l’âme et nourrit le cœur, en même temps que l’on éclaire l’esprit et fortifie le corps. C’est un hommage que nous nous faisons un bien doux devoir, un bien sincère plaisir, de rendre à ceux qui, avec un zèle et une persévérance aussi louables que rares, ont dirigé nos premiers pas dans la carrière des lettres et des sciences. »

Entré au collège de Bernay au printemps de l’année 1827, M. Guilmeth y fit de si rapides progrès, que, en moins de dix mois, il y termina ses cours de seconde, de rhétorique et de philosophie, y remportant, comme nous venons de le voir il n’y a qu’un instant, d’assez nombreux lauriers. Il fut reçu bachelier ès-lettres le 28 mars 1828. Le diplôme qui lui confère le grade porte le n° 920. Signé à Paris le 12 avril 1828 par Mr Antoine François Henri Lefebvre de Vatismesnil, ministre de l’Instruction Publique, et contresigné par MM. Quesneau de Mussy, exerçant les fonctions de chancelier de l’Université, ainsi que par Mr L. Maussion, conseiller et secrétaire du Conseil Royal, le diplôme fut délivré à Mr A. Guilmeth le 21 du même mois par Mr Faucon, recteur de l’académie de Rouen.

– voir la pièce en parchemin cotée n°7e.

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L’éducation qu’il avait reçue dans son enfance au sein de la famille de sa mère, et dans son adolescence au petit séminaire de Lisieux, où il n’avait à la vérité, séjourné que quelques mois, puis enfin au petit séminaire d’Ecouis, où, comme nous l’avons vu, il avait passé deux années, les plus heureuses de sa vie, avaient eu trop d’influence sur le caractère d’Auguste Guilmeth, pour que le jeune homme ne cherchât pas à renouer avec ceux qui avaient été ses premiers maîtres les liens chers et sacrés qui avaient été momentanément rompus par son entrée au collège de Bernay. Il résolut donc de continuer ses études ecclésiastiques. Pour cet effet, il s’adressa à Mr l’abbé Préaux, supérieur du petit séminaire d’Evreux. Une longue correspondance s’établit entre cet honorable prêtre et le jeune Guilmeth. Dès le 16 décembre 1827, M. l’abbé Préaux lui écrivait : « J’ai maintenant une place dont je puis disposer, et que je vous réserverai si vous m’écrivez d’ici à peu que vous désirez entrer dans la maison. La pension est de quatre cents francs ; on trouve au séminaire une couche de lit et une cassette … je vous prie, Monsieur, de me répondre le plus tôt possible pour me dire si vous comptez venir et quand vous arriverez. J’ai besoin de la savoir pour ne pas donner à d’autres, qui se présentent, la place que je vous destine. » (cotée sous le n°8e). Ainsi qu’on l’a vu plus haut, le jeune Guilmeth était alors au collège de Bernay, qui, en ce même moment, avait pour directeur ou principal un nommé Duffault, homme ignoble et rapace. Cet homme, auquel Mr A. Guilmeth avait confié ses projets, employa tous ses efforts pour l’en détourner. Il fit observer au trop confiant élève que sa famille peu favorisée par la fortune et déjà épuisée par les sacrifices qu’elle avait faits, finirait par éprouver une très grande gêne s’il lui fallait

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après tant d’années, recommencer à payer une pension de 400 francs, non compris les frais d’habillement, entretien, achats de livres, etc., etc. Il lui fit comprendre qu’il serait beaucoup plus avantageux pour sa famille et en même [temps] pour lui de se vouer à l’instruction publique. « Au lieu de vous en aller, lui disait-il, dépenser pendant quatre ou cinq années, pour faire convenablement vos études théologiques, une somme de près de deux mille (sic) francs, vous gagnerez chez moi trois ou quatre cents francs par an ; je puis en ce moment vous confier d’abord une place de maître d’études[12], puis bientôt, je l’espère, la chaire de sixième et cinquième, qui va être vacante par le départ de Mr le professeur Bénard, dont je solliciterai et obtiendrai le changement immédiat, pourvu que, au moyen de certaines formules que je vous dirai, vous consentiez à vous obliger à demeurer avec moi pendant trois ans au moins, à raison de trois cents francs de traitement plus la nourriture, le coucher, le chauffage et le blanchissage. » Pour le jeune Guilmeth, une pareille proposition était une véritable bonne fortune. Le 28 mars 1828, il courut à Rouen subir son examen pour le baccalauréat ; il fut reçu bachelier ès-lettres à quatre voix de majorité[13] (voir ci-dessus folio 8e).

Mais, tout en faisant des préparatifs pour entrer dans l’Université, le jeune Guilmeth ne cessait de regretter la vie ecclésiastique vers laquelle il se sentait entraîné par un penchant irrésistible. Sa correspondance avec divers prêtres d’Evreux et d’ailleurs déplut au principal

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 du collège de Bernay, lequel lui signifia en termes durs et violents d’avoir à cesser cette correspondance qui ne lui permettait pas, à lui principal, de compter entièrement et en pleine sécurité sur les promesses que lui avait faites Mr Guilmeth. « Déjà, lui dit-il un beau matin, j’ai fait auprès du recteur[14] de l’Académie des démarches qui ont pour but d’éloigner le professeur Bénard pour vous installer à sa place, et vous devez comprendre que si je ne suis pas totalement sûr de vous, je me place moi-même dans une fausse position. En conséquence, il faut opter entre le séminaire d’Evreux et ma maison, et, pour cela, nous allons, dès aujourd’hui, en présence et avec le consentement de votre père, dresser un acte en bonne et due forme, par lequel, après avoir déclaré avoir reçu comptant et pour son propre compte une somme de douze cents francs par moi versée à titre d’avance ou de prêt, il vous autorise à contracter envers moi un engagement de quatre années, moyennant votre chauffage, habillage, nourriture et un traitement annuel de deux cents francs, non compris les douze cents francs supposés versés par moi, ce qui porte votre traitement à 500 francs par an. Si vous venez à partir avant les quatre ans révolus, votre père me comptera autant de fois trois cents francs qu’il restera d’années à fournir, etc., etc. » Mr Guilmeth fut indigné et exaspéré de semblables propositions. Il révéla tout ce qui se passait, non seulement

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à M. Bénard, le professeur de sixième, mais encore à tous les autres professeurs du collège de Bernay. Il s’ensuivit une lutte affreuse après de nombreuses et violentes explications, il fut convenu entre le sieur Duffault, Mr Bénard et le jeune Guilmeth, que ce dernier remplacerait effectivement le professeur de sixième, qui, après tout ce qui s’était passé, ne pouvait plus et ne devait plus consentir à habiter le même toit que le sieur Duffault[15]. Mr Bénard, excellent jeune homme, élève de l’Ecole Normale et depuis professeur distingué au collège royal de …, était fort recommandé auprès de l’administration académique. L’admission pure et simple de Mr A. Guilmeth, sans acte d’engagement ni retenue aucune, fut la condition sine qua non par laquelle ce dernier, M. Bénard et tous les professeurs du collège de Bernay s’engagèrent non seule[ment] à cacher au recteur de l’Académie l’ignoble conduite du sieur Duffault, mais même à se réconcilier avec lui, du moins en apparence, et dans l’intérêt seul du collège de Bernay. Après le pacte et des embrassades qui, si elles n’étaient pas sincères, paraissaient du moins au sieur Duffault être de très bon goût, Mr Bénard se rendit à Rouen auprès du recteur… Or, voici la lettre que, sous le timbre du 5 avril 1828, il

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adressa à Mr A. Guilmeth, auquel il avait voué une sincère et véritable amitié : « Mon cher ami, le digne principal avait bien raison de dire qu’on ne le connaissait pas. Quel Judas ! Quel Judas !.. Croiriez vous bien que, le jour même où il nous donnait à tous des poignées de main, il écrivait contre tous au recteur ; que, de plus, il faisait apostiller sa lettre par le curé de la Couture, etc., etc. ? En un mot, jugez de mon étonnement, après toutes les marques évidentes par lesquelles il semblait vous recevoir sans difficulté, le matin, à mon arrivée, Mr le recteur m’a dit pour premier compliment que l’affaire était manquée !… Quel Judas ! Quel Judas !.. Cependant, elle s’est un peu raccommodée. Mr le recteur a été indigné de sa conduite à votre égard et des basses contradictions que je lui ai fait remarquer. Il a écrit de suite à M. le curé de la Couture, qui n’avait allégué aucun grief contre vous, mais qui s’était contenté d’approuver les réclamations du principal. Mon cher ami, il faut plus de prudence que nous ne pensions. Mr le recteur déteste le principal, mais ses raisons (sur la hiérarchie, l’esprit de discipline, etc.) sont plausibles, et on ne peut vous admettre sans son aveu. Ainsi, à bon chat bon rat ; il faut agir de ruse. Mr Le Maître, aumônier du collège royal, vous conseille de ne rien brusquer. Il faut même (ce qui vous coûtera beaucoup) tâcher de vous réconcilier avec celui qui, l’autre jour, a fait tant de bassesses

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pour en faire autant à notre égard. Il faudrait même qu’il ignorât que vous avez reçu cette lettre et que vous savez ce qu’il a écrit contre vous. Ce sera pour lui un triomphe ; mais qu’il en jouisse quelque temps !… On me dit aussi qu’il faut que vous fassiez en sorte de lui paraître nécessaire, lui faire espérer qu’il aura un bon marché de vous sans cependant vous en gager pour la suite, etc., etc. Il faut tâcher de lui faire savoir adroitement que, s’il ne vous accepte pas, il n’y perdra rien, c’est-à-dire qu’on lui enverra toujours un régent ; car ce n’est pas seulement vous qu’il refuse, il voudrait que le régent de cinquième et sixième fût supprimé, etc., etc. » Pièce cotée n°9e). Assurément les conseils dictés par l’aumônier du collège de Rouen à Mr Bénard pour détruire le mal qu’avait fait à Mr Guilmeth le curé de la Couture, pouvaient être fort sages et fort habiles, mais ils renfermaient un principe de lâcheté et d’hypocrisie qui ne pouvait convenir au caractère de Mr A. Guilmeth. Celui-ci aima mieux rompre que ployer ; et, au lieu de s’entendre avec le principal du collège de Bernay, il se mit à attaquer le malheureux fonctionnaire par tous les moyens à la fois. Pamphlets en vers et en prose, épigrammes, satires, dénonciations à l’Académie de Rouen et au ministère de l’instruction publique, tout fut mis en usage. Les

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professeurs et les élèves du collège, le conseil municipal de Bernay et enfin les principaux habitants de cette ville furent graduellement amenés à prendre part à la fête. Le sieur Duffault fut destitué ou amené à donner sa démission. Après cela, il vendit sur la place publique de Bernay un mobilier qui n’était pas le sien, puisque, des quatre mille francs qu’il l’avait acheté à Mr Nicolas Delbès, son prédécesseur, il n’avait pas encore payé et n’en paya jamais un centime à ce dernier. De Bernay, l’ex-principal Duffault s’enfuit en Russie. Le collège communal de Bernay fut momentanément fermé.

          M. Guilmeth, tout en continuant de solliciter un emploi dans la carrière de l’Instruction publique (voir la pièce cotée n°10e), n’avait cependant pas renoncé à ses idées d’embrasser l’état ecclésiastique. Ce fut alors qu’il fit la connaissance de M. le comte d’A… , riche propriétaire des environs de Bernay, dévoué de cœur et d’âme à la fameuse société de Jésus. Les succès que M. A. Guilmeth avait eus dans ses études, les essais littéraires et poétiques qu’il venait de lancer dans le public au sujet de sa querelle avec le principal du collège de Bernay, l’imagination ardente de ce jeune homme, son courage, son caractère vif et ouvert, tout cela décida M. le comte d’A… à solliciter du jeune Guilmeth une adhésion aux statuts de la Société de Jésus. Les avantages que devait

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lui procurer cette affiliation, dans cette vie et dans l’autre, lui furent présentés sous de telles couleurs, qu’il n’hésita plus à faire connaissance avec les Révérends Pères de Montrouge[16] dont on parlait tant à cette époque. Mu plutôt par une curiosité bien naturelle à son âge que par le désir de revêtir le froc de jésuite, M. Guilmeth entama avec le R. P. Ladavière[17], alors directeur de la maison de Montrouge, une correspondance dont on pourra se former une idée en parcourant la lettre cotée sous le n°11e. Voici, du reste, quelques passages de cette curieuse épître du Père Ladavière : « Montrouge le 1er juin 1828. – Mon cher Monsieur, votre lettre du 26 may m’est arrivée ici pendant que j’étais occupé à Paris ; ce n’est qu’aujourd’hui que je puis y répondre. Oui, en effet, le ton de franchise qui régnait dans votre lettre m’a plu et m’a inspiré cette ouverture avec laquelle je vous ai répondu, et je me persuade avec plaisir que tout chez vous répond à votre débat. Aussi continuerai-je à vous parler avec ouverture sincérité. Je n’ai point été étonné de la demi-réserve que vous mettiez dans votre lettre, mais je le serais presque de l’ardeur que vous témoignez à entrer dans une société que vous devez ne connaître que bien imparfaitement. Il faut pourtant bien connaître un corps avant de songer à s’y attacher, et il faut avoir réfléchi un certain

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temps… Si, pendant l’été, vous fesiez (sic) quelque voyage du côté de Paris, vous pourriez passer au Grand Montrouge n° 37, qui n’est qu’à trois petits quarts de lieue de la ville… Vous êtes sans doute persuadé de tout l’intérêt que je mets à ce qui regarde votre véritable bonheur ; je vais unir mes prières aux vôtres, pour vous prouver d’une manière réelle que je suis du fond de mon cœur, Mon bien cher Monsieur, votre très humble et tout dévoué serviteur A. P. Ladavière ptre. – P.S. Il me paraît toujours sage de ne faire aucune démarche jusqu’au mois de septembre, et, à cette époque, si vous persistez dans vos sentiments, écrivez-nous deux mots. » Cette lettre est du 1er juin 1828, et cette date explique le ton de prudence et de demi-réserve qui y règne d’un bout à l’autre ; on voit, en la lisant, que l’on s’attendait aux fameuses ordonnances arrachées le 16 juin à Charles X par le parti libéral contre les jésuites[18], lesquels, à leur tour, essayèrent l’année suivante de prendre l’ordonnance leur revanche contre le parti libéral. Cette lettre et les ordonnances qu’elle laissait pressentir, et qui, en effet, la suivirent de près, mirent fin à sa correspondance avec la Société de Jésus, mais ne le firent pas encore renoncer à son projet de se faire prêtre. Seulement, le prix de la pension qu’on lui demandait au petit séminaire d’Evreux le détermina à frapper de suite à la porte du Grand Séminaire[19], en émettant lui-même ses conditions

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d’admission et en en réglant les bases. Ses conditions ne furent point acceptées. Le 4 juillet 1828, Mr l’abbé Mathieu, alors supérieur du Gd séminaire d’Evreux, et depuis évêque de [blanc][20], lui adressa la lettre suivante (cotée sous le n°12e): « Monsieur et très cher en N. Seigneur, – Monseigneur (l’évêque d’Evreux)[21], à qui j’ai fait part de vos intentions, me répond qu’il ne peut vous recevoir dans son séminaire ; la multitude de sujets qui doivent y entrer l’année prochaine et le peu de place l’empêchent de vous en donner l’espérance, mais il vous accordera un exeat pour le diocèse dans lequel vous serez admis, sur la demande de l’évêque ou des grands vicaires de ce diocèse. » Ce mot d’exeat avait été lâché par M. Guilmeth lui-même, comme une menace, dans sa demande d’admission au Grand séminaire d’Evreux. Il connaissait à Rouen un Mr Le Boulleux[22], qui avait été autrefois le compagnon d’études de Mr Jacques Cardon, l’un de ses oncles maternels, mort à la Sorbonne à Paris au moment de son ordination. Ce Mr Le Boulleux était devenu l’un des vicaires généraux de son Altesse éminentissime le cardinal prince de Croÿ, archevêque de Rouen[23]. Muni d’un exeat, que l’évêque d’Evreux, sur la demande du cardinal archevêque, lui avait accordé sous la date du 16 juillet 1828 (coté sous le n°13e), M. Guilmeth se présenta au grand séminaire de Rouen, où il fut reçu de la manière la plus cordiale par Mr Le Boulleux, qui, en le félicitant sur ses succès scolastiques, ses talents littéraires, etc.,

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se félicitait lui-même d’avoir acquis à l’église de Rouen un sujet aussi distingué. Il lui fut fait remise d’un quart de la pension et le 1er août suivant, ainsi que l’atteste un certificat délivré par le même jour par Mr Le Boulleux et visé à la préfecture de la Seine Inférieure par le secrétaire général délégué (pièce cotée sous le n°14e), Mr Guilmeth fut définitivement inscrit au nombre des élèves en théologie du diocèse de Rouen, pour y achever ses études ecclésiastiques. Mr Guilmeth, cependant, n’entra pas de suite au séminaire ; quelques personnes profitèrent de ce répit pour l’effrayer sur les suites de son avenir, gravement menacé, lui disait-on, par les événements politiques qui se préparaient. C’est sous l’empire de ces idées, que M. Guilmeth recommença à solliciter un emploi dans l’instruction publique, ainsi que le prouvent et la lettre (cotée sous le n°15e) par laquelle Mr Faucon, recteur de l’Académie de Rouen, lui écrivait, le 7 septembre 1828, qu’il n’est pas exact de dire que s’il ne place pas Mr Guilmeth c’est que lui, recteur, ne le veut pas, lui expliquant toutes les causes qui l’empêchent de lui offrir une position convenable (sa trop grande jeunesse, son inexpérience, l’abondance de sujets déjà employés dans l’administration universitaire, etc., etc.), et cette autre lettre (cotée sous le n°16e) par laquelle M. Poli de Louvigny[24] lui annonce, le 26 octobre 1828, qu’il a été voir son Excellence (le ministre de l’Instruction publique), laquelle l’a favorablement accueilli, l’a engagé à retourner chez elle sous quinze jours, et lui a bien promis de s’occuper de Mr Guilmeth, en lui observant toutefois que la multitude des sujets

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 rend les places fort rares.

          Tous ces délais avaient créé à Mr Guilmeth des loisirs, qui, pour n’être pas doux, n’en étaient pas moins longs. Mr Guilmeth les employa à faire sur la province de Normandie quelques unes de ces études historiques, archéologiques et monumentales qui devaient, en peu d’années, le placer au rang des hommes les plus savants qu’ait produits cette province. Il confia une partie de ces riches matériaux à Mr Auguste Le Prévost, de Bernay ; ce dernier, ayant la manie de mener de front une foule de travaux et d’études fit des notes de Mr A. Guilmeth le plus triste usage, sans même se donner la peine de citer son nom, excepté une seule fois dans le tome IVe des Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, année 1827-1828, p. 416. ―I [Il est encore question de Mr Guilmeth et de plusieurs de ses travaux ou publications en différents autres endroits des Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, notamment au tome VIe, année 1831 à 1833, page 462 ; au tome IXe, année 1835, page 593 ; et enfin, au tome XIVe, année 1844-1845, pages 32, 36, 152, 153, 163, 164 et 165.]

          Cependant, Mr Guilmeth continuait toujours des démarches auprès de l’administration universitaire, car on était parvenu à le faire renoncer d’une manière définitive à l’état ecclésiastique. Le 10 mars 1829, le maire et le conseil municipal de la ville de Brionne, et plusieurs maires, adjoints, prêtres et administrations du même canton de Brionne signèrent, en faveur de Mr Guilmeth une pétition au ministre de l’Instruction Publique. Cette pétition, que l’on trouvera cotée sous le n°17e, ne fut point envoyée à cause de l’on ne sait quel vice de forme qu’y remarqua ou crut y remarquer Mr le vicomte Raymond de Laître, préfet de l’Eure[25], chargé de la présenter au ministre. Cette pétition était ainsi

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conçue : « Nous soussignés Maires, etc, certifions que le sieur Guilmette (Alexandre, Auguste), ex-élève du collège de Bernay, bachelier-ès-lettres, né à Brionne, le 2 septembre 1807, dont les talents, les mœurs, la conduite et les principes religieux ne méritent que des éloges, se destinant au service de l’Instruction Publique, désirerait y entrer le plutôt possible et attend même depuis longtemps le moment qui doit combler ses désirs. – Nous attestons que son père, ayant fait pour l’éducation de son fils tous les sacrifices que pouvait lui permettre sa très modique fortune, et cela dans la seule intention de le vouer au service de l’Université Royale de France[26], ne pourrait lui donner désormais aucun autre état conforme à l’éducation qu’il a reçue, s’il n’entrait au service de cette université. – C’est pourquoi nous supplions très respectueusement, etc. Fait en l’hôtel de Ville de Brionne le 10 mars 1829. » (suivent les signatures et les timbres des mairies.) Assurément, peu de fonctionnaires dans l’administration, universitaires ou autre, ne pourraient offrir une recommandation aussi belle, aussi glorieuse que cette pétition des tous les différents administrateurs et habitants principaux de tout un canton, l’un des plus riches et des plus éclairés de France. Et pourtant, ainsi que nous venons de le dire, le préfet de l’Eure, qui, d’abord, s’était chargé avec joie de l’apostiller et de la remettre lui-même au ministre, refusa d’accomplir sa promesse, sous le prétexte spécieux que cette pièce était illégale, entachée de plusieurs vices de forme, etc. Etaient-ce les prêtres d’Evreux ou les jésuites de Montrouge qui se vengeaient de ce qu’ils appelaient la désertion ou la défection de Mr Guilmeth ? Mais cette prétendue désertion ou défection n’était-elle pas le résultat de leur propre manière d’agir ?

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 Ce qu’il y a de certain, c’est que l’on était alors en pleine restauration ; les jésuites étaient tout puissants dans les préfectures, aux ministères et jusque dans les conseils du Roi. Le préfet de l’Eure était le très humble et très obéissant valet de l’évêque d’Evreux[27], et le recteur de l’Académie de Rouen[28], intermédiaire obligé entre le ministère de l’Instruction publique et les divers administrateurs de son ressort académique, passait généralement pour être affilié à la Société de Jésus. Il n’est donc plus étonnant que, le 22 mars 1829, il répondit à Mr Guilmeth, qui lui avait écrit au sujet de l’inqualifiable conduite du préfet de l’Eure : que les circonstances sont plus contrariantes que jamais pour vous placer dans les collèges communaux de l’académie de Rouen, etc., etc. (voir la pièce cotée sous le n°18e). Il est à remarquer que, dans cette lettre, Mr Faucon ne fait aucune allusion à la demande de Mr Guilmeth, auquel il parle de l’académie de Rouen, tandis que la pétition transmise au préfet de l’Eure parlait très positivement de l’académie de Paris. On sait avec quel acharnement la Société de Jésus, dans l’intérêt des innombrables petits séminaires dont elle couvrait le sol de la France, travaillait, au moyen du clergé ordinaire et de ses autres agents, à ruiner nos collèges communaux[29]. La lettre de Mr Faucon apprend à Mr Guilmeth que, dans l’académie de Rouen, trois de ces collèges communaux ont cessé cette année d’avoir besoin de régents, tant il y a peu d’élèves ! Ce sont Aumale, Vernon et Gisors ; les autres sont au complet en fonctionres. Il y aura peut-être des mutations aux vacances,

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mais, en m’en donnant avis, il arrive souvent que les bureaux d’administration et les principaux me présentent un sujet déjà employé dans leur établissement ; et je ne peux le leur refuser pour leur en imposer un autre qu’ils ne connaissent pas ; ce serait les blesser et faire naître des difficultés. Ainsi, je ne peux vous faire d’autres promesses que de vous être utile si je le peux. Cette lettre, ainsi que toutes celles qu’il avait précédemment écrites à Mr Guilmeth prouva clairement à celui-ci que, tout en les comblant de ses protestations d’intérêt et de dévouement, Mr le recteur Faucon, affilié à la Société de Jésus, dont il était l’un des plus fervents soutiens, voulait punir ce jeune homme de s’être joué de cette Société et du clergé de Rouen. Comme Mr l’abbé Lemaitre le confia loyalement dans ce moment même, à Mr A. Guilmeth.

          Toutefois, celui-ci ne se laissa pas abattre ; lui et le conseil municipal de la ville de Brionne crurent qu’il serait plus prudent de s’adresser directement à Mr de Vatimesnil, ministre de l’Instruction Publique[30]. Lui aussi, ce ministre était un ancien élève des jésuites, mais il avait pu et su apprécier ses anciens maîtres, et il n’hésitait pas à prendre la défense des personnes qui pouvaient devenir leurs victimes. La pétition du Maire et du Conseil municipal de Brionne lui fut remise le 27 ou le 28 mars, et, dès le 4 avril, Mr le Maire de la ville de Brionne recevait la dépêche suivante, cotée sous le n°19e. « – Ministère de l’Instruction

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Publique. Université de France. 2e division. 2e Bureau. – Paris le 4 avril 1829. Monsieur le maire, j’ai reçu la lettre que vous et le conseil municipal de la ville de Brionne m’avez adressée en faveur de Mr Guilmeth, qui sollicite une place de régent. Le suffrage que vous accordez à ce candidat est un titre fort honorable. Je vous prie d’être assuré que, si les circonstances me fournissent l’occasion de l’employer, je ne perdrai de vue ni sa demande ni votre recommandation. – Recevez, Monsieur le Maire, l’assurance de ma considération distinguée ; – Le ministre de l’Instruction Publique, H. de Vatimesnil. » En marge est écrit : « Enregistrée à l’arrivée n°6309, au départ n°6497. » Quelques jours après (au mois de mai), et en dépit du mauvais vouloir du recteur Faucon, Mr Guilmeth fut en effet appelé, non pas aux fonctions de régent[31] dans un collège communal, mais à celles de maître d’études (3e quartier) dans le même collège royal pour lequel ledit recteur, d’après ses lettres, le trouvait trop jeune et manquant trop d’aplomb et de tenue (voir, n°15e, la lettre du 7 septembre 1828).

          Ainsi que nous l’avons vu (folio 20e), Mr A. Guilmeth employait depuis longtemps ses loisirs à étudier l’histoire et les antiquités de notre province. Nous avons vu aussi, par le tome IVe des Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, que, dès avant 1827, Mr A. Guilmeth avait fourni à Mr A. Le Prévost des notes pour ses travaux

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scientifiques. Il lui en fournit de nouveau en 1829, pour un autre Mémoire, imprimé à Caen et relatif à [blanc] ; c’est ce que prouve la lettre suivante de M. A. Le Prévost (cotée aux pièces sous le n°20e). « La Vaupalière, le 2 novembre 1829. Monsieur, je suis bien fâché de n’avoir pas eu connaissance de votre présence à Rouen. Le jour même où vous avez pris la peine de m’écrire, j’étais à la ville ; et maintenant je n’y retournerai que vendredi, 6 de ce mois. Je regrette de n’avoir point encore reçu de Caen d’exemplaires du Mémoire où j’ai fait usage des renseignements que vous avez eu la bonté de me fournir et que je suis impatient de vous offrir. – Agréez, je vous prie, l’assurance de la considération très distinguée avec laquelle je suis, – Monsieur, – votre très humble et très obéissant serviteur, A. Le Prévost. » Le 6 du même mois, Mr Guilmeth reçoit de Mr A. Le Prévost un billet ainsi conçu : « Auguste Le Prévost présente à Monsieur Guilmeth ses compliments et ses vifs regrets de ne pouvoir aller le voir aujourd’hui, par la nécessité où il est de passer presque toute la partie disponible de sa matinée à la séance d’un établissement de bienfaisance ; il s’empressera de s’en dédommager demain matin samedi.- Rouen le 6 novembre 1829. » – (cotée n°21e)

          Pendant son séjour à Brionne Mr A . Guilmeth s’était étroitement lié d’amitié avec un jeune homme nommé Henri Hue[32]. Ce jeune homme, né aussi à Brionne, et attaqué d’une maladie de poitrine, avait une imagination excessivement mélancolique, fiévreuse et vaporeuse, comme toutes les imaginations nourries d’études romanesques. Mr Guilmeth, nourri lui-même de quelques études de Sir Walter Scott[33], dont les écrits jouissaient alors

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d’une immense considération, n’eut pas de peine à amener l’attention de son jeune et infortuné compatriote vers des occupations qui devaient procurer à ses douleurs de si agréables moments de distraction. Mr Guilmeth n’hésita pas à mettre son savoir au service de l’imagination de Mr Hue, qui se procura ainsi non seulement un soulagement à ses maux, mais encore un bien-être, très faible il est vrai, mais bien important dans la position malheureuse et pauvre où il se trouvait. C’est à cette liaison formée dès l’année 1826 ou 1827, que nous devons la volumineuse correspondance qui exista entre les deux jeunes gens. Le 13 décembre 1829, Mr H. Hue écrivait à Mr A. Guilmeth, la lettre suivante, si pleine d’originalité : « Monsieur, Sacrebleu ! Que le froid est piquant !… hein, qu’en dites-vous ? Il faut pourtant que je vous écrive, dussé-je souffler dans mes doigts à chaque ligne. – J’ai reçu enfin de ma mère une réponse pour ce qui vous concerne ; pourtant on demande des pensions (il s’agissait d’une place dans une maison de commerce de Paris) ; je garde la lettre pour vous montrer qu’on n’a rien négligé pour vous caser ; elle vous a recommandé à une personne qui va beaucoup dans le grand monde et qui a promis de s’en occuper. Ainsi, patience ! Travaillez, travaillez, et vous verrez que votre travail ne sera pas sans fruit. – Vos idées de comédies et de vaudevilles sur le personnage d’Hélouin (fondateur de l’abbaye du Bec, né à Brionne) sont plus burlesques que raisonnables. Il fait donc bien chaud

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à Rouen, pour que vous ayez de si riantes pensées ?… – Sacrebleu ! à Brionne, nous avons l’onglée aux mains et peut-être aussi un peu à l’esprit !… J’ai cependant enfanté une nouvelle scène depuis que vous êtes parti. N’oubliez pas de vous informer des vêtements des paysans normands au XIe siècle (pour le drame de Guillaume le Bâtard), etc., etc. Et mes croûtes (pâtisserie) et deux tartes !… Je suis toujours malingre. Je savais la mort du chancelier (Dambray[34], famille dévouée à Mr Hue) et son remplacement par Mr Pastoret[35]. – Pastoret ! Joli nom, ma foi ! Adieu. Ne vendez pas Orderic (Vital) ; c’est un ouvrage à garder. Donnez-moi quelques détails des événements. Parlez-moi des Deux Nuits (nouvel ouvrage de Boïeldieu), que je savoure par anticipation.- Savourer des Nuits, hein !… Adieu, Monsieur. Tibi(?) Henry. » Pièce cotée sous le n°22e.

          A cette époque, Mr A. Guilmeth s’occupait vivement de la confection de son Histoire de la ville de Brionne, ainsi que l’atteste la lettre que lui écrivait, sous la date du 23 décembre 1829, M. Lizot, alors procureur du Roi au Havre et depuis président du tribunal civil de Rouen, fils de l’ancien député Lizot[36], si célèbre par son dévouement royaliste, né à Brionne le [blanc] 17.., mort le 31 janvier 1826.- Pièce cotée sous le n°23e)

          Nous avons vu ci-dessus que, dès le mois de mai

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1829, Mr Guilmeth avait été appelé par Mr de Vatimesnil aux fonctions de maître d’Etude, du troisième quartier au collège royal de Rouen, mais que, le 13 décembre suivant, il n’était pas encore entré en fonction, puisque, ce jour-là même, un de ses amis lui annonçait que l’on faisait à Paris quelques démarches pour le faire recevoir dans une maison de commerce. Mr Guilmeth ignorait sa nomination. Mr le recteur Faucon, qui avait été chargé de la lui transmettre, ne l’avait pas fait tout en affirmant le contraire. Enfin, malgré son inconcevable obstination, ce recteur, poussé jusque dans ces derniers retranchements, fut forcé de s’exécuter ; grâce aux soins et démarches de M. Auguste Le Prévost, Mr Guilmeth put enfin entrer dans ses modestes fonctions de maître d’études, qui ne lui rapportait que mille francs de traitement annuel, plus la nourriture, le chauffage et l’éclairage. C’est dans les premiers jours de janvier 1830, que Mr Guilmeth s’installa au 3e quartier du collège Royal de Rouen.

          Ce collège avait alors pour proviseur un sieur Faucon, neveu et associé de Mr Faucon, le recteur. Mr Guilmeth était loin de s’imaginer que le neveu hériterait des mauvaises intentions de l’oncle, mais Mr A. Le Prévost, qui s’était déclaré le protecteur de Mr Guilmeth était loin d’avoir autant de confiance, témoin la lettre qu’il écrivait à ce dernier sous la date du 14 février 1830,

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 où il lui disait : « Ne comptant pas revenir à Rouen avant quinze jours au plus tôt, je profite, Monsieur, de l’occasion de Mr Alfonse Prétavoine[37], mon compatriote et mon ami, pour vous demander des nouvelles de votre situation actuelle, de la manière dont elle vous convient, et des ressources que vous y trouvez ou y trouverez par la suite pour la continuation de vos études (universitaires), etc., etc. (cotée sous le n°24e). Mr Guilmeth répondit que, à défaut d’une place de régent qu’il avait si longtemps et si vivement sollicitée, parce que, seule, cette place pouvait lui laisser le loisir de se prépararer [sic] à l’agrégation et aux examens de l’Ecole Normale, une impérieuse nécessité l’avait contraint à accepter celle de Maître d’études, qui était plutôt antipathique que conforme à ses goûts, puisque ces dernières fonctions ne lui laissaient pas un instant de répit, etc., etc. Cette lettre fut montrée par Mr A. Le Prévost au recteur et au proviseur, qui lui promirent de tout faire pour obtenir à Mr Guilmeth la place de régent à laquelle il tenait tant. Nous verrons bientôt de quelle manière l’oncle et le neveu, ces deux jésuites à robe courte, devaient exécuter leur promesse.

          A cette date, et tout en étant maître d’études au collège royal de Rouen, Mr A. Guilmeth poussait vivement, chez Mr D. Brière, imprimeur rue St Lô, l’impression, non pas de son grand ouvrage sur Brionne

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qui n’a jamais parue et qui ne paraîtra peut-être jamais, mais un court abrégé de la même ouvrage, accompagné de Notices, sur les villes de Bernay, Beaumont-le-Roger, Montfort-sur-Risle, etc., etc. Mr Brière était l’imprimeur d’une feuille publique intitulée Journal de Rouen, journal qui, à cette époque, appartenait à l’opposition la plus avancée[38]. Les rapports qu’avaient journellement Mr Guilmeth avec l’homme chargé de l’impression de son ouvrage inspirèrent à MM. Faucon de très sérieuses inquiétudes car le public criait beaucoup contre l’administration intérieure du collège. En effet, quelques articles parurent, et il n’en fallut pas d’avantage pour assurer à Mr Guilmeth la perte de ses modiques fonctions[39]. Quelques plaintes qu’il éleva au sujet de la conduite qu’avaient tenue envers lui quelques élèves du 3e quartier suffirent, non pas pour le faire destituer (il n’y avait pas de motifs suffisants), mais pour le faire descendre au quartier de septième. Voici la lettre que, sous la date du 11 mai 1830, lui écrivait à ce sujet M. A. Le Prévost, retiré alors à sa campagne du Tilleul-Folenfant[40]. Cette lettre, cotée sous le n°25e, renferme sur la vie, les idées, les occupations et les relations sociales de Mr Auguste Guilmeth, des détails si vrais et si palpitants d’intérêt, que, malgré son extrême longueur, nous avons cru devoir la reproduire en entier, sans en retrancher une syllabe. C’est une des plus

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curieuses pages de la biographie de Mr Guilmeth puisqu’elle résume pour ainsi dire, toute sa vie jusqu’à cette époque. « Le Tilleul-Folenfant près Bernay le onze 11 11 mai 1830.- Monsieur, – Loin de trouver vos lettres trop longues, comme vous m’en exprimez la crainte, je les ai reçues avec autant d’intérêt que de reconnaissance, et je n’ai attendu jusqu’à ce jour pour vous en remercier que dans l’espoir de profiter du voyage à Rouen de Mr Alfonse Prétavoine, qui a lui-même tant de remerciements à vous adresser pour son propre compte. Un heureux hasard me faisait recevoir sa visite et celle de madame dans le moment même où votre correspondance m’arrivait il y a huit jours. Vous pouvez juger du bonheur que vous m’avez procuré en mettant à portée de leur communiquer de si bonnes nouvelles sur le compte de leur fils et de si aimables témoignages de l’intérêt et des soins dont vous voulez bien entourer ses premiers pas dans la carrière scholastique. Je suis trop lié avec ses parents pour ne pas l’aimer beaucoup aussi, et je vous saurai pour mon propre compte un gré infini de tout ce que vous aurez la bonté de faire pour lui. Je le regarde comme sauvé, grâce à vous, de toutes les chances de dégoût, de tous les obstacles qui pourraient l’arrêter, comme tant d’autres, à l’entrée même de ses études, de manière à n’en faire qu’un sujet manqué. – J’apprends avec bien de la joie que vous êtes débarrassé de vos intraitables élèves de Troisième et que vous n’avez

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plus à lutter contre toutes leurs conspirations et leurs noirceurs ; mais je ne m’en associe pas moins à vos justes plaintes contre la conduite du proviseur envers vous. Ce qui vous est arrivé dans cette circonstance n’est que trop fréquent dans les éducations particulières, où il faut se résigner à ce que vous donne toujours tort, de quelque manière que vous vous y preniez ; mais je n’aurais pas pensé qu’il y eût rien de semblable à redouter dans un établissement d’instruction publique, où ces faiblesses n’ont plus pour excuses les illusions de l’amour paternel. C’est un bien fâcheux manque de justice et de procédés à la fois, qui m’a singulièrement affligé ; et je me trouve heureux de pouvoir vous dire ici ce que j’en pense. Mais je vous conseille de ne pas faire semblant d’en sentir la gravité, attendu que cela amasserait infailliblement quelque nouvel orage sur votre tête. Vous avez heureusement une énergie de caractère qui doit vous faire mépriser de pareilles tracasseries. Le hasard a voulu qu’en croyant vous faire déchoir, on vous a procuré une position beaucoup plus douce. Tenez vous y tant que vous le pourrez, et profitez des loisirs que vous allez y trouver, pour arriver à une position plus digne de vous. J’espère retourner à Rouen sous une quinzaine ; nous causerons bien à fond ensemble de tout cela et quibusdam aliis. Si vous avez besoin, à cette époque, de quelque démarche auprès de l’un de ces messieurs, j’aurai un grand plaisir à la faire pour vous. Je ne serai satisfait et tranquille sur votre compte que quand je vous aurai vu arriver quō te tua merita vocant,

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comme dit je ne sais quel Père de l’Eglise. – J’ai appris avec bien de la reconnaissance l’intérêt que vous avez bien voulu prendre à ma petite indisposition de ce printemps. C’était une fluxion, mal assez douloureux, mais nullement inquiétant, auquel je suis fort sujet à l’époque des Equinoxes (genre de périodicité assez bizarre). Il semble que la perturbation qu’éprouve alors l’atmosphère se répercute dans mes entrailles et que l’équilibre ne puisse être rétabli que par une fluxion. – Permettez-moi de relever une erreur grave que je trouve dans cette partie de votre première lettre. Parmi les objets (trouvés à Berthouville[41]) que vous avez vus chez Mr Liston (huissier à Bernay), il y en a quelques-uns sans doute dont la fabrication est fort médiocre ; mais la plupart, et surtout ceux qui sont garnis d’une cuvette, sont d’une beauté incomparable de nos jours, et Napoléon, aux jours de sa plus grande puissance, n’aurait pu en demander de semblables à nos arts modernes. – Vous avez vu par mon premier article de journal que je regardais l’épithète Canetus[42] (note : ce nom existe en Picardie) comme provenant d’un nom de lieu ; je suis charmé de me rencontrer avec vous sur ce point. Je n’ai jamais vu de nom semblable. – Je suis allé voir l’emplacement de la découverte (qui est, par parenthèse, fort près de Brionne) ; il est hérissé de fondations romaines, qui ne me permettent pas de douter que ce ne soit là qu’existait le temple de Mercure et le lieu nommé Canetum. – Par une réunion de circonstances contrariantes, je ne suis point encore allé visiter les fouilles de la forêt de Beaumont(-le-Roger). Ce n’est que demain que je compte accomplir le voyage, dans la compagnie de mon ami M. Louis Dubois[43], qui a commencé à en rendre compte

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dans le Journal de Rouen, et qui continuera certainement. Soyez bien sûr que je ne reviendrai pas à Rouen sans pouvoir vous dire en quoi cela consiste et quelles espérances on peut fonder dessus. – Je vous dois beaucoup de remerciements pour le présent que vous avez bien voulu me faire des mémoires de votre malheureux voisin (le nommé Roussel, ancien instituteur primaire à Saint-Cyr de Salerne). Je les connaissais déjà, mais j’éprouvais un grand désir de me les procurer ; j’entends parler souvent de lui par MM. Bardet[44]. Ce n’est pas précisément un fou, dans l’acception ordinaire de ce mot ; mais c’est un monomane, ce qui est peut-être encore pis et laisse moins de chance de guérison. Il doit inspirer une bien grande pitié, et sa famille encore d’avantage. Sa monomanie est celle que l’on a désignée sous le nom de Lycantropie[45], ………….. et de laquelle vous trouverez des choses bien curieuses dans les livres de médecine moderne. – Je vous envoie ci joint mon second article sur Berthouville dans la crainte que vous ne le possédiez pas, et j’ai chargé Armand de vous remettre ceux qui suivront. – Je vous félicite du reste, entre nous, de n’avoir plus de relations avec le bureau de ce journal (le Journal de Rouen). Ces messieurs sont si indiscrets dans leurs observations, que le moins que l’on peut en avoir avec eux est le mieux, surtout dans votre position. Leur mission serait très belle, mais ils ne savent ou ne veulent pas la comprendre. – Je vous prie d’exprimer à Mr Brunet combien j’avais été heureux de l’aider à voir nos antiquités, mais ce ne sera plus qu’à Paris

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que je pourrai lui rendre ce service. Je serai au reste en très bonne position pour cela, et je vous fais de grand cœur la même offre. Adieu, Monsieur ; mon courrier me presse pour porter ma lettre à Mr Prétavoine ; sans cela, j’aurais bien du plaisir à causer encore quelques moments avec vous. Tout ce que je puis encore faire est de vous prier de supporter avec courage les ennuis et les inconvénients de votre situation actuelle ; j’ai la ferme confiance qu’elle s’améliorera beaucoup et que vous pourrez cultiver les connaissances (littéraires, historiques et archéologiques) qui vous offrent tant d’attrait et pour lesquelles vous avez tant de dispositions. – Recevez l’assurance bien sincère des vifs sentiments d’estime et d’attachement de votre tout dévoué serviteur A. Le Prévost. »

          Nous avons vu ci-dessus que, dès le mois de février 1830, ou pour mieux dire dès les mois d’octobre et de novembre 1829, Mr A. Guilmeth poussait chez Mr Brière l’impression de l’abrégé de son Histoire de Brionne et des Notices qui devaient y être réunies. La rupture avec les bureaux du Journal de Rouen, dont parle Mr A. Le Prévost dans la lettre précédente n’était donc qu’à l’état de projet au moment où il écrivait cette lettre ; nous ajouterons même que ce projet était, sinon impossible, du moins excessivement difficile à réaliser ; Mr Guilmeth continua donc à visiter les bureaux du Journal de Rouen, non pour fournir à ce Journal des renseignements contre l’administration de MM. Faucon oncle et neveu, mais pour soigner l’exécution typographique de ses notices. C’est aussi de ces Notices que Mr Henri Hue écrivait à Mr Guilmeth, sous la date

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du 22 avril 1830, la lettre suivante (cotée sous le n° 26e). « Monsieur, je viens de terminer l’article en question. Après être entré dans quelques préliminaires relatifs aux progrès de la civilisation, j’aborde la question des histoires locales, et je cite quelques passages isolés de l’ouvrage que vous m’avez m’avez laissé (à l’état d’épreuves). J’enverrai cet article au Mémorial de l’Eure[46], aussitôt que vous m’aurez assuré que l’auteur des Notices n’en sera pas faché…. Vous voudrez bien mettre à la poste cette assurance aussitôt la réception d’icelle (lettre). Vous savez que le Mémorial doit toujours ses matériaux disponibles pour le 20 ou le 22, afin de les envoyer à l’impression. Je vous salue cordialement, Henry ». Les précautions que prenait Mr Henri Hue pour s’assurer d’une manière positive et irrévocable l’assentiment de l’auteur des notices prouvent que Mr A. Guilmeth n’était rien que moins disposé à user de ces recommandations de feuilles publiques dont le charlatanisme a fait depuis tant de progrès. Il répondit à Mr Hue qu’il désirait réfléchir encore. Aussi, le 13 mai, voit-on son ami revenir à la charge dans cette lettre (cotée sous le n° 27e). « Plus tard vaut mieux que jamais. J’avais l’intention de vous écrire pendant mon séjour ici, mais le temps m’a toujours manqué, non que je sois chargé de travail, mais je le suis de distractions. Me voici sur mon départ, et je vous écris. Etes-vous toujours dans l’intention de faire insérer mon article ? En est-il encore temps ?

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Quand donc aurons-nous notre Histoire (de Brionne) ? Il faut me répondre à ce sujet à Brionne. J’ai vu Hernani[47]. C’est donc là le genre qui doit remplacer Racine !!!.. Bon Dieu, où en sommes-nous ? Hugo est un fou, un fou à moments lucides, etc, etc. » Suivent des détails sur le Robin des Bois de Weber[48], sur Mozart, sur Rossini, etc, etc. » Cette lettre se termine ainsi : « Je ne passerai pas mon hiver à Brionne, à moins que ce ne soit à St Denis (cimetière de la ville). Tout est assez triste à Paris. Les affaires vont fort mal. Nous sommes sur un mauvais côté. On le dit. Adieu, Monsieur ; je retourne à Brionne samedi. Henry. » Mr Guilmeth refusa, comme il a toujours refusé depuis l’article en sa faveur.

          Enfin, l’heure était arrivée où Mr A. Guilmeth, victime de la mauvaise volonté de MM. Faucon allait être obligé de quitter le collège Royal de Rouen, pour s’en aller au collège Royal d’Amiens remplir les mêmes fonctions beaucoup moins rétribuées. Le 29 mai 1830, Mr le Proviseur du collège de Rouen vint le trouver à sa chambre et lui remit le certificat suivant. « Instruction Publique. Collège Royal de Rouen. Je soussigné, proviseur du collège Royal de Rouen, certifie que Mr Guilmeth (Alexandre Auguste), né à Brionne, département de l’Eure, le 2 septembre 1807, est resté en qualité de maître d’études dans l’établissement depuis le mois de janvier 1830 jusqu’à la fin du moi de la même année, qu’il a rempli ses fonctions avec zèle et en homme consciencieux ; et qu’il est d’une moralité irréprochable. Rouen, le 29 mai 1830, signé Faucon. » avec le timbre fleurdelisé du collège royal de Rouen. Ce certificat, coté sous

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 le n° 28, fut momentanément égaré et donna lieu à une correspondance dont nous reparlerons par la suite.

          Les haines jésuitiques qui avaient forcé Mr Guilmeth à quitter le collège Royal de Rouen le poursuivirent jusqu’à celui d’Amiens. Aussi est-ce en vain que, au sujet du procès soutenu par le Mémorial de l’Eure contre l’abbé Mélissent les prêtres d’Ecouis, Mr Frédéric Baudry, propriétaire du Journal de Rouen et imprimeur de Rouen rue des Carmes[49], lui adressa, sous la date du 11 juin 1830, la lettre suivante, cotée n° 29e : « Monsieur, je reçois à l’instant votre lettre et m’empresse de répondre aux différentes demandes qui s’y trouvent. Vous pouvez m’envoyer en toute sûreté de conscience vos notes relatives au Mémorial ; je les communiquerai sans en faire connaître l’auteur, afin que vous soyez plus tranquille. Il y a le seul cas de responsabilité ; mais je pense que tout ce que vous donnerez étant basé sur la plus exacte vérité, il n’y aura aucune raison à y apporter pour en faire suspecter l’exactitude. Nous avons d’autant plus besoin de vos notes, que, dans ces moments, le propriétaire du Mémorial, travaille pour revenir à l’audience armé de toutes pièces, et faire rapporter un jugement rendu contre lui par défaut (sur les poursuites de Mr l’abbé Mélissent), qui le condamne à un [an ou mois] de prison, cent francs d’amende et trois mille francs de dommages-intérêts envers ledit abbé, etc, etc. » Viennent ensuite quelques explications sur certains

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objets antiques, et notamment sur une jolie crosse du moyen-âge que Mr A. Guilmeth venait de voir à Amiens et qu’il trouvait ressembler à celle que M. E. H. Langlois[50] a mise dans la main de son charmant évêque-sapeur, charmant petit tableau de fantaisie appartenant à Mr F. Baudry. Ce dernier continue ainsi : « Vous seriez bien aimable si vous aviez la complaisance de nous envoyer quelques détails sur la découverte d’antiquités faite dernièrement aux environs d’Amiens. Nous avons à nourrir un animal essentiellement dévorant de sa nature ; le monstre (le Journal de Rouen), qui cherche sa pâture dans tous les éléments, et qui mourrait de suite si, un seul jour, il manquait d’aliments, exige qu’en bons pourvoyeurs nous allions au devant de ses besoins. C’est pourquoi je viens vous prier de lui jeter, non pas des gâteaux pétris de miel, comme à un nouveau cerbère, mais quelques tartines assaisonnées de bon sel et capables de stimuler le goût presque blasé sur les morceaux d’antiquités, si fades et si létifères que nous voyons aujourd’hui. » Enfin Mr Frédéric Baudry termine ainsi sa longue lettre : « La présente n’étant à autre fin, je prie Dieu de vous conserver en sa sainte et digne garde, et de vous faire éviter les embûches des bons Jésuites, dont vous vous trouvez actuellement le voisin, etc, etc. »

          Mr Guilmeth, ainsi qu’on le voit par cette lettre de Mr F. Baudry, s’occupait beaucoup d’antiquités. En ce moment, on fondait à Amiens le musée d’Antiquités. Mr Guilmeth contribua beaucoup à la formation de ce musée, auquel il donna un certain nombre d’objets fort

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 curieux, tant celtiques que romains. Voir à ce sujet le Glaneur d’Amiens, numéro du 19 juin 1830 (Notice sur les antiques du musée d’Amiens), lequel vote des remerciements à Mr A. Guilmeth[51].

          Le jésuitisme était en pleine guerre avec le libéralisme. Le 20 juin, Mr Baudry adressait à Mr Guilmeth une nouvelle lettre plus pressante encore que la première. « Monsieur, lui disait-il, je reçois ce matin votre lettre accompagnée de quelques pièces et réflexions, dont nous allons faire usage aussitôt qu’une place disponible se présentera… Et à cet égard, je viens vous remercier de toute votre bienveillance et vous prie de nous continuer vos bons soins… je suis très contrarié de n’avoir point reçu vos notes comme vous m’aviez fait espérer d’en obtenir au moins la communication. Songez bien que la cause se plaide peut-être demain, et que le Mémorial (de l’Eure) au plus rusé et au plus violent des jésuites de nos contrées. Si vous craignez de vous trouver compromis, je m’engage à tout copier et à ne vous faire connaître à qui que ce soit sans votre participation. En un mot, le procès, comme bien d’autres qui se plaident maintenant, va trancher une grande question, c’est celle de la liberté de la presse contre les manœuvres politiques. Il s’agit de la vie pour nos entreprises, qui, en définitive, sont toutes dans l’intérêt public, et je ne trouve pas d’expression pour qualifier l’indifférence ou même la crainte qui retient ceux qui, comme vous, ont des armes victorieuses et de plus une tête de Méduse à opposer à des adversaires dont la conscience jésuitique est si large, et qui trouvent que tout moyen est bon pour arriver à leur but. Certes, s’ils étaient à votre place, ils ne balanceraient pas, eux,

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qui n’ont jamais de scrupule que pour chercher un moyen plus perfide pour frapper ceux qu’ils veulent anéantir. Je finis sur ce chapitre car l’indignation qu’excitent en moi ces dignes serviteurs de la cause sainte et monarchique m’emporterait plus loin que je ne veux aller. – Je viens maintenant à votre intention d’attaquer Mr Brière (l’imprimeur de la rue Saint-Lô, auquel Mr Guilmeth avait confié l’abrégé de son histoire de Brionne et des Notices qui l’accompagnent)[52] et je dois vous avouer que j’ai presque souri en lisant votre lettre (on sait que Mr Baudry était le protecteur de la maison Brière). Ce serait, à ma connaissance, la première fois qu’un imprimeur aurait été traîné devant les tribunaux, et ce moyen nouveau pourrait bien produire l’effet de ce charretier qui, après avoir enrayé ses roues (Mr Guilmeth n’avait rien envoyé du tout, voir la préface de l’histoire de Brionne), frapperait impitoyablement ses chevaux, croyant les faire aller plus vite. Vous pouvez en essayer, mais je doute fort de la réussite. Un meilleur moyen à mon avis est d’envoyer de suite à Mr Brière vos épreuves corrigées, afin qu’on termine au plus tôt l’impression de l’ouvrage commencé (épreuves qui avaient déjà été corrigées trois ou quatre fois), etc., etc.- Je relis votre lettre et je vois que vous êtes disposé à consulter pour savoir si vous communiquerez les pièces relatives au procès du Mémorial. Je ne vous soumets plus qu’une réflexion. Prenez garde de vous confier à quelqu’un qui, dans le pays où vous êtes, miné et contreminé en tous sens par la congrégation[53], ne vous joue, comme on en a joué beaucoup (en note : c’est ce qui arriva. Le 22 juin, Guilmeth perdit sa place au collège d’Amiens).- J’attends vos prochaines nouvelles, etc. F. Baudry.» Cotée sous le n°30e .- Dans cette lettre, Mr Baudry recommandait à Mr Guilmeth de continuer au Journal de Rouen, ses bons soins au sujet des élections

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 d’Amiens et des autres collèges électoraux de ce quartier de la France. Pendant son séjour à Amiens, Mr A. Guilmeth fit la connaissance de MM. Duverdy(?), Rigollot et Delahaye[54].

Nous avons vu quelle lenteur Mr D. Brière mettait à terminer l’impression de la petite histoire de Brionne. Mr Guilmeth n’osait ni attaquer ni poursuivre Mr Brière, dans la crainte de soulever la colère de son protecteur Mr A. Le Prévost. En effet, ce dernier, qui, comme nous l’avons vu, était l’ami intime de la famille Faucon, ce qui explique pourquoi il désirait tant voir Mr Guilmeth rompre avec le bureau du Journal de Rouen (où cependant, lui-même était fort souvent) ; ce dernier, disons-nous, ignorait encore et était très loin de soupçonner que son protégé fit imprimer chez un homme qu’il haïssait sincèrement au fond de son cœur, un ouvrage historique ou archéologique quelconque. Non seulement, Mr Guilmeth avait à redouter la colère de Mr Le Prévost parce qu’il trahissait ses ordres et ses secrets désirs ; mais avait aussi à ménager sa susceptibilité d’homme de lettres et de science, car personne n’ignore combien Mr Le Prévost jaloux de ses droits et de son titre de Premier antiquaire de la Province de Normandie ; enfin Mr Guilmeth désirait ménager à son savant compatriote et protecteur, lorsqu’il serait arrivé à un poste indépendant des Faucon et des Jésuites, une surprise qui devait, selon lui, changer la colère en joie, puisque, dans sa Notice sur Bernay, il avait consacré à la biographie de Mr A. Le Prévost quelques pages que, certes, un homme d’un âge mûr, plus expérimenté et connaissant mieux Mr Le Prévost, n’aurait jamais consenti à écrire. C’est donc aux craintes qu’inspirait à Mr A. Guilmeth une

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indiscrétion commise par Mr Brière en présence de Mr Paul Rochette (frère du fameux Raoul, professeur à la Bibliothèque du Roi), alors maître d’études au collège Royal de Rouen, et depuis l’un des chefs les plus actifs et les plus distingués de la société saint-simonienne[55] ; c’est, disons-nous, aux craintes que lui inspirait cette indiscrétion qu’est due la lettre écrite par Mr Guilmeth à Mr Paul Rochette, dans laquelle il se plaignait avec vivacité, avec amertume même, de la lenteur calculée de Mr Brière et de son indiscrétion. Voici ce que répondait, sous la date du 21 juin 1830, Mr P. Rochette à Mr Guilmeth (pièce cotée sous le n°31e) – « Je crois que ce que vous avez de mieux à faire est d’écrire à Mr Brière (Mr Guilmeth avait écrit à Mr Baudry, qui n’avait osé montrer sa lettre à Mr Brière, voir la lettre du 20 juin) et d’entrer en accommodement avec lui… Je pense toujours qu’un aveu sincère à Mr Le Prévost raccommoderait tout. Vous devez du reste, juger mieux que moi de cette mesure. Si j’étais à la place de Mr Le Prévost, je n’aurais pas le courage de vous en vouloir. J’aurais du plaisir à vous encourager, et non à vous fermer la carrière des lettres. Voyez ; réfléchissez bien, avant de vous embarquer dans une démarche imprudente… Pardonnez-moi si cette lettre est si courte et si froide, je suis mal disposé ce matin. Toujours de la pluie au ciel ; temps affreux !… J’ai lu les Harmonies de la Martine[56] ; il y a progrès depuis les Méditations ; c’est à lire et à relire. Bon courage au milieu de votre gothique, de vos jésuites, etc., etc. Ici rien de nouveau.»

          Le 22 juin, à 8 heures du soir, Mr Guilmeth recevait par occasion la lettre suivante, datée de Rouen le même jour. – « Journal de Rouen. Imprimerie et Bureau rue St Lo, n°7 – Rédaction. 22 juin 1830 – «  Monsieur, nous acceptons

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 avec plaisir votre offre (que Mr Guilmeth n’avait pas faite, mais qu’avait sollicitée Mr Baudry dans sa lettre du 20 juin) de nous transmettre des renseignements sur les élections qui vont commencer demain à Amiens. Veuillez nous transmettre les résultats de chaque scrutin, en ayant soin de placer chaque paquet sous une enveloppe bleue, afin qu’on nous le délivre à la poste à son arrivée. MM. Baudry et Brière répondront incessamment aux autres objets de votre lettre. – Agréez, je vous prie, l’assurance de ma parfaite considération, Visinet (cotée sous le n°32e). » Ainsi que nous venons de le dire, il était à peine huit heures du soir lorsque Mr Guilmeth reçut cette lettre et en prit lecture. Une heure après, au moment du coucher des élèves, Mr Durand, inspecteur de l’Académie d’Amiens, chargé par intérim des fonctions de proviseur du collège Royal, fait appeler dans son cabinet Mr A. Guilmeth, et lui dit que ce n’est ni pour s’occuper d’antiquités et encore moins d’élections ni pour parler contre les jésuites qu’il a été reçu dans cet établissement « puisque vous teniez tant à être le correspondant ou le collaborateur de MM. Baudry et Visinet, il fallait solliciter un emploi dans les bureaux du Journal de Rouen et renoncer à faire partie de l’Université Royale. Voici le certificat que je ne puis me dispenser de vous accorder ; mais, en même temps, voici l’argent qui vous est dû ; vous quitterez demain ce collège pour vous retirer où bon vous semblera ». Ainsi, depuis son départ de Rouen et son arrivée à Amiens, on avait constamment épié Mr A. Guilmeth, observé ses démarches et lu les lettres qu’il recevait et qu’il avait la négligence de laisser ouvertes sur sa table, sans songer à les mettre sous clé. Le

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certificat délivré par Mr Durand à Mr Guilmeth est ainsi conçu : « Université de France. Amiens le 22 juin 1830. L’inspecteur de l’Académie d’Amiens, chargé des fonctions de proviseur du collège Royal, atteste que Mr Guilmeth (Alexandre Auguste) a résidé pendant un mois dans le dit collège en qualité de maître d’études et que sa conduite, sous les rapports civils et religieux, y a été à l’abri du plus léger reproche ; en foi de quoi, je lui ai délivré le présent, à Amiens le 22 juin 1830 – L’inspecteur, etc., signé Durand ; avec le timbre à la fleur de lis unique du collège royal d’Amiens » – Coté n°33e.

Dès le lendemain, 23 juin 1830, Mr Guilmeth quitta le collège royal d’Amiens et se rendit à Paris, où, grâce aux recommandations de Madame Du Châtelier, parente de Mr De Salmon du Châtellier, évêque d’Evreux, et veuve de Mr Yungman, ancien officier supérieur de l’Empire, il obtint dans l’institution Liévins[57] l’éternel et modeste emploi de maître d’études. Voici la lettre que lui écrivait de Bernay le 11 juillet 1830, M. A. Le Prévost (cotée sous le n°34) : « Je ne veux pas, Monsieur, attendre plus longtemps pour vous remercier de l’heureuse nouvelle que vous me donnez. Ce n’est pas encore une position bien brillante que celle dans laquelle vous entrez ; mais c’est beaucoup si on la compare à celle dont vous sortez. Vous connaissez maintenant les difficultés de cet état de maître d’études, et vous saurez les surmonter. Vous savez tout l’à-plomb, toute la discrétion, toute l’égalité soutenue de conduite, qu’il faut y apporter ; il est donc inutile que je vous en parle. La réputation de l’institution

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de Mr Liévins est venue jusqu’ici. Ne vous affligez pas du peu de loisir qui va vous rester dans un ordre de choses qui, j’espère, ne sera que de courte durée. Non seulement j’ai écrit à Mr Faucon (toujours ce nom !!!.) la lettre la plus pressante possible, mais encore, ayant eu le bonheur de rendre un service assez éminent à l’une des personnes dont la recommandation est la plus puissante auprès de lui, j’ai profité de la lettre où j’en rendais compte pour mettre cette personne dans vos intérêts. Je fais beaucoup plus de fond là-dessus que sur tout ce que j’aurai pu faire par moi-même. – Je vous remercie des détails que vous voulez bien me donner sur cette dame Yungman, à la protection de laquelle vous devez votre entrée chez Mr Liévins. Quelque minime que soit l’emploi qu’elle vous a procuré, vous lui devez toujours beaucoup de reconnaissance, puisqu’elle l’a fait sans vous connaître (elle connaissait Mr A. Guilmeth par ses deux fils, élèves du collège d’Amiens), et que, par le temps qui court, on soit bien las de demander, même les plus petites choses… Ce que vous me dites d’Amiens me fait partager vos regrets de n’avoir pu rester dans cette ville ; mais, puisque ce n’est point là que vous auriez pu faire rien d’utile pour votre aggrégation, il n’y faut plus penser. Adieu, Monsieur, je vous demande pardon de la brièveté de cette lettre, écrite au milieu de beaucoup d’embarras. Recevez la nouvelle assurance de mes vifs sentiments d’estime et d’attachement. A. Le Prévost. »

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Le 18 juillet 1830, Mr Paul Rochette écrivait de Rouen à Mr A. Guilmeth la lettre suivante (cotée sous le 35e). « Je suis enchanté de vous voir placé à Paris, et, puisque vous êtes content, je suis content aussi. Tout va bien. Mr Le Prévost lui-même est tout à vous. Allons, du courage ! et guerre à mort à votre imagination ; c’est la folle du logis, comme dit Montaigne ; il faut la chasser… J’ai écrit deux fois à mon frère ; pas de réponse. Si vous parvenez à le voir, ce que je crois un peu difficile, ne lui parlez pas de moi. A quoi bon ?.. Ce que vous lui diriez ne le ramènerait pas. Bien loin de là ! Vous pourriez contre moi. Il est toujours pénible de voir des étrangers initiés dans des querelles de famille, et vous êtes un étranger pour mon frère. En outre, il doit supposer que j’ai mis les torts de son côté, et il peut m’en vouloir de l’attaquer ainsi. Je vous en prie, ne lui parlez pas de moi, etc., etc. Adieu, tout à vous. Paul Rochette. »

Mr Guilmeth salua les premiers instants de la révolution de Juillet[58] comme l’aurore d’un beau jour. Aux premiers coups de canon, son âme fut remplie d’une indicible joie, non pas qu’il nourrît contre la restauration ou contre la branche aînée des Bourbons, à laquelle au contraire il était sincèrement attaché, la moindre idée de haine ou de vengeance, mais parce que cette révolution, au moment d’éclore, lui était présentée à lui et à beaucoup d’autres jeunes gens de la nouvelle école royaliste (qui reconnaissait et proclamait pour chefs MM. de Châteaubriand, de Martignac[59], etc.) comme devant mettre enfin un terme à ce système de jésuitisme et

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de cafardise qui pesait alors sur la France comme un linceul de plomb. D’après les comédiens de quinze ans, toutes les places, administratives ou autres, allaient être accordées, non plus à la faveur ou à l’intrigue des gens titrés, blasonnés ou encapuchonnés, mais au véritable mérite, par la seule voie des concours, etc., etc. Bref, dans son enthousiasme irréfléchi, Mr Guilmeth prit une part fort active aux premiers événements des 27, 28 et 29 juillet 1830, et, s’il n’a pas figuré parmi les héros de la grande semaine, c’est qu’il a eu honte d’y figurer, car sa conduite à la place de Grève et à la prise du Louvre et des Tuileries lui méritait bien certainement cette distinction[60]. Il est vrai que son erreur ne fut pas de longue durée ; elle dura tout juste autant que la révolution elle-même. Lorsque Mr Guilmeth vit rejeter le principe de la légitimité qui, tant de fois déjà, avait sauvé la France, et préférer au jeune duc de Bordeaux le duc d’Orléans[61], il n’hésita pas à cacher soigneusement sa prétendue gloire des Trois Jours. En réponse aux chants de victoire des poètes du nouveau régime, il composa son Ode à MM. Casimir De la Vigne, Victor Hugo, P. de Béranger et autres[62], brûlante et magnifique protestation, basée sur les quatorze siècles de l’histoire de France. Sorti de l’institution Liévins pour aller faire le coup de fusil sur la place publique, il revint modestement à Brionne, après le triomphe populaire, chercher un asile et du pain sous le toit paternel. C’est là qu’il reçut de Mr A. Le Prévost la lettre suivante, datée de Rouen le 19 août 1830 (et cotée sous le n°36e) – « J’ai éprouvé, Monsieur, bien du regret de

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ne pas m’être trouvé chez moi quand vous êtes venu me voir à votre retour de Paris. J’aurais entendu avec bien de l’intérêt vos récits des grands événements de la fin de juillet, ainsi que celui des circonstances par lesquelles vous avez passé depuis que je n’ai eu l’honneur de vous voir. Mon voyage de Basse-Normandie a été interrompu à la nouvelle de la crise qui venait d’éclater ; j’étais encore à Caen et me suis empressé de revenir à Rouen. Je n’en suis sorti que pour faire quelques courses dans le pays de Caux, et c’est malheureusement à cette époque que vous avez passé chez moi. – Mr le recteur, près duquel je n’ai pas perdu de vue vos intérêts, m’a fait la réponse la plus obligeante ; mais c’est du positif qu’il nous faut. Je vais continuer à le harceler jusqu’à ce qu’il m’ait promis pour vous une place déterminée. Malheureusement, nous avons toutes les peines du monde à nous rencontrer. Il semble que nous jouions aux barres ; quand il est à la campagne je suis à la ville, et réciproquement. Mais je me présenterai à tant de reprises chez lui, que j’espère finir par le trouver. Mon premier soin sera de vous instruire du résultat de cette entrevue. – Mr Bignon[63] n’est déjà plus à l’instruction publique. Ce sont maintenant MM. le duc de Broglie et Villemain[64], qui seront probablement dans de meilleurs dispositions que Mr de Guernon-Ranville[65] ; mais je pense qu’il vaudra toujours mieux arriver par la voie du recteur que par les sommités de la hiérarchie scholastique, toujours empressée de vous renvoyer de Caïphe à

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Pilate. – Adieu, Monsieur, je vous prie d’agréer, etc. A. Le Prévost. »

Tout ce que Mr Guilmeth avait vu et souffert depuis quelques semaines avait fini par affecter sa santé. Il était assez gravement souffrant lorsqu’il reçut chez son père à Brionne, la lettre suivante de Mr N. Lefebvre-Duruflé[66], l’auteur véritable du fameux Hermite en province, publié sous le nom de Mr de Jouy, membre de l’Académie Française. Cette lettre (cotée sous le n°37e) est datée de Pontauthou le 23 août 1830. « Monsieur, je ne puis m’expliquer votre embarras (de lui lire quelques scènes du duc Roi, publié en 1834 – 1835) que par l’excès de votre modestie ; c’est du reste, une qualité qui va si bien à tout le monde que je ne me suis jamais senti la force de la blâmer, même chez ceux qui pourraient s’en passer ; mais, comment, pour vous mettre tout-à-fait à l’aise, n’avez-vous pas songé, Monsieur, que l’ouverture que vous me faisiez ne pouvait que m’être infiniment agréable ? Hâtez-vous donc, je vous en prie, de mettre de côté toute idée de trouble ou de contrainte. J’aime à croire que, lorsque j’aurai l’avantage d’être personnellement connu de vous, vous demeurerez convaincu que des sentiments de ce genre n’ont jamais d’accès dans des relations que l’on peut avoir avec moi. – Je pars demain pour Elbeuf, d’où je ne reviendrai que vendredi ; mais je serai très probablement à Ponthauthou samedi, dimanche et lundi. – Dans tous les cas, comme le soin de votre santé doit influer sur le choix du jour que vous fixerez pour vous transporter jusqu’ici, je ferai dire, d’ici à quelque temps, par le commissionnaire qui prend mes journaux chez Mr Gallois, tous les jours

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où je me trouverai à Pontauthou. – Je déjeune à onze heures et dîne à cinq ; si vous pouvez disposer votre visite de manière à prendre part à l’un de ces deux repas, vous ajouterez, Monsieur, au plaisir que j’aurai à vous recevoir. – Agréez, je vous prie, mes civilités les plus empressées ; N. Lefebvre-Duruflé. Pontauthou 23 août 1830. » Le 4 septembre suivant, Mr Guilmeth recevait de Mr A. Le Prévost une lettre ainsi conçue (cotée sous le n°38e). « Bernay, le 4 septembre 1830.- Je reçois, Monsieur, avec bien de l’intérêt et de la reconnaissance, tout ce que vous avez la bonté de m’envoyer (notes historiques et antiquités gauloises et romaines trouvées à Brionne), et surtout votre obligeante lettre du 1er de ce mois. De mon côté, il y a plusieurs jours que je veux vous écrire pour vous rendre compte de mes nouvelles démarches auprès de Mr Faucon et du tort que vous fait l’interrègne existant dans l’académie de Rouen comme dans tant d’autres branches du service public. Mr Faucon m’a renouvellé ses protestations de zèle pour vos intérêts ; mais, en même temps, il m’annonce, d’une part, que, les collèges ne lui ayant point envoyé de travail préparatoire, il ne peut rédiger le sien, encore moins l’envoyer au ministre ; de l’autre, qu’il attend d’un moment à l’autre sa destitution et son remplacement, ce qui ne lui donne pas du tout de cœur à l’ouvrage comme on dit vulgairement. Il m’écrivait cela le 23 août, et, depuis cette époque, je ne puis concevoir qu’il n’y ait encore rien de décidé. Les principaux concurrents, à ma connaissance, sont MM. Lerond, Magnier, professeur de Rhétorique, et Houel, avocat[67]. Aussitôt que je verrai quelque chose de décidé, j’irai frapper à leur porte ; mais, auparavant, cela m’est impossible. D’un autre côté, il me paraît à la fois inutile

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et inhumain de troubler l’agonie du dernier titulaire. Voilà l’embarras où je me trouve, et dont je voulais vous faire part, je n’ai malheureusement aucune relation avec les distributeurs des grâces (sic). Il me semble qu’après la part que vous avez prise aux événements de Paris, vous avez d’excellents titres à faire valoir auprès de Mr le nouveau juge de paix du canton de Brionne, et par lui, auprès de son oncle[68]. Comment se fait-il qu’habitant le même pays, vous ne puissiez établir aucuns rapports avec lui ?.. Je ne demande pas mieux que de continuer à épier avec une grande vigilance le moment de travailler pour vous, mais je n’ai d’accès qu’auprès de protecteurs très subalternes, tandis que ces messieurs-là taillent en plein drap. – J’ai bien l’intention de remanier complètement mon mémoire (sur quelques monum. du dépt. de l’Eure, etc.), mais je n’ai pas encore eu le temps de m’en occuper. Vous me rendrez un grand service en vous donnant la peine de rédiger et de me transmettre vos observations. Je vous prie d’y consacrer quelques uns de vos loisirs.- Je vous remercie bien vivement des détails palpitants de vie que vous me donnez sur les grands événements dont vous venez d’être spectateur et acteur. Je ne puis encore rien vous dire sur les brochures de Mr Rigollot (d’Amiens, remises par Mr Guilmeth), ne voulant pas même les ouvrir avant de m’être assuré d’une occasion pour ma lettre, ni m’exposer à ce qu’elle reste aussi longtemps en route que la vôtre. Adieu, Monsieur ; je vous prie d’agréer la nouvelle assurance de mes vifs sentiments d’estime et d’attachement. A. Le Prévost. »

Le 10 septembre 1830, Mr Le Prévost adresse à Mr

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Guilmeth une nouvelle, conçue absolument dans les mêmes termes de landon(?) et de griant-nient(?) ; seulement il y ajoute ces phrases très consolantes : « Vous avez dû voir dans les journaux que nous possédions un nouveau recteur[69] ; malheureusement ce n’est ni Mr Botta[70], ni Mr Lerond, ni Mr Magnier, ni personne que je connaisse. De sorte qu’à mon grand regret, je ne puis rien faire auprès de lui pour vous. Peut-être serait-il bon que vous allassiez le voir aussitôt que vous aurez connaissance de son arrivée à Rouen. Je suis bien fâché de ne pas me trouver moi-même dans ce pays-là ; je lui aurais fait une visite à tout événement, tandis qu’il m’est absolument impossible de vous recommander par écrit à quelqu’un dont je ne suis pas connu, etc., etc. » Cotée sous le n°39e.- Ainsi, deux années de démarches coûteuses et d’attente mortelle n’avaient servi à Mr Le Prévost qu’à s’amuser aux dépens d’un malheureux jeune homme qui avait placé en lui, comme en Dieu même, toute son espérance !!! Mais continuons. Le 13 septembre 1830, Mr A. Le Prévost adresse de Bernay à Mr Guilmeth la lettre suivante, qui prouve que ce dernier commençait à se lasser et à voir clair dans ces charmantes promesses dont on le berçait depuis si longtemps. Après avoir engagé de la manière la plus aimable Mr Guilmeth à venir le voir à Bernay ou à la campagne du Tilleul-Folenfant, Mr Le Prévost continue ainsi : « Notre nouveau recteur s’appelle Mr Badelle (gendre ou beau-frère de Mr Etienne, de l’Académie Française[71]). Je ne saurais vous exprimer la surprise et le chagrin que j’ai éprouvé en voyant un nom si inconnu, quand je comptais que nous aurions affaire à un habitant du pays et que je guettais sa nomination pour lui écrire bien vite. Je ne conçois pas, ce que vous me dites, que ma précédente vous avait préparé

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à cet événement qui dérange tous mes calculs, car, moi j’étais, en l’écrivant, bien loin de m’y attendre. Je suis bien fâché de n’avoir pas conservé pour vous l’envoyer ci-joint, le journal où cette nomination était annoncée ; mais je ne fais guère plus de cas que vous de la presse périodique, et j’en sème au hasard les productions immédiatement après les avoir parcourues. Pour vous en dédommager, je vais vous transcrire, de l’autre part, une petite pièce de vers, qui m’a paru bien jolie et qui doit aller parfaitement à la disposition de votre âme (Le myosotis et le bleuet de A. Arnould[72]). Adieu, Monsieur, à samedi matin. Recevez, etc. » A. Le Prévost (cotée sous le n°40e). Le 18 septembre, nouvelle lettre de Mr Le Prévost (cotée n°41), dans laquelle il dit à Mr Guilmeth : « Je vous ai attendu toute la matinée, Monsieur, et ne sais à quoi attribuer la perte de votre visite. Obligé de retourner dîner à ma campagne, je vous engage à venir en faire autant, si vous arrivez après mon départ. Dans le cas contraire, je vous invite à venir me voir soit au Tilleul-Folenfant dans le courant de la semaine prochaine, soit ici samedi matin, etc., etc. » Assurément, ces invitations et ces prévenances étaient fort gracieuses, fort honorables pour Mr Guilmeth, mais ce n’était ni pour avoir des dîners au Tilleul-Folenfant, ni pour recevoir au poids de l’or par la poste les poésies de Mr A. Arnould, copiées de la main de Mr A. Le Prévost, que le malheureux jeune homme compromettait depuis deux ans son existence présente et son existence à venir. Aussi, avait-il cru sagement faire que de s’adresser à un autre protecteur que Mr Le Prévost. Voici la lettre que lui écrivait de Pontauthou, le 21 septembre 1830, Mr Lefebvre-Duraflé, autre genre de roué et d’ambitieux, également voué corps et âme au système du juste-milieu. « Pontauthou, 21 septembre 1830- Monsieur, – Ma réponse aura

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bien tardé au gré de votre impatience. Cela n’a vraiment pas tenu à ma bonne volonté, mais à une foule de petites circonstances, qui en étaient tout à fait indépendantes. Enfin, la voilà ; puisse-t-elle arriver à temps ! – Permettez-moi de vous dire, avec la franchise que vous aimez, que vous avez bien mal choisi les deux patrons pour lesquels vous me demandez une recommandation. Ce sont précisément les deux seuls hommes de Paris peut-être qui ont refusé de prendre part à la grande curée de la glorieuse révolution. Enfin, ce que l’on ne fait pas pour soi, on le fait quelquefois pour les autres. Il ne serait donc pas impossible qu’ils vous fissent ramasser quelques miettes du grand festin. Je joins ici une lettre d’introduction pour Mr Cauchois-Lemaire[73] seulement, parce qu’il pourra vous introduire auprès de Béranger[74], si vous le croyez nécessaire à votre succès. Il y a longtemps que je n’ai vu Béranger ; il est, je crois, assez mal portant, et, dans votre propre intérêt, je ne veux pas risquer une recommandation qui arriverait dans un moment inopportun. Mr Lemaire vous servira et de guide et d’intermédiaire au besoin.- Je fais des vœux pour l’heureuse issue de vos tentatives administratives, comme j’en ai fait pour le succès de vos essais littéraires. Si vous revenez au culte des Muses, n’oubliez pas qu’elles sont femmes, et qu’il en est bien peu dont on n’obtienne quelque chose avec de la constance. – Agréez, Monsieur, mes civilités les plus affectueuses. N. Lefebvre-Duruflé. » (cotée sous le n°421er). Le chansonnier Béranger était fort lié avec le sieur Frémont, ancien notaire et nouveau juge de Paix à Brionne, lequel était l’ami de Mr Guilmeth père, artiste vétérinaire. Mr Frémont n’eût pas mieux demandé que de recommander

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Mr A. Guilmeth à son oncle, le fameux Dupont de l’Eure, alors ministre de la justice et tout puissant. Mais il fallait un certificat de patriotisme ardent non seulement auprès de Mr Frémond et de Mr Dupont-de-l’Eure, mais encore auprès de MM. de Béranger et Cauchois-Lemaire. Or, le culte de Muses dont parle la lettre de Mr Lefebvre-Duruflé avait précisément rendu à Mr Guilmeth ce mauvais service de lui inspirer la fameuse Ode dont nous avons déjà parlé ci-dessus (et qui porte la date du 14 septembre 1830, cotée sous le n°42bis). MM. Frémont et Dupont de l’Eure n’ignoraient pas l’existence de cette Ode ; un exemplaire en avait d’ailleurs été adressé à Béranger par Mr Guilmeth lui-même, enfin MM. Frémont, Cauchois-Lemaire et Dupont de l’Eure, n’étaient pas très bien en ce moment avec Mr Lefebvre-Duruflé, qui espérait les tromper dans certains projets d’ambition politique et personnelle, mais dont toutes les démarches étaient incessamment épiées et contre-barrées par ceux qu’il espérait tromper et qui se jouaient si bien de lui à son insu. Mr Guilmeth se présenta une seule fois chez Mr Cauchois-Lemaire, lui dit en deux mots son passé, ses idées politiques (légitimistes), ses désirs et même l’espèce de répugnance que lui inspiraient quelques personnages du dépt de l’Eure et notamment de l’arrondiss. de Bernay, que ce Monsieur l’engageait vivement à aller solliciter et à mettre en avant. Ces personnages étaient les ennemis de Mr A. Le Prévost, que Mr Guilmeth aimait, vénérait et défendait alors comme on aime, vénère et défend un père. Mr Guilmeth prit congé de Mr Cauchois-Lemaire et ne remit jamais les pieds chez lui, non plus que chez Mr Frémont, qui, cependant, l’avait toujours bien accueilli, mais dont il détestait les principes et le

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caractère, ni même chez Mr Lefebvre-Duruflé, si ce n’est douze ans après au sujet de la publication de son Histoire de la ville d’Elbeuf. Mr Guilmeth fit plus. Irrité de l’insolence avec laquelle MM. Dupont de l’Eure et ses accolytes disposaient des consciences et des votes de l’immense majorité des électeurs du collège de Brionne, il ne cessa de lutter contre lui et contre ses créatures ou instruments (MM. Odilon-Barrot, Bioche, Legendre, etc)[75]. Il lui décocha même, dans le journal légitimiste La Mode (n° de [blanc]) une charmante lettre, pleine de malice et d’esprit, au sujet de la qualification, extra-nobiliaire prise par Mr Dupont de l’Eure, qui, plus ambitieux et plus orgueilleux que les Montmorency, dont les aïeux illustres se bornaient à prendre modestement le nom de quelque fief, hameau ou village ignoré, berceau de leurs pères, d’eux-mêmes et de leurs enfants, prend arrogamment le nom d’un département tout entier !!![76]… Mr Guilmeth en revient donc modestement à ses moutons, c’est-à-dire à M. A. Le Prévost, à Mr le recteur de l’académie de Rouen et à cette malheureuse chaire de Régent qu’on lui promettait depuis si longtemps déjà, et qui semblait s’éloigner de lui au fur et à mesure qu’il croyait s’en approcher d’avantage. Voici la lettre que Mr A. Le Prévost lui écrivait de Rouen sous la date du 2 octobre 1830 (cotée sous le n° 43e). –«  Quoique vous ne m’ayez pas adressé, Monsieur, votre pétition et les pièces à l’apui comme vous me l’aviez promis, je n’en suis pas moins allé voir dans votre intérêt le nouveau recteur, qui m’a fort bien accueilli. Il me charge de vous engager à venir le voir le plus tôt possible, et à lui remettre sinon une pétition au moins une note. Puisque vous êtes fort bien maintenant avec M. Faucon le proviseur[77] (supposition gratuite, mensongère et insultante), vous ferez

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bien de vous faire présenter par lui. Quant à moi, ma mission auprès du recteur est accomplie et je ne puis plus que former des vœux pour le succès de votre démarche. Je crains bien même d’être en course dans le pays de Caux quand vous viendrez à Rouen, et de perdre ainsi l’occasion de vous voir. Agréez, etc. A. Le Prévost. » Ainsi, par cette laconique lettre, Mr Le Prévost, fatigué de démarches qu’il n’avait pas faites, écrasé de refus auxquels il ne s’était jamais exposé, jette d’un seul coup le masque de haut protecteur dont il s’était si longtemps affublé et fait défense à son jeune et intelligent ami de revenir le troubler dans son repos. Celui-ci ne se le fit pas dire deux fois. La rage dans le cœur, il se rendit en effet à Rouen auprès du recteur Badelle, qu’il rencontra, à l’entrée de la place de la Rouge-Mare, dans une espèce de galetas, au 2e ou 3e étage, fumant sa pipe, et la tête appuyée entre les deux mains, en face d’une bouteille d’eau de vie, flanquée de deux ou trois petits verres à demi renversés sur la table, laquelle ruisselait de rhum et autres liqueurs. Mr le recteur était ivre ; ivre à ne pas pouvoir articuler deux paroles. Mr Guilmeth voulait se retirer ; mais Mr le recteur exigea qu’il restât et s’expliquât. Mr Guilmeth s’expliqua en effet. On tomba sur le chapitre de MM. Faucon, oncle et neveu ; Mr Guilmeth ne put contenir la trop juste indignation qu’il nourrissait à l’égard de ces deux jésuites à robe courte, dont les fallacieuses promesses l’avaient si longtemps trompé, ainsi que Mr A. Le Prévost. Tout ivre qu’il était, le compère Badelle comprit que la personne qui s’expliquait aussi vertement sur le compte de l’ancien recteur pourrait plus tard,

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et avec non moins de raison, en faire autant sur le compte du recteur nouveau, d’autant plus que Mr Guilmeth venait de trouver ce dernier dans un état fort peu rectoral ou académique. On se quitta fort peu enchanté l’un de l’autre[78]. Ceci se passait le 6 octobre au matin. Le même jour, à quatre heures du soir, Mr Guilmeth recevait à son hôtel la lettre suivante de Mr A. Le Prévost (qui, comme on l’a vu ci-dessus ne devait pas être à Rouen ce jour là) : « Rouen, le 6 octobre 1830. Monsieur, un heureux hasard me conduit à Rouen pendant que vous y êtes encore, mais je ne fais que le traverser. Tout ce que je puis vous dire, c’est que je reçois en même temps vos deux lettres, que j’y répondrai en détail, et que je reverrai Mr le recteur dans votre intérêt aussitôt que je remettrai le pied à Rouen, ce qui sera probablement à la huitaine. C’était bien mon intention (voir la précédent lettre) quand même vous ne m’en auriez pas parlé, et j’y serais allé dès aujourd’hui si j’avais eu seulement une demi-heure disponible. – Ne me parlez pas, je vous prie, de vous renvoyer vos notes, avant de les avoir examinées bien à fond. Les négligences de rédaction me sont indifférentes ; c’est la substance de vos réflexions qui m’intéresse. Adieu, je n’ai pas le temps de vous en dire plus long. Je vous remercie de vos offres obligeantes (au sujet des élections[79]), et vous souhaite un bon voyage, en vous renouvellant mes vœux pour le succès de vos démarches et l’assurance de ma considération distinguée. Je suis bien fâché que

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vous ne vous soyez pas plutôt adressé à Mr Frémont (le nouveau juge de Paix de Brionne) ; vous pouvez vous rappeler qu’il y a long-temps que je vous le conseille. A. Le Prévost. » cotée n° 44e – On voit par cette lettre que Mr Le Prévost avait été instruit de l’entrevue de Mr Guilmeth avec le neveu de Mr Dupont de l’Eure, et que c’est à cette entrevue qu’il attribuait la réception amicale que lui avait faite le recteur Badelle. Mr Le Prévost se trompait gravement, car Mr Guilmeth, fort de ses succès scholastiques et de ses bonnes intentions, n’avait eu recours à la protection de personne, ni à celle de Mr Frémont, ni à celle de MM. Dupont de l’Eure et de Broglie, dont Mr Le Prévost parle dans la lettre suivante. Mr Guilmeth s’était recommandé lui-même, et si, ainsi que le prétend Mr Le Prévost, Mr le recteur Badelle n’avait pas été très enchanté de sa conversation, c’est que lui-même n’avait pour Mr Guilmeth, ni dans ses paroles, ni dans sa tenue, rien de bien ravissant. Voici donc ce que Mr Le Prévost écrivait de Rouen à Mr Guilmeth sous la date du 13-15 octobre 1830. – « Ainsi que vous m’en aviez témoigné le désir, Monsieur, je me suis empressé de revoir Mr le recteur, immédiatement après mon retour ici, et il m’a témoigné de nouveau des intentions fort obligeantes sur votre compte, bien que (permettez moi de vous le dire franchement entre nous deux) il n’ait pas été émerveillé de la gravité ni de la discrétion de votre conversation pendant la petite entrevue que vous avez eue avec lui il y a huit jours….. J’espère être parvenu à racommoder vos affaires auprès de Mr la recteur, et il tâchera de vous placer ; mais ce n’est pas aussi aisé que vous le pensez. Il n’y a plus moyen de

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penser au collège de Dieppe, qui est déjà complètement réorganisé (à l’insu de Mr Le Prévost et malgré ses constantes démarches !!!..). Je l’ai prié de vous placer où il pourrait, parce ce que c’est, ce me semble, votre principal intérêt d’avoir en ce moment une fonction de ce genre, n’importe laquelle ni où, et que vous êtes trop pressé pour choisir. – Si vous pouvez parvenir plus haut et plus rapidement par l’intervention de MM. Dupont et de Broglie, j’en serai charmé, mais, à mon grand regret, je ne pourrai prendre part à ces démarches que par mes vœux. L’intérêt que je vous porte m’a fait faire beaucoup de choses (où sont ces choses nombreuses ?) pour lesquelles j’ai une véritable et profonde répugnance ; ma position et mon caractère ne me permettraient pas d’aller plus loin. – J’en étais là, quand une lettre de Mr le recteur m’a appris qu’il avait trouvé moyen de vous placer au collège de Dieppe, mais dans une fonction autre que celle où mes vœux et votre situation académique vous appelaient. Au reste, faites votre profit du petit avis que je vous donnais tout à l’heure, et vous en sortirez promptement. Mais, pour l’instant, il serait absolument impossible d’obtenir de lui d’avantage. Je voulais vous en écrire bien plus long et répondre plus en détail à vos deux lettres, mais je ne fais, suivant ma coutume, que traverser Rouen, et je ne veux pas retarder d’avantage l’envoi de cette lettre, dans l’espérance que ce contenu pourra vous être de quelque utilité. Allez à Dieppe ; faites vous y aimer du principal, et Mr le recteur, qui est un fort bon homme (lorsqu’il n’était pas ivre), reviendra facilement

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des préventions qu’il a conçues sur votre compte. Je vous procurerai une connaissance précieuse dans ce pays-là, et serai charmé de contribuer à abréger et à adoucir le temps d’épreuve que vous allez y passer. Agréez, etc. » (cotée sous le n°45e) – En effet, c’est le 13 octobre, c’est-à-dire le jour même où Mr Le Prévost commençait sa lettre, Mr le recteur de l’académie de Rouen adressait de son côté à ce dernier la missive suivante (cotée sous le n°46e) – « Instruction Publique. Rouen le 13 octobre 1830. – Le recteur de l’académie de Rouen à Monsieur Guilmeth. – Si vous désirez professer une classe élémentaire au collège de Dieppe, le principal me demandant un sujet, je vous proposerai à ce fonctionnaire. La rentrée ayant lieu le 18, je vous invite à me prévenir le plutôt possible de vos intentions. Oui ou non. Du reste, Monsieur, si vous voulez gagner la confiance du principal, comme je le désire, je crois que vous ferez bien de partir quelques jours avant l’ouverture des classes, muni d’une lettre de moi, qui vous servira d’introducteur. – Faites part de suite à Mr Prévot (sic) du zèle avec lequel je me suis empressé de lui être agréable. J’ai l’honneur de vous saluer, Badelle. » – Cette place de professeur élémentaire[80] au collège de Dieppe était, certes, bien éloignée des justes prétentions de Mr Guilmeth. Mais enfin, pour un homme dénué de tout, c’était quelque chose. Il partit donc pour Dieppe. Mais combien grande fut sa surprise à son arrivée. Au lieu d’une classe élémentaire qu’on lui avait formellement promise, on lui donna un ignoble emploi de surveillant, emploi au dessous de celui de portier ou de domestique, emploi au dessous

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de celui de valet de bourreau, méprisé des maîtres, abhorré des élèves. Ce principal instruit et intelligent dont il devait s’efforcer de gagner la confiance était tout simplement un ancien commis de marchand de vins, nommé Masse, lequel était bien en réalité l’ami et le très digne ami du recteur Badelle, mais qui, en revanche, avait su soulever contre lui à son arrivée le mépris des professeurs, la raillerie des élèves, la haine de la population de Dieppe, et enfin l’opposition unanime du maire et du conseil municipal de cette ville, qui lui refusèrent positivement la subvention nécessaire à la tenue du collège[81]. C’était pour arranger et pacifier cet affreux guêpier, s’il était possible, que Mr Guilmeth avait été envoyé à Dieppe. Malgré toute la répugnance, tout son dégoût, il se mit à l’œuvre, et il paraît qu’il réussit assez bien, puisque le 26 octobre, Mr Masse adressait à son ami Badelle une lettre pleine de remerciements et de bénédictions. D’un autre côté, voici la lettre que sous la date du 27 octobre 1830, Mr Le Prévost adressait de Bernay à Mr Guilmeth. « Bernay, le 27 octobre 1830. – Monsieur, vous devez avoir enfin reçu cette lettre (voir plus haut n°45) à laquelle vous aviez la bonté d’attacher tant de prix, et je crains bien qu’au lieu des consolations que vous en attendiez, elle n’ait encore ajouté à vos déplaisirs. Soyez au moins persuadé qu’il ne m’a pas moins coûté de vous l’écrire qu’à vous de la lire. Ne revenons plus sur ce sujet (l’indiscrétion de Mr Guilmeth auprès du recteur Badelle), qu’il suffira, j’espère, d’avoir mentionné une seule fois, pour que vous l’ayez sans cesse à la pensée. J’ai le bonheur de pouvoir vous donner aujourd’hui des nouvelles plus encourageantes. J’ai revu Mr le recteur, et je l’ai laissé dans d’excellentes dispositions

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pour vous. Mr Masse, votre principal, lui avait annoncé votre arrivée, en se félicitant beaucoup de vous posséder pour collaborateur. Continuez de le seconder avec le même zèle, et j’espère que vous parviendrez bientôt à un poste plus digne de vos talents et plus utile à votre carrière scholastique. – Je vous ai recommandé à Mr Lerond, l’un des inspecteurs[82], homme d’une grande capacité et d’une extrême obligeance (auquel Mr A. Guilmeth avait déjà été recommandé en 1829 par Mr Frémont et Mr Dupont de l’Eure). Il m’a appris qu’il ne fallait pas en vouloir à Mr le recteur de ne pas vous avoir donné de place de régent (la seule place que Mr Guilmeth eût jamais sollicitée et qu’on lui promettait depuis trois ans), attendu que cela était presque impossible vu le petit nombre des vacances et la foule des demandeurs appuyés de titres puissants. Je vous recommanderai de même à l’autre inspecteur, Mr Letellier, qui fera la visite de votre établissement au printemps prochain. – Si je rencontre Mr le duc de Broglie aux élections, j’aurai grand plaisir à lui parler de vous, mais je doute fort, d’abord qu’il y vienne, et ensuite qu’il veuille ou puisse faire quelque chose pour vous sans la présentation du recteur. – Comme j’en étais là, j’apprends par Le Journal des Débats, que Mr de Broglie a donné sa démission[83] ; ainsi, il n’y a plus rien à faire de ce côté. – Je n’ai point encore pu rencontrer Mr Louis Dubois, mais vous pouvez vous tranquilliser relativement à votre manuscrit. Notre sous-préfet[84] est un homme très soigneux de tout ce qui lui passe par les mains et très peu porté aux communications indiscrètes. Je ne vois d’ailleurs parmi les personnes qui l’entourent aucun amateur dans le cas de réclamer celle-ci ou d’en

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profiter. Quant à moi, je vous promets, si le manuscrit me passe par les mains, de n’y pas porter un œil curieux, malgré tout l’intérêt que je serai bien sûr d’y trouver. – Je ne doute pas que vous n’ayez déjà fait connaissance avec votre voisin Mr Féret[85], bibliothécaire de l’hôtel-de-Ville, et qu’il ne vous ait mis au courant des importants résultats de ses fouilles. Voir 2 décembre 1830. C’est un homme de beaucoup de mérite et d’une grande douceur de mœurs. Si vous avez la bonté de me rappeler à son obligeant souvenir, je vous en serai fort obligé. – Adieu, Monsieur. Permettez-moi de vous recommander du courage, de la résignation, et du zèle à remplir vos devoirs, quelques pénibles qu’ils puissent être. Il n’y a point de condition qui ne puisse être ennoblie par la pratique constante de ces trois qualités. Rendez-moi compte, je vous prie, le plutôt que vous pourrez, de la manière dont vous vous trouvez établi dans votre nouveau poste, et agréez, etc. etc. A. Le Prévost » (cotée sous le n°47e) – Quelques jours après, c’est-à-dire le 8 novembre, Mr Guilmeth recevait de son ami Mr Henri Hue, de Brionne, la lettre suivante (cotée sous le n° 48e). « Vous voilà donc rentré dans l’Université ? Je désire que cela comble vos vœux ; il me semble qu’à votre place cela ne comblerait pas les miens. Vous ne vous perdrez sans doute pas dans les rues de Dieppe ? C’est un pays dont on pourrait, comme jadis de la Silésie, faire le tour en pissant. Je suis très fâché de ne pas vous avoir trouvé un emploi un peu intéressant à Paris. Ce n’est certes pas ma faute si je n’y suis pas parvenu ; j’y étais vivement intéressé moi-même par nos rapports littéraires, sans compter qu’on est concitoyen. Toutefois, je ne puis vous celer ma surprise de vous trouver cuistre d’enfans dans le pays du hareng, surtout quand je viens à

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à songer à votre souverain mépris pour les courtauds de boutique, dont vous ne pouvez approcher ni pour votre liberté ni pour votre traitement. Il me semble que, pour être conséquent, il fallait remercier de cette place. Mais j’ai peut-être tort de parler ainsi ; Brionne est certainement plus triste que Dieppe, et d’ailleurs les circonstances deviennent chaque jour plus difficiles. – Ma vie est douce, je collationne pour une imprimerie, et j’écris pour divers petits journaux. Si j’étais bien portant, je serai fort occupé en ce moment pour les prospectus du jour de l’an, qui vont arriver. C’est une vie précaire, mais libre ! Ne pouvez vous donc amasser quelque argent et venir à Paris ? Sans doute que vous trouveriez ici au moins autant qu’on vous accorde dans le pays du hareng, bon pays d’ailleurs. – Je ne vous entretiendrai ni de littérature, ni de révolution, ni des ministres prêts à comparoir au tribunal de l’opinion ; j’attends un moment plus intéressant pour la matière. – Tachez donc de venir ici passer l’hiver ; Paris est si agréable pour un homme de bonne santé ! – Adieu, je vous quitte ; Mme T. (Tuos, femme du percepteur de Brionne) est toujours dans l’attente d’une destitution… Je vous salue cordialement, Henry. » Il y avait à peine une heure que Mr A. Guilmeth avait pris lecture de cette lettre, lorsqu’eut lieu dans la chapelle du collège de Dieppe une scène des plus étranges. Là, huit ou dix élèves, tant internes qu’externes, mais appartenant surtout à cette dernière catégorie, étaient occupés à enlever, du lieu où il avait été posé, un magnifique confessionnal en acajou sculpté, donné naguère à cette chapelle par S.A.R. madame la duchesse d’Angoulême[86], qui lui avait en même temps légué une jolie croix d’autel en

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vermeil que Mr Morin, alors principal, avait eu soin d’enlever à l’époque de la révolution de 1830. Ce confessionnal allait être transporté dans la grande cour du collège pour y être mis en pièces. Cette affaire, que l’on n’aurait pas manqué de présenter alors comme une simple espièglerie de jeunes fous, avait été montée dans la ville par trois ou quatre mauvais cerveaux républicains. On savait que, par suite de sa position personnelle et de sa faiblesse de caractère, Mr Masse, le principal, était incapable de s’opposer à cet acte de vandalisme et de sacrilège. Mr Guilmeth, en sa qualité de surveillant, fut donc obligé d’intervenir seul, et, il s’acquitta de sa tâche avec tant de fermeté, que le confessionnal donné par l’auguste fille du roi-martyr, fut, sinon reporté dans la chapelle, du moins mis de côté. Il n’en fallut pas d’avantage pour soulever contre Mr Masse la poignée de républicains qui, dans la ville, avaient été son seul appui contre la répugnance de l’immense majorité des habitants de Dieppe, lesquels ne voulaient à aucun prix confier à un ci-devant commis marchand de vin l’éducation de leurs enfants. Mr Masse, pour conjurer l’orage qu’il voyait s’amonceler sur sa tête, n’hésita pas à rejeter sur Mr Guilmeth toute la responsabilité de cette affaire, et ce dernier fut dénoncé par lui au recteur Badelle comme s’étant rendu coupable d’insubordination envers son supérieur dont il a usurpé les fonctions pour s’en aller, sous le pretexte de rétablir l’ordre, empêcher et contrarier les jeunes citoyens, élèves du collège de Dieppe, dans la manifestation de leurs opinions politiques. Telles est l’incroyable phrase que l’on trouvait dans le rapport du sieur

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Masse au recteur Badelle, et que celui transmit à peu près littéralement au ministre de l’instruction publique, ainsi que l’on peut s’en assurer aux archives de ce ministère, bureau des collèges communaux. Mr Guilmeth, indigné de tant de lâcheté et de bêtise de la part d’un homme dont il était venu soutenir le vacillant et éphémère pouvoir, quitta le collège de Dieppe, visita en passant par Rouen l’ignoble recteur Badelle, et se rendit de suite à Paris, où il raconta au ministre[87] tout ce qui s’était passé. Celui-ci fort prévenu en faveur de l’académicien Etienne et de son parent Badelle, ne put s’empêcher de blâmer la double conduite de ce recteur et de son ami Masse ; il promit à Mr Guilmeth de lui rendre bonne et prompte justice, et l’engagea à rester à Paris afin d’être plus vite sous sa main dans le cas où un emploi dans un autre collège se présenterait.

          Confiant dans cette gracieuse bienveillance du chef de l’université, Mr Guilmeth s’installa à Paris. La Bibliothèque du Roi, celle de Ste Geneviève et celle de l’Institut[88] se partagèrent tous les instants qu’il ne passait pas auprès de son ami et compatriote Henri Hue. C’est en s’occupant de ces travaux scientifiques qu’il réclama définitivement à Mr Louis du Bois, sous-préfet de Bernay, ces notes et ces manuscrits dont il est question dans la lettre de Mr Le Prévost du 7 octobre ; il les avait confiés à Mr L. Dubois dès le mois d’août précédent ; celui-ci avait eu le temps de les transcrire en entier, et Mr Guilmeth voulait absolument rentrer en possession de son bien. Voici la lettre que lui adressait de Bernay Mr Du Bois, sous la date du 2 décembre 1830 (cotée sous le n° 49e) : « – Vous auriez, Monsieur, reçu beaucoup plus tôt votre ouvrage sur l’arrondissement de Bernay (et le Lieuvin), si vous aviez été à Brionne lorsque je m’y rendis pour l’adjudication de l’octroi ; vous étiez depuis quelques temps absent, à cette époque. – Lorsque

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vous m’écrivîtes de Dieppe, je m’empressai de vous répondre pour vous demander où il fallait déposer votre travail (on lui avait dit de le renvoyer sous cachet à Mr le Maire de Dieppe) ; Mr le principal m’annonça (il décacheta donc la lettre de Mr Du Bois ?) que vous aviez quitté votre place dans son établissement, et qu’il ignorait ce que vous étiez devenu. – Je n’ai donc pu vous renvoyer vos Notices, et ce n’est point par ma faute, comme vous voyez. – Un de nos marchands de toiles, qui se rend à Paris, veut bien se charger du paquet, et je le lui confie. – Je vous remercie de votre communication et vous prie d’agréer mes salutations, Louis Du Bois.- »

          Cependant, Mr Guilmeth se voyait continuellement à la veille de perdre l’un des précieux amis que Dieu lui eût donné sur la terre. Mr Henri Hue se mourrait d’une maladie de poitrine. Le deux janvier 1831, il écrivait à Mr Guilmeth : – « Je sens bien que je ne puis aller bien loin à présent. Ma santé est à jamais perdue !.. J’ai donc pris la détermination d’aller mourir au pays. Je me mettrai en route le 5. J’ai travaillé plus que force depuis samedi ; il est vrai que cela m’a rapporté quelque avantage, mais l’avantage du repos est le besoin de tous. – Mme Corbel est ici ; maman l’a vue ; je ne sais ce qu’elle vient faire à Paris (solliciter la place de Mr Tuos, percepteur). Vous deviez me donner des matériaux (Notes historiques), où sont-ils ?.. C’était le cas, puisque je vais retourner, de me donner une distraction utile ; j’aurais eu le temps de faire lithographier le Bec et d’y faire un texte. Apportez moi votre Notice (sur le Bec faisant partie du travail imprimé chez Brière dès la fin de 1829, mais non encore terminée). On commence à crier fort contre vous à Brionne, votre famille est toujours inquiète de votre sort, etc. (cotée sous le n°50e). Mr Hue ne quitta pas Paris aussi promptement qu’il se l’était promis, car, le 11 janvier 1831, il

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adressait à Mr Guilmeth une nouvelle lettre, ainsi conçue (cotée sous le n°51e) : « N’est-il pas vrai que c’est une chose bien pénible qu’un départ, lorsqu’on quitte un concitoyen que l’âge, les goûts, les plaisirs rapprochent de notre âge, de nos goûts et de nos plaisirs !.. Et puis, cette idée, cette cruelle absence indéfinie !.. Un malade, un jeune homme que la tombe réclame… Guilmette, quelles pensées !!! Mais éloignons les de nous. – Ainsi, le jour de midi ne doit pas me voir à Paris demain. – Je verrai Coreux et Lefevre (l’abbé Marin-Lefebvre, Supérieur du Gd Séminaire) ; je renouvellerai à ce dernier mes offres ; vous m’obligerez donc beaucoup en m’envoyant de suite votre Notice sur le Bec. J’en ferai un texte pour mettre à la tête d’une gravure. Je n’ai pas besoin de vous dire que je suis soigneux ; je la remettrai à votre mère aussitôt que j’aurai terminé. De cette manière, je réaliserai nos vieux projets. – Je pense que vous ne me laisserez pas partir sans me confier cet objet, qui doit momentanément occuper mes loisirs. Veuillez me l’envoyer à huit heures… ou venez vous-même prendre la fine tasse à la crème ; venez, je ne partirai pas avant dix heures ; je pourrai vous mettre dans mon fiacre jusqu’à la rue Dauphine… »

          Nous avons vu que dès le 6 octobre 1830, Mr Guilmeth avait prié Mr Le Prévost de lui restituer des notes ou recherches scientifiques qu’il avait confiées à ce dernier. On a vu que Mr Le Prévost tenait beaucoup à ne pas s’en dessaisir aussi promptement. Mr Guilmeth lui ayant adressé à plusieurs reprises de nouvelles réclamations à ce sujet, voici la lettre que lui répondit Mr A. Le Prévost sous la date du 6 mai 1831. « Monsieur, j’apprends avec regret que vous vous soyez donné la peine de passer deux fois inutilement chez moi pour réclamer des notes, que je suis très disposé à vous rendre, mais que, malheureusement,

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je n’ai point apportées ici avec moi. C’est cette circonstance qui ne m’a pas permis de les remettre à votre ami Mr Rochette[89], attendu que j’étais déjà à Bernay quand il s’est présenté à ma maison de Rouen. Vous pouvez compter qu’aussitôt que j’y serai retourné (après la prochaine session du Conseil général)[90] je m’empresserai de les lui envoyer. – Agréez, je vous prie, Monsieur, mes sincères salutations, A. Le Prévost. » cotée sous le n°52e.

          Le 24 février 1831, Mr Guilmeth parcourait Orléans et les bords de la Loire, ansi qu’on le voit par lettre suivante qu’il adressait ce jour-là à son ami Mr Hue. « Me voici, ainsi que vous pouvez le voir par le timbre de la présente, exilé sur les bords de la Loire, comme le peuple de Dieu sur les rives du fleuve assyrien. Mon exil, bien volontaire du reste, dura environ un mois ; c’est trente jours de liberté, de véritable bonheur !… Ici, tout est tranquille ; excepté pourtant que, il y a quelque jours, on y a arraché quelques fleurs de lis[91], brisé quelques croix et violé quelques tombeaux. La chapelle St Louis, dans la cathédrale, a surtout souffert de ces actes de vandalisme, indignes de notre époque et de notre nation. C’était un des plus beaux oratoires de France. On n’y a pas même respecté le tombeau que le roi Louis XVIII avait fait réédifier au célèbre jurisconsulte Pothier[92] !… Ô tempora !… Ô Mores !… – En parlant de la cathédrale, je vous dirai que c’est tout à la fois un noble et gracieux monument. Ses tours sont superbes ; son portail est plein de majesté. On ne trouve dans ces galeries, corniches, supports ou clochetons, aucunes de ces figures grotesques ou obscènes qui déshonorent la plupart de nos temples chrétiens. Il est vrai que la cathédrale d’Orléans est beaucoup plus moderne que la plupart de nos basiliques[93]… – Quant aux autres édifices ou monuments,

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voici, en deux mots, ce qu’ils sont : salle de spectacle chétive ; acteurs d’une nullité désolante ; – Palais de justice charmant ; son péristyle, de fort goût, est soutenu de huit belles colonnes d’ordre dorique ; – statue de la Pucelle en bronze ; cette statue, quoiqu’on ait dit je ne sais où, n’est point indigne d’examen ; quoique ce ne soit pas précisément un chef-d’œuvre, je me borne à dire que la fierté du héros, la douceur de la jeune vierge, le front inspiré d’un message divin, tout cela y est fort bien rendu ; – superbe pont de pierre sur la Loire ; – Bibliothèque publique presque nulle, et digne d’un chef-lieu de canton ; Boulevards assez beaux ; promenades magnifiques ; rues spacieuses et bien allignées (auxquelles je préfère cependant nos vielles et salles et tortueuses rues de Rouen, si riches de trésors gothiques ; – le reste ne vaut pas la peine d’être nommé. – Lundi, je pars pour Blois ; nous ferons ce voyage par la Loire ; on dit que c’est une des plus belles promenades de France. – Adieu, mon cher Henri ; présentez, je vous prie, mes compliments à votre excellente grand’mère Madame Herque, et n’oubliez pas mes parents. – Remettez à Maman mes Notices ; c’est  la seule preuve que j’aie de la manière d’agir de Mr Brière ; c’est ma seule justification ; c’est pour moi un trésor ; si vous les gardez, ayez en bon soin. – Encore une fois adieu ; Bonne santé. A. G.»

          Nous avons vu que, dès le 6 octobre 1830 – ut supra fol. 70. Mr Guilmeth, comme on le voit par le timbre de cette lettre avait quitté les rives de la Loire pour revenir à Brionne rêver sur les bords de la Risle. C’est là que, le 22 mai 1831, une lettre d’un employé supérieur du ministère de l’Instruction publique lui annonçait que le chef de l’Université

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tenait à sa position une chaire de professeur de seconde au collège de …[94] « Hâtez-vous, disait-il à Mr Guilmeth, de me faire parvenir les deux certificats qui vous ont été délivrés par les proviseurs des collèges royaux de Rouen et d’Amiens, et je vous réponds de votre nomination. » Mr Guilmeth avait bien le certificat du collège d’Amiens, mais il avait égaré celui du collège de Rouen. Il se hâte d’écrire au proviseur Faucon qui, non moins jésuite que son oncle, mais beaucoup plus souple et plus tenace que lui, était parvenu à se faire confirmer dans sa place par le nouveau pouvoir, pour le prier de lui envoyer un second certificat, destiné à remplacer le premier, dont il lui rappelait à peu près les termes. Voici la lettre que Mr le proviseur eut le courage de lui répondre (cotée sous le n° 53e). – « Instruction publique – Collège Royal de Rouen. – Rouen le 28 mai 1831 – Monsieur, Je crois, autant que je puis me rappeler, n’avoir point été consulté sur vous par l’Université. Quant à ce que j’ai pu dire dans le temps, de vive voix, à diverses personnes qui m’auraient parlé de vous, je n’ai point assez de souvenirs pour l’avoir présent à ma mémoire (quelle naïveté pour un jésuite ! quel style pour un proviseur de collège Royal !) Je puis seulement assurer n’avoir dit que la vérité. Si tout n’a point été éloge, au moins rien de ma part n’a été ni dit ni fait pour vous nuire. – Je me rappelle que vous avez quitté le Collège parce que vous n’aviez pu tenir les élèves, d’abord du Troisième Quartier, et ensuite, je pense, du Septième si j’avais voulu me venger comme vous me le dites, je n’eusse point essayé de vous conserver en vous mettant en second lieu à Joyeuse[95] (place que Mr Guilmeth avait lui-même demandée, et d’où il est sorti sans avoir jamais su pourquoi) ; l’expérience faite au Troisième Quartier m’était plus que suffisante pour vous remercier. – Je ne puis vous transmettre le certificat dont vous prenez

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soin de me dicter tous les mots. Je m’en réfère à celui que j’ai eu l’honneur de vous remettre à votre départ du Collège. – Permettez-moi de vous rappeler seulement que divers discours de vous étaient loin d’être capables d’entretenir l’union entre les maîtres (enfin nous y voilà !), et même entre quelques maîtres et vos élèves. Je n’insiste point davantage sur ce point ; vous savez cela aussi bien que moi. J’ai l’honneur d’être, Monsieur, votre très humble ou très dévoué serviteur, Faucon. » – Quelle franchise, quelle loyauté, surtout quand on compare cette lettre avec toutes les pièces qui précèdent !… Quel vérité dans toute cette phraséologie !… Quel style pour un proviseur de Collège Royal de Première Classe !… – Bornons-nous à rappeler ici qu’il existe aux archives du Ministère (Bureau des Collèges communaux) une lettre par laquelle Mr le recteur Badelle affirma avoir consulté sur le compte de Mr A. Guilmeth Mr le proviseur Faucon lequel lui a fourni de très mauvais renseignements. Ou Mr le recteur a menti imprudemment, ou Mr le proviseur Faucon est lui-même un imposteur. Quant aux discours dont parle la lettre de Mr Faucon, on doit se rappeler par ce qui précède qu’il s’agit ici de quelques indiscrétions commises ou prétendues commises par Mr Guilmeth dans les bureaux du Journal de Rouen, indiscrétions qui avaient donné lieu à la publication, dans ce Journal, de divers articles assez piquants au sujet de la famille Faucon. – Quant au surplus de lettre, l’explication complète en est dans tout ce qui précède. – En résumé, Mr Guilmeth, faute du certificat nécessaire, n’eut point la place qu’on lui offrait. – Ce ne fut que plusieurs mois après qu’il retrouva le certificat du 29 mai 1830.

          Mr Guilmeth resta donc à explorer sur les bords de la Risle, dans l’étendue de la commune actuelle de

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Brionne, l’emplacement du Breviodurum[96] des Romains. Ses fouilles, aux mois de mai, juin et juillet 1831, furent très considérables sur plusieurs points fort éloignés les uns des autres. Il consultait fort souvent Mr Louis DuBois, alors sous-préfet de Bernay, au sujet de ce qu’il trouvait de plus rare ou de plus bizarre parmi les médailles, les poteries, les marbres, etc, etc. On voit par une lettre de ce dernier, en date du 8 juin (cotée sous le n°54e) que Mr A. Guilmeth lui avait remis plusieurs poteries romaines en terre rouge, etc, etc. Il est aussi parlé dans cette lettre de la traduction fort bonne que Mr Guilmeth avait faite en vers français d’une ancienne inscription en héxamètres latins, existant encore en 1760 à Brionne, sur une des portes de la geôle, où elle avait été apportée de l’une des portes de la ville, dite porte de Rouen, démolies quelques années auparavant. Cette lettre se termine ainsi : « Je regrette beaucoup que l’accroissement de mes travaux m’ait privé du plaisir d’aller visiter les environs de Brionne ; mais les devoirs doivent être préférés aux délassemens. J’ai l’honneur de vous saluer, Louis Du Bois. » Dans une lettre du 15 du même mois (cotée sous le n°55e). Mr Louis Du Bois dit à Mr Guilmeth, en parlant de nouveaux envois que lui avait faits ce dernier d’objets romains trouvés à Brionne ; « en examinant attentivement le fragment de marbre blanc, légèrement rayé plutôt que marqué de violet, je persiste à le croire français. – La poterie noirâtre est (toujours et tout simplement) argileuse… – Le morceau de stuc, ou peut-être de ciment hydraulique, me semble avoir pour base la pouzzolane, etc, etc. »

          Mr Henri Hue, à cette époque, était tombé dans la plus douloureuse misère. Mr Herque sa grand’mère était ruinée, son père était plongé dans la plus triste et la plus crapuleuse débauche, et sa mère, femme de

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beaucoup d’esprit, était en fuite par suite de sa position envers ses créanciers. Mr Henri Hue, malgré son état d’extrême maladie, était donc obligé d’écrire dans une foule de petits journaux ou de recueils périodiques des articles de fantaisie ou de futilité, qu’il avait soin de ne jamais signer de son nom, excepté pourtant ceux qu’il adressait au Patriote de Lisieux[97] ; ceux qu’il adressait au Voleur[98] étaient signés Jean de la Risle ; tous les autres avaient chacun son pseudonyme. Quant aux articles de science ou d’histoire, on voit par les seuls billets, des 21, 24 et 30 juin 1831 (cotés n°s 56e, 56e bis et 57e) qu’il faisait continuellement appel à la bienveillante générosité de Mr Guilmeth. C’est par l’un de ces mouvements de générosité, qui lui étaient si familiers, que Mr A. Guilmeth détacha de son grand ouvrage sur Brionne la jolie Notice relative au vieux château qui domine du côté du levant cette petite ville si riche en souvenirs historiques. Il en fit don à Mr Henri Hue, sous quatre conditions, savoir : 1° que cette Notice paraîtrait pour le 10 juillet 1831, jour fixé pour les élections, à Brionne ; 2° qu’elle ne paraîtrait point avec le nom de Mr Guilmeth, mais seulement avec le premier de ses prénoms (Auguste) ; 3° que, en échange et pour toute récompense de ce don, Mr Henri Hue ne remettrait à Mr A. Guilmeth que six exemplaires de sa Notice, dont deux sur papier de couleur (uniques) et quatre sur papier blanc ; et 4° que, si, avant le 10 juillet 1831, les trois conditions n’étaient pas remplies, Mr Hue restituerait de suite à Mr Guilmeth, et sur sa simple réclamation, le manuscrit de sa Notice historique sur le Château de Brionne (voir le n°58e). Les conditions furent remplies, et la Notice imprimée à Rouen chez Nicolas Periaux, dans le format

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in-4°, avec une lithographie représentant les ruines du château de Brionne, parut le 4 juillet 1831. Mr Hue, qui vendit cette Notice de 16 pages, jusqu’à 3 et 4 francs l’exemplaire en tira un profit considérable eu égard au peu de dépenses qu’il lui avait fallu faire. Il remua ciel et terre pour placer ses 500 exemplaires. Il s’adressa à tout le monde pour en tirer parti, ainsi qu’on le voit par les lettres suivantes que lui adressait le 13 juillet Mr Alexandre Pelvey, secrétaire ou conseiller de Préfecture à Evreux (voir la note[99] n° 58bis et 59). Le 25 juillet M. Protet, conseiller d’État (celle cotée sous le n°59e) « Paris, le 25 juillet 1831 – Monsieur, j’ai reçu hier votre charmante Notice ; Je vous en fais mes sincères remerciemens. Elle doit avoir du succès dans notre province. L’impression, d’un très beau caractère, mérite aussi des complimens, etc. » Le 30 du même mois, Mr A. Leprevost adressait à Mr Henri Hue la lettre suivante (cotée sous le n°60e) : « Monsieur, à mon retour d’un voyage en Basse Normandie, j’ai trouvé ici la lettre et l’ouvrage que vous m’avez fait l’honneur de m’adresser. Je vous prie d’agréer mes remerciements. Quand je serai de retour à Rouen, je profiterai de la première occasion pour vous envoyer une pièce que j’ai fait imprimer récemment et que je vous prierai d’accepter en échange de votre obligeant envoi. Recevez, etc. A. Leprevost. » Avec un

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homme de la trempe et du caractère de Mr Henri Hue, la faim devait venir en mangeant. C’est ce qui eut lieu. Malheureusement, il n’était pas toujours poli, même envers les personnes qui lui rendaient service (ce qui du reste, tenait peut-être un peu à son état maladif). Le 1er août 1831, il adressait à Mr Guilmeth un billet pour lui demander des renseignements sur l’abbaye du Bec. Ce billet était plus que leste. Mr Guilmeth y répondit par la note suivante (cotée sous le n° 61e). – « Brionne, 2 août 1831. – Monsieur, je ne redoute nullement la concurrence dont vous avez la bonté de me parler. Mr Du

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Bois est un homme fort savant sans doute, extrêmement versé (erreur) dans la connaissance des antiquités normandes et devant lequel je ne peux que m’humilier en toute sûreté de conscience. Toutefois, je doute (et ce doute est chez moi aussi complet que possible) que cet honorable sous-préfet possède, non plus que beaucoup d’autres, des matériaux aussi nombreux et aussi importants que ceux qui sont entre mes mains (du moins relativement à l’arrondissement de Bernay, et surtout du canton de Brionne. Cependant, comme d’un autre côté je crains de ne pouvoir vous donner avec exactitude les renseignements que vous me demander sur le Bec, je préfère ne pas vous en donner du tout, et vous engage à vous adresser à Mr le sous-préfet (c’est ce qui explique pourquoi cette nouvelle publication désirée par M. Hue n’eut pas lieu. Il n’y eut de fait que la lithographie de l’abbaye du Bec). – Mes circulaires pour MM. Les souscripteurs (à l’histoire abrégée de la ville de Brionne, mise sous presse chez Mr Brière dès 1829) sont prêtes, et, si elles ne sont pas encore envoyées, c’est que j’attends aujourd’hui ou demain une lettre qui doit me dire positivement le jour où la livraison aura lieu. – J’en ai, en effet, disposé une pour Mme de Brons, une pour Mr Herque, et même une pour vous ; car, quoique

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vous ayez dit que ces trois personnes n’avaient plus besoin de mes notices, attendu qu’elles avaient reçu en dédommagement, le Château de Brionne, je sais trop, Monsieur ce que me commandent en pareille circonstance la loyauté et la délicatesse. – En vous envoyant ma lithographie du Bec, je tremblais qu’elle ne se trouvât gâtée, et cette crainte m’avait longtemps empêché de la vous prêter. Mes craintes se sont complètement réalisées, etc. – Enfin, je finirai en vous disant (puisque je suis en train de vous parler franchement) que c’est avec peine, avec douleur, que j’ai vu un homme auquel j’ai donné le fruit de mes travaux pour six exemplaires seulement, choisir dans la collection tout ce qu’il y avait de plus affreux pour m’en faire cadeau, que j’ai vu, dis-je, cet homme s’empresser d’offrir à tout le monde ce qui devait d’abord m’être offert avant tous, attendu que j’y ai plus de droits que personne, et je lui avais dit que je prendrais telle ou telle couleur ; enfin que que j’ai vu ce même homme me refuser un exemplaire (un exemplaire de mon ouvrage !), disant qu’il n’en avait plus sur papier de couleur ; lorsque je voyais sa malle pleine de ces mêmes exemplaires sur couleur (jaunes, roses, etc.).» Cette lettre ne fut pas la dernière que Mr Henri Hue ait reçue de Mr Guilmeth, mais, désormais, ce dernier refusa toujours d’avoir avec lui de rapport, d’une manière directe. Toutefois Mr Hue n’en continua pas moins, en sa qualité d’éditeur, à tracasser tous ses amis et connaissances, ainsi qu’on le voit par une nouvelle lettre de Mr Alexandre Pelvey datée d’Evreux le 6 août 1831 (cotée sous le n° 62e). Le 19 août 1831, Mr Roussel alors procureur du Roi à Lisieux, adresse à Mr Hue la lettre suivante (cotée sous le n° 63e)[100] : « Monsieur, Je suis bien en retard de vous remercier de l’envoi que vous avez bien voulu me faire de la Notice historique sur le Château de Brionne, mais j’ai pensé que vous feriez la part de mes

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occupations et que vous voudriez bien m’excuser. J’ai lu cette Notice avec le plus grand intérêt et je me suis convaincu que son luxe typographique n’était pas son seul mérite. J’ai remis à l’éditeur du journal (Le Patriote[101]) l’exemplaire qui lui était destiné, et, chaque fois qu’il vient au parquet déposer la minute de son journal, je lui rappelle qu’il vous doit un petit article ; chaque fois aussi, il me promet de le faire, et je suis sûr qu’il tiendra sa parole ; j’aurai soin d’ailleurs de revenir à la charge. – Agréez, Monsieur, l’assurance de ma considération la plus distinguée Roussel.» On voit que si Mr Guilmeth avait une horreur profonde des réclames des journalistes, il n’en était pas de même de certains éditeurs de ses œuvres. Du reste, nous aurons plus d’une fois la preuve que Mr Guilmeth s’est montré constamment l’ennemi des articles louangeurs de ces gens qui ne parlent souvent que de ce qu’ils ne connaissent pas, attendu qu’il leur serait souverainement impossible de parler de ce qu’ils savent, puisqu’ils ne savent rien. – Le 24 août 1831, Mr A. Pelvey, ce faiseur d’esprit que nous connaissons, écrivait à son ami Henri Hue une lettre où il lui disait en parlant de la Notice sur le Château de Brionne : « Tout mon zèle d’ami a échoué devant l’indifférence de nos savants et le peu d’intérêt historique et littéraire qu’offre aux gens du monde le production un peu lourde de Mr Auguste xxx. – Mr Delarue a déterminé sa docte compagnie à faire l’acquisition de trois exemplaires, dont il n’a point encore touché le prix, et que je te ferai parvenir dès qu’il me l’aura remis. Tu vois que notre académie est très sobre dans la distribution de ses encouragements !… » (cotée sous le n° 64e). Le vendredi 2 septembre 1831, le Patriote de Lisieux annonça la publication de la Notice sur le Château de Brionne. Ce journal, tout en disant que cette publication est due à Mr Henri Hue, de Brionne, jeune homme qui cultive les lettres dans cette ville avec un zèle digne d’éloges, et qui paraît s’être spécialement occupé de recherches sur l’histoire de notre belle province, ajoute avec loyauté : Cependant, l’opuscule que nous signalons à l’attention de nos lecteurs n’est pas de Mr Hue ; il s’en est seulement rendu éditeur, etc. (coté sous le n° 651er). Cependant, Mr Guilmeth continuait toujours ses fouilles dans l’emplacement de l’antique Bréviodurus. Le samedi 17 septembre 1831, Mr Louis du Bois lui écrivait : « Mes nombreuses occupations, Monsieur, m’ont fait perdre

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de vue votre envoi du 3 septembre, consistant en deux fragments de granit sans valeur (pourquoi donc les gardait-il ?), et six médailles[102] si dégradées qu’elles sont tout à fait insignifiantes ; je vous les renvois (parce qu’on les lui réclamait). – D’après votre nouvelle lettre, je vois avec plaisir que votre dernière découverte vaut mieux, quoique les Marc-Aurèle, même en argent, ne soient pas rares. – Oui, j’ai vu la médaille en or trouvée au mois de juin. J’en ai dit un mot dernièrement dans le Patriote, journal de Lisieux. C’est un Auguste bien conservé, et pouvant valoir 24 à 25 francs valeur intrinsèque. – J’ai l’honneur, etc. Louis du Bois. » (cotée n° 65e bis). – Le 13 octobre 1831, Mr Théophile Baudouin[103], le meilleur ami que Mr Guilmeth ait jamais possédé depuis sa plus tendre enfance, et surtout depuis le collège (de Bernay, où tous deux étaient élèves), lui adressait de Rouen la lettre suivante : « Mon ami Guilmeth, si j’ai mis tant de retard à t’écrire, c’est que je n’ai pu trouver d’occasions… Mais laissons là les excuses, et passons à autre chose. – Je suis très reconnaissant aux bontés que tu as toujours eues à mon égard, et je t’en remercie mille fois. – Tu me demandes ce que je pense de ce que tu m’as envoyé (Notice sur le Château de Brionne). Voilà mon sentiment, réuni à celui de beaucoup d’autres, auxquels je l’ai montré, et qui sont plus capables d’en juger que moi. Ils trouvent, ou plutôt nous trouvons les faits très bien rapportés, et en général précis et clairs. Je te félicite, et te conseille de rédiger l’histoire de notre Département, afin de faire connaître à tes concitoyens tous les faits qui s’y sont passés et que, jusqu’alors, sont restés inconnus de la plupart… – Ton ami pour la vie T. Baudouin. »

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(cotée sous le n° 66e) – Le mardi 8 novembre 1831, le journal de Rouen (n° 312, colonne 13) en publiant l’Etat des livres entrés dans la bibliothèque publique de Rouen pendant l’année classique 1830-1831, cite parmi les auteurs qui ont fait des dons à cette bibliothèque : M. Guilmeth (comme ayant donné) sa Notice historique sur le Château de Brionne, in 4° fig. (coté n° 67e) – De son côté, le Patriote de Lisieux, qui avait plusieurs fois déjà annoncé la mise en vente de cette Notice (à son propre bureau), l’annonçait encore dans son n° du mardi 20 décembre 1831, page 432, en ajoutant au dessous du prix : « La moitié du prix de cet élégant opuscule est destinée aux pauvres. » Coté sous le n°68e.

          Nous avons dit ci-dessus que Mr Guilmeth s’était vu forcé de rompre toutes relations directes avec Mr Henri Hue, mais nous devons ajouter que ce dernier n’en continuait pas moins à tirer tout le profit possible non seulement des documents tout rédigés qu’il lui avait donnés sous la condition expresse de l’impression, mais encore des renseignements bruts ou notes courantes qu’il lui avait confiés pour lui aider à bâtir ses drames ou nouvelles. Voici, en effet, ce qu’on lit dans une lettre qu’adressait à Mr Hue, le 9 mars 1832, Mr C. Vienne, propriétaire et rédacteur en chef du Patriote, journal du Calvados et de l’Eure (cotée sous le n° I) : « Monsieur, je n’ai pu faire entrer votre petit article sur Brionne dans le n° du Patriote que vous avez dû recevoir hier ; persécutés que nous étions par les abonnés qui réclamaient le supplément, force nous a été de le compléter en utilisant de la composition, toute faite et qui attendait depuis plusieurs semaines. De cette manière, plusieurs articles, parmi lesquels le vôtre, ont été renvoyés

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 au n° prochain. » Suivent quelques détails pour la publication dans les colonnes du patriote, de divers feuilletons, nouvelles ou articles littéraires offerts par Mr Hue. Puis Mr. C. Vienne ajoute en Post-scriptum, en parlant de la Notice historique sur le Château de Brionne, éditée mais non composée par Mr H. Hue, ainsi qu’il a soin de le faire remarquer dans son journal. « Je n’ai vendu qu’un seul exemplaire de la Notice. – Cela vous surprendra peut-être, mais il me paraît à moi, tout simple. Par le temps qu’il fait, la politique étouffe tout, poésie, arts, sciences ; et, sauf un petit, petit nombre de curieux ou d’érudits, chez qui le feu sacré jette encore quelques lueurs pâles, les recherches laborieuses, les savantes élocutions, les antiquités de toute espèce, sont complettement dédaignées des lecteurs. Cette vérité est surtout palpitante dans notre ville (de Lisieux), où tout le monde est ignorant et ne lit et ne peut lire que des journaux. Néanmoins, je répèterai l’annonce. » Ce fait que, à l’époque où paraît la Notice de Mr Guilmeth sur le Château de Brionne, la politique absorbait toute l’attention du public, est constamment avéré par la correspondance des personnes auxquelles Mr Henri Hue avait confié le placement des exemplaires (voir surtout à ce sujet la lettre de Mr Alex. Pelvey, liasse première, nos…).

          A cette même époque, Mr A. Guilmeth, pour s’occuper plus complettement de ses travaux scientifiques et littéraires, avait accepté une place de professeur et de mtre d’études chez Mr A. Guaisnet, alors maître de pension à St Valéry-en-Caux, et depuis percepteur des contributions à …  Il était entré dans cette place le 15 octobre 1831 ; il en sortit le 15 mars 1832, ainsi que l’atteste le certificat suivant (coté sous le n° IIe). « Je soussigné, Me Guaisnet, maître de pension à St Valéry-en-Caux, dépt. de la

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Seine-Inférieure, certifie et atteste que Mr Guilmeth (Alexandre-Auguste), bachelier ès-lettres, né à Brionne, département de l’Eure, le 2 septembre 1807, est resté dans mon établissement, depuis le 15 octobre 1831 jusqu’au 15 mars 1832, en qualité de professeur et de maître d’études qu’il a rempli ses fonctions avec zèle et conscience et qu’il est d’une moralité irréprochable. – St Valéry le 15 mars 1832, signé A. Guaisnet. – Au bas est écrit, avec le timbre de la main de St Valéry, « Vu pour légalisation de la signature cy-contre, le maire de St Valéry en Caux, signé E. Duteurtre. » En quittant St Valéry, Mr Guilmeth avait pour but principal de se rapprocher de la ville de Rouen, où [???] bibliothèque publique lui offrait de si puissantes ressources pour ses travaux historiques. Il vint à Sahurs[104], dans le vieux manoir des Marbeuf, occuper un emploi analogue à celui qu’il venait de remplir à St Valéry. C’est là qu’il travailla à la rédaction et à la publication de sa Notice historique sur la ville de Pont-Audemer. C’est là que un nommé Polynice Philippe[105], se qualifiant de professeur de dessin à Pont-Audemer, vint le trouver, d’abord en lui offrant une certaine quantité de dessins lithographiés, qu’il prétendait n’avoir faits que pour amuser ses loisirs, et ensuite en lui racontant comme quoi Mr Alfred Canel, avocat à Pont-Audemer, s’était vanté, à lui Philippe, d’avoir transmis à Mr Guilmeth, sur l’histoire de cette ville, des renseignements qu’il savait inexacts, et cela pour avoir le plaisir de critiquer et bafouer ce dernier dans un ouvrage que lui-même (A. Canel) préparait en ce moment sur Pont-Audemer, son pays natal, et qu’il devait incessamment livrer à l’impression[106]. Mr Guilmeth,

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qui avait en effet remarqué l’inexactitude des renseignements fournis à lui par Mr Canel, crut facilement ce que lui racontait le sieur Philippe, et c’est ce qui explique pourquoi, dans la préface de son Histoire de Pont-Audemer, il décocha à Mr Canel une flèche qui, pour n’être ni d’acier ni de bois, n’en était pas moins acérée. Il en résulta une polémique facheuse pour ces deux écrivains, dans laquelle Mr A. Canel se permit contre Mr Guilmeth des insinuations calomnieuses et diffamatoires, tandis que ce dernier lui répondait avec une verve, qui ne tarda pas à dégénérer en violence et en outrages. Le 1er mai 1832, le sieur Philippe s’obligea envers Mr Guilmeth, par un acte sous seing-privé (coté n° IIIe), à livrer à celui-ci, savoir : pour le 20 juillet prochain, mille exemplaires de chacune des vues de l’église St Ouen de Pont-Audemer, de l’église du Sépulcre et de l’église St Germain de la même ville ; pour le 20 août suivant, mille exemplaires de chacune des vues de l’église de Corneville sur Risle, de l’église de St Mards-sur-Risle et de l’église de Quillebeuf ; pour le 20 septembre suivant, mille exemplaires de chacune des vues de l’église de Saint-Philbert-sur-Risle, de l’église d’Appeville-Annebault et de l’église de Bourg-Théroulde ; enfin pour le 20 octobre suivant mille exemplaires de chacune des vues de l’église de Cormeilles, de l’église d’Epaignes, et des costumes du Lieuvin et du Roumois, réunis sur une seule planche. Chaque mille de ces lithographies devait être payé au sieur Philippe par Mr Guilmeth à raison de deux cents francs comptant. L’acte se termine ainsi en Article 3e. Celui des contractants qui viendrait à l’une ou à plusieurs des conventions cy-dessus stipulées sera tenu envers l’autre au paiment d’une somme de deux mille quatre cents francs, à titre de

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dommages et intérêts. » Mais toutes ces conditions ne servirent à rien. Le sieur Philippe avait vendu ce qu’il ne pouvait pas livrer, puisque les planches dont il est question dans cet acte du 1er mai 1832 aient été faites, non pas pour occuper ses loisirs, mais pour orner l’ouvrage de Mr Canel ; celui-ci en avait payé le prix ; et les planches étaient déposées à Rouen, chez Mr Nicétas Périaux, qui reçut de Mr Canel la défense (réelle ou feinte) de s’en dessaisir. Tout cela n’avait pas empêché le sieur Philippe de vendre ces dessins à Mr Guilmeth, et même de lui remettre de ces dessins des épreuves qu’il exhibait aux yeux du public, croyant de bonne foi en être le seul possesseur, tant il avait alors de confiance dans les promesses du sieur Philippe. Voici la lettre que celui-ci lui adressait de Pont-Audemer le 16 juin 1832 (cotée n° IV1er) : « Monsieur – Vous m’aurez sans trouvé bien incivil et bien négligent à la fois, de ne point avoir répondu plus tôt à la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’adresser. Je viens me justifier, car je tiens à votre estime et j’espère même obtenir quelque part dans votre amitié.- Je suis allé il y a quinze jours à Rouen, et j’y vis Mr Brière (l’imprimeur) que je priai de vous informer de ma visite. Il paraît me savoir quelque gré de ma démarche, dont le but principal, joint à notre affaire d’intérêt, était de le prévenir ainsi que vous, que Mr Périaux (Nicétas) menait rondement l’ouvrage de Mr Canel (sur Pont-Audemer) et faisait répandre par toutes voies que le vôtre ne paraîtrait pas, etc, etc, etc. Il m’assura qu’il rassurerait fort incessamment, et par un article inséré

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dans son journal (le journal de Rouen) les souscripteurs à votre œuvre, et cependant je n’ai rien vu jusqu’à ce jour. Permettez moi donc de vous dire franchement que, si vous n’y prenez garde, vous serez, Mr Brière et vous, joués par l’astuce de Messieurs Périaux et Canel, qui, s’ils n’ont pas vos moyens et votre esprit, ont en revanche plus d’astuce et moins de loyauté que celle que j’ai cru remarquer en vous. Permettez moi cette observation, que vous devez excuser à la faveur du motif. – Je suis prêt à me mettre à la besogne pour votre vue de Préaux. J’ai même déjà une pierre toute prête, et, quant au prix, je vous le fixerai sur le vu de l’ouvrage à exécuter, de manière que vous n’ayez point à vous plaindre. – Quant à Saint-Ouen, je vous en livrerai 500 exemplaires à raison de 25ces l’un ou 15 francs le cent du tout (cette diminution sur le prix convenu dans l’acte du 1er mai aurait lieu d’étonner si Mr Guilmeth, instruit que c’était pour Mr Canel qu’avait été fait ce dessin, n’eut menacé de résilier le marché, puisque, les planches n’étant plus inédites, il y avait de la part du sieur Philippe dol et fraude). Si mieux vous aimez, ou si Mr Brière le préfère, je vous vendrai en toute propriété et exclusivement (ce qui constituait un véritable vol.) chaque dessin 75 francs, la pierre en sus, si je dois la refaire (sur un nouveau modèle), et 50 francs si je vous livre les anciens (dont Mr Guilmeth ne voulait plus depuis qu’il avait appris la priorité de droits que Mr Canel avait sur ces dessins). Au surplus, pour terminer tout à fait cette affaire, je pense qu’il serait bon de nous revoir afin de bien arrêter nos conventions (chose bien indispensable

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en effet !), et, pour cela, je pense que rien n’est plus nécessaire qu’un très court voyage en notre ville, si vos occupations ne vous permettent pas d’y séjourner plus longtemps. Vous trouverez franchement et cordialement chez moi l’ordinaire mesquin d’un artiste, mais la rondeur d’un bon vivant. – Si vous venez, je vous serai obligé de me prévenir 24 d’avance, si, au contraire, vous ne pouvez exécuter ce projet, je ferai en sorte, moi, de me rendre près de vous. Veuillez donc m’en répondre deux mots par le premier courrier et me croire, Monsieur, votre affectionné serviteur Philippe. » Si l’on compare cette lettre du 26 juin avec l’acte du 1er mai, on verra qu’elle apportait aux conditions contenues dans cet acte de très notables changements. Ces changements, unis à l’inconcevable lenteur que Mr Brière apportait depuis 1829 à l’impression des fameuses notices[107], expliquent tous les nouveaux délais que Mr Guilmeth eut à subir pour arriver à faire imprimer son histoire de la ville de Pont-Audemer. – Le 16 juillet 1832, MM. Thomas[108], auteur de la Statistique de l’Île-Bourbon, et Mr J. Morlent, auteur du Hâvre ancien et moderne, adressent à Mr Aug. Guilmeth leurs plans et projets au sujet de la publication de leur Keepsake Normand[109]. Leur lettre, excessivement pressante et flatteuse, contient entre autres phrases, celles-ci : « Des savants et des littérateurs qui l’habitent (notre ancienne province) nous ont encouragés à cette publication ; nous avons l’honneur, Monsieur, de vous communiquer notre projet et de solliciter votre coopération… Dès que nous le pourrons, nous aurons l’honneur de vous les envoyer (les prospectus). » Nous n’avons cependant pas voulu différer de vous communiquer nos vues et nous vous prions d’accueillir la prière que nous vous faisons avec le zèle patriotique qui nous porte à vous l’adresser. Nous désirerions recevoir avant le 30 septembre l’article que nous sollicitons de votre obligeance, etc. » – Mr Guilmeth répondit à cette lettre de sollicitation par l’envoi immédiat de sa Notice sur Alexandre de Bernay et les vers alexandrins, notice que la lenteur de la publication le força à réclamer quelque temps après, et en échange de laquelle il accorda la Vallée de la Risle (alinéa n°IV bis). Enfin, par un acte daté de Rouen le 30 juillet 1832 (et coté sous le n° Ve), Mr Thomas Napoléon Desisles-Brières[110] s’oblige à imprimer et à livrer à Mr Guilmeth pour le 31 août prochain cinq cents exemplaires de la brochure intitulée Histoire communale de l’arrondissement de Pont-Audemer, tout le manuscrit, contenant soixante douze pages, a été remis aujourd’hui audit Mr Brière, etc. Si nous citons cette phrase, c’est afin de montrer quelle confiance méritent les assertions de Mr Brière, qui, après avoir suspendu pendant plusieurs mois l’impression des Notices pour s’en aller faire un voyage dans le Dauphiné, prétendit depuis que, pour ces notices, de même que pour l’Histoire de Pont-Audemer,

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il avait constamment langui après la copie de Mr Guilmeth !.. (on peut voir du reste, les lettres de MMr Rochette et Frédéric Baudry, et celle qu’adressait au mois de juillet 1831, M. A. Guilmeth à Mr Hébert, juge de Paix à Montfort !!!)

          Du reste, Mr Brière, pour mieux remercier Mr Guilmeth, ou du moins pour lui faire prendre patience, eut la générosité grande d’annoncer au public, presque toutes les semaines, l’apparition de l’Histoire de Pont-Audemer, ainsi que le prouve la collection du Journal de Rouen de cette époque, notamment les nos des 13 et 22 août, 4 et 10 septembre, etc., etc. (voir la collection, du Journal de Rouen, et ces nos cotés VIe, VIIe, VIIIe et IXe). Mais, malgré toutes ces aimables attentions, Mr Brière n’en avançait pas plus vite dans l’impression de ces cahiers que le sieur Philippe dans la livraison de ses dessins. Et c’était chose toute simple. Mr Brière avait pour correspondant de son Journal à Pont-Audemer le même Mr A. Canel, qui travaillait concurremment sur le même sujet que Mr Guilmeth. Il est vrai que Mr Brière avait refusé d’imprimer l’ouvrage de Mr Canel, mais ce refus, très positif, avait deux causes ; la première, le prix exorbitant  que Mr Brière avait demandé à Mr Canel ; la 2e, le défaut de garantie ou de solvabilité que le même Mr Brière avait cru remarquer dans Mr Canel, lequel fut ainsi renvoyé par lui vers Mr Nicétas Périaux, qui exigea une caution, dont Mr le député Legendre, ex-maire de Pont-Audemer[111], consentit à se porter le garant. Ainsi, en laissant de côté l’intérêt matériel, Mr Brière faisait tous ses efforts pour favoriser

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Mr Canel, qu’il aimait beaucoup et dont il partageait les opinions politiques, aux dépens de Mr A. Guilmeth, qu’il détestait cordialement, et dont il exécrait les sentiments monarchiques et religieux. Quant au sieur P. Philippe, on aura tout le secret de sa conduite, lorsqu’on saura que c’était Mr A. Canel lui-même qui l’avait amené et installé à Pont-Audemer, que c’était lui qui lui avait fourni une clientèle, que c’était lui enfin qui lui avait commandé et fait exécuter tous les dessins que celui-ci était venu offrir à Mr Guilmeth pour le leurrer et lui faire perdre un temps précieux. C’est à cette abominable conduite de MM. Canel, Philippe et Brière, et à une explication à laquelle elle donna lieu dans les bureaux mêmes du Journal de Rouen, qu’il faut rapporter la terrible scène dont il est fait mention dans une lettre adressée par Mr Guilmeth à Mr Brière sous la date du 26 octobre 1832 (cotée sous le N° Xe). Mr Guilmeth, ainsi qu’on le voit par cette lettre, était alors professeur chez Mr Châtel, maître de pension, rue de l’Avalasse, à Rouen. L’extrême irritation de Mr A. Guilmeth était d’autant plus légitime que, comme nous l’avons vu, toutes les conditions stipulées dans l’acte du 1er mai avaient été impudemment foulées aux pieds par le sieur Philippe. Le 10 juillet suivant, un acte nouveau avait été signé entre M. Philippe et M. Guilmeth, qui, ce jour-là (ainsi que l’atteste la pièce cotée sous le N° XIe), avait payé à ce prétendu artiste un à-compte de 50 francs, pour lequel il n’avait jamais

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pu obtenir même une épreuve ! C’était donc pour contraindre enfin le sieur Philippe à remplir ses obligations que, le 4 novembre 1832, Mr Guilmeth adressait de Rouen à Mr Lefebvre, huissier à Pont-Audemer, la susdite pièce cotée sous le N° XIe. Après bien des démarches et des poursuites, Mr Guilmeth finit par obtenir du sieur Philippe, non pas les douze beaux dessins que celui-ci lui avait promis et vendus par son acte du 1er mai, ni même ceux qu’il s’était de nouveau obligé à lui fournir par l’acte du 10 juillet, mais quatre chétives et misérables lithographies, format petit in-8°, imprimées chez le sieur Perrache. Encore, pour en arriver jusque là Mr Guilmeth fut-il obligé de s’astreindre envers le sieur Philippe à de ridicules et humiliantes conditions, ainsi qu’on le voit par la pièce datée du 16 novembre 1832 (et cotée sous le N° XIIe). Enfin, le 1er décembre 1832, l’histoire de la ville de Pont-Audemer parut[112], au lieu de paraître pour le 31 août, ainsi que s’y était obligé Mr Brière. Du reste, celui-ci consacra à cette Notice, dans le n° du journal de Rouen du lundi 3 décembre (coté N° XIIIe), un article assez bien fait pour mériter plus tard de servir à Mr Guilmeth de modèle pour ses prospectus.

          Le 4 février 1833, Mr Victor de Boscregnoult de Lenteuil adresse à Mr Auguste Guilmeth une magnifique lettre au sujet de la publication de l’histoire de Pont-Audemer, et pour la rectification d’une phrase concernant sa famille. Cette lettre, cotée sous le N°XIVe, commence ainsi :

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« Monsieur, – J’ai lu avec le plus vif intérêt le premier volume de votre estimable ouvrage sur l’arrondiss. de Pont-Audemer. Ce sentiment sera général, n’en doutez pas, chez tous ceux qui chérissent leur patrie. Vous avez exploité une mine bien riche ; mais l’on ne peut trop louer le zèle avec lequel vous avez recueilli ce qu’elle offrait de précieux. J’ai eu l’avantage de pouvoir vous faire passer, d’après votre invitation, des notes certaines sur les anciens seigneurs du Boscregnoult, dont je descends par mon père, et sur ceux de Glos-sur-Risle dont est issue ma mère. C’est le résultat du dépouillement de nombreux titres que je possède encore après la destruction de beaucoup d’autres. A cette occasion, etc… » Le mardi 12 février 1833, la Gazette de Normandie[113] consacre à l’histoire de Pont-Audemer de Mr Guilmeth un splendide article de trois colonnes, signé L.M.D.B.P. (le marquis de Bonport ?). Dans cet article, la Gazette donne un extrait de la belle préface qui commence l’œuvre de Mr Guilmeth, puis fait ensuite un examen sérieux et complet de la notice elle-même. On peut dire que jamais ouvrage n’a été mieux recommandé ; on en pourra juger par les fragments suivants (coté sous le N° XVe) : « Ce que l’auteur nous dit, nous raconte ou nous promet dans son introduction, il nous le prouve, mais le fait sentir, nous le donne dans son ouvrage… Les deux chapitres que nous avons sous les yeux renferment une multitude de détails aussi complets que variés, aussi utiles qu’amusants. Tout a été examiné, approfondi, révélé, et, nous le répétons, parmi les objets si rapidement développés dans cet étroit tableau, tout frappe, tout intéresse, tout est curieux, savant, nécessaire… Nous n’avons pu indiquer à nos lecteurs qu’une très faible partie des renseignements contenus dans l’œuvre de

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Mr Guilmeth. L’histoire communale de l’arrondiss. de Pont-Audemer est l’ouvrage le plus précieux que l’on puisse se procurer sur cet arrondissement. Mœurs, religion, convenances, politique de toutes les couleurs, tout y a été respecté ; c’est un véritable album historique, une chronique pure de tout esprit de parti, un recueil d’éphémérides indispensable au voyageur qui désire visiter cette intéressante portion de notre province, au savant et à l’historien qui recherchent en silence les fils certains dont ils puissent composer plus tard le réseau de leurs récits, à toute personne enfin, qui chérit le sol de ses pères, le sol qui l’a vu naître. »

          Le 13 février 1833, Mr Bordeaux[114], juge au Tribunal civil d’Evreux, adresse à Mr du Boscregnoult de Lenteuil la lettre (cotée sous le N° XVIe) où l’on remarque le passage suivant : « Je suis chargé par M.M. les membres résidans de la société (d’Agriculture, science, arts et Belles-Lettres de l’Eure) de vous adresser leurs remerciemens empressés des excellens choix que vous lui avez adressés et du zèle que vous voulez bien mettre à ce qui l’intéresse. Mr D’Avannes a adressé à Mr Guillmeth un diplôme, et s’est empressé de nous attacher ce précieux collaborateur… » Effectivement, dès le 12, Mr D’Avannes, président de l’ancienne Société d’Agriculture[115], et vice-président du tribunal civil d’Evreux, avait adressé un diplôme à Mr Guilmeth, avec la lettre suivante (cotée sous le N° XVIIe). – « Evreux, le 12 février 1833. – Le président de l’ancienne Société d’Agriculture, sciences, arts et belles-lettres du département de l’Eure, à Monsieur Guilmeth à Brionne. – Monsieur, sur la proposition de M. de Lenteuil, l’un de nos collègues, la Société s’est empressée de vous admettre au nombre

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de ses membres non résidans, heureuse de pouvoir s’associer une personne qui, par ses connaissances et ses travaux habituels, peut l’aider à parvenir au but qu’elle se propose dans l’intérêt de nos concitoyens. – Nous espérons que vous voudrez bien enrichir notre bulletin de quelques fragmens des études historiques que vous avez faites sur le département de l’Eure. Vous recevrez d’ici à quinze jours le premier numéro de 1833. La Commission de rédaction s’occupera immédiatement du choix des morceaux qui devront composer le numéro deux, et ce serait avec infiniment de plaisir que nous y insérerions quelques unes de vos productions. Nous vous invitons donc à nous en faire incessamment l’envoi, en accusant réception de votre diplôme, conformément à l’article 17e du règlement. – En l’absence du secrétaire perpétuel, je me suis empressé de le suppléer, flatté d’être auprès de vous, Monsieur, l’interprète de la Société, et de commencer avec vous des relations qu’il me sera toujours agréable d’entretenir. – Recevez-en, je vous prie, l’assurance, Monsieur, et agréez l’expression de ma haute considération, D’Avannes. » Dans son numéro du dimanche 24 février 1833 (coté sous le N° XVIIIe), l’Echo de Rouen[116] annonçait en ces termes l’apparition de l’histoire de Pont-Audemer par Mr Guilmeth : -« De toutes les productions que chaque année voit éclore sur notre belle et bonne province, il en est peu qui méritent plus de succès que l’histoire communale de l’arrondissement de Pont-Audemer par M. Auguste Guilmeth, de Brionne. Ce jeune savant, auquel le pays doit déjà plusieurs ouvrages historiques et archéologiques, vient encore de nous révéler tout ce que renfermait de trésors l’une des portions les plus importantes du département de l’Eure, trésors d’autant plus précieux qu’ils ont été ignorés, jusqu’à

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ce jour, et que, dans l’infatigable activité du jeune antiquaire, ils seraient, probablement pour bien longtemps encore, restés ensevelis dans la poussière des siècles, etc, etc… »

          Le 1er mars 1833, Mr A. de Caumont[117], correspondt de l’Institut et secrétaire de la Société Royale des Antiquaires de Normandie, adressait à Mr A. Guilmeth la lettre suivante (cotée sous le N° XIXe). Mr Guilmeth avait été engagés par ses amis MMr Le Ver, E.H. Langlois, Eel Gaillard[118], et autres à se présenter à la Société des Antiquaires de Normandie en lui envoyant quelques unes de ses productions scientifiques. Voici la réponse de Mr de Caumont : « Société des Antiquaires de Normandie – secrétariat – Caen, le 1er mars 1833. – Monsieur, la Société a reçu l’ouvrage intéressant que vous avez bien voulu lui adresser et qui est intitulé : histoire Communale de l’Arrondissement de Ponteaudemer (sic), et celui qui porte pour titre : Notice sur le Château de Brionne. – La Compagnie me charge de vous offrir des remerciements et de vous témoigner tout le prix qu’elle attache à ces publications. Elles ont été déposées honorablement dans la bibliothèque de la Société. J’ai l’honneur d’être, avec la considération la plus distinguée, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur ; le secrétaire de la Société, – A. de Caumont, correspondt de l’Institut. – P.S. La Société a entendu la lecture de la lettre par laquelle vous témoignez le désir de faire partie de cette compagnie ; on pourra voter sur votre admission au mois d’avril, et je ne doute pas que la Société ne soit flattée de vous compter au nombre de ses membres. pour ma part, j’espère contribuer à votre admission. » – Le même jour Mr D’Avannes, président de l’ancienne Société d’Agriculture de l’Eure, adressa à Mr

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Auguste Guilmeth, membre non-résidant de cette société la lettre (cotée sous le n° XX), laquelle commence ainsi : « Monsieur, c’est avec la plus vive reconnaissance que la société a reçu les communications que contenait votre lettre du 22 février, avec l’accusé de réception de votre diplôme ; elle me charge d’être son interprète et de répondre aux différentes questions que vous lui adressez. – Votre Esquisse biographique sur Alexandre (de Bernay)[119] est renvoyée au Comité de rédaction, dont je fais partie. Je crois pouvoir vous assurer que l’impression en sera admise dans le n°2 du Bulletin. Nous vous engageons à vouloir bien nous gratifier ainsi de vos mémoires inédits ; s’ils présentent tous, comme celui-ci, un vif intérêt et une rédaction soignée, chacun de nos bulletins en réclamera au moins un… » Suivent trois grandes pages de détails sur la publication du Bulletin, sur la réorganisation de la Société, dans le sein de laquelle avait éclaté une scission dans les derniers jours du mois d’août (1832), et contre les dissidents de laquelle (trois membres seulement, bientôt augmentés de 157 autres) le Journal de Rouen, avait publié, vers les premiers jours d’octobre, un article assez platement injurieux (dit Mr D’Avannes), article signé : un membre de la Société Libre !!![120] Mr D’Avannes continue ainsi : « Nous pensons comme vous, Monsieur, que pour ajouter encore aux heureux résultats que nous avons obtenus, il convient de répandre notre règlement. C’est pourquoi, non seulement nous l’avons réimprimé dans notre [le?] Bulletin (qui se tire à 600 exemplaires), mais nous en avons fait faire à part un fort grand tirage ; nous vous en faisons passer quelques exemplaires ; nous acceptons l’offre que vous nous faites d’en distribuer et de nous procurer de nouveaux membres correspondans. Il

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suffira assurément d’être présenté par vous, Monsieur, pour être certain d’être agréé. Nous avons un grand intérêt à multiplier le nombre de nos correspondans et celui de nos abonnés (parmi lesquels nous comptons déjà une certaine quantité de dames), car nous n’avons pas à notre disposition les fonds du Conseil général comme la Société rivale (la Société libre)[121], et l’argent, qui est le nerf de la guerre, est aussi le principal moyen d’action d’une société académique. » Suivent encore quelques détails sur la formation de la bibliothèque de la société par l’obligation imposée à chaque membre par le règlement d’envoyer à cette bibliothèque un exemplaire des ouvrages par lui publiés, etc, etc. – La scission qui avait eu lieu au mois d’août 1832 entre les membres de l’ancienne Société d’agriculture du département de l’Eure avait eu pour principal départ la divergeance des opinions politiques. Les partisans de l’ordre de choses fondé en 1830 prirent le titre de la Société Libre sous la présidence du préfet ; les légitimistes et les hommes du mouvement continuèrent, sous la présidence de Mr D’Avannes, à faire partie de l’ancienne Société[122]. Mais ces derniers furent constamment en butte aux tracasseries du pouvoir nouveau. Promesses, menaces, séductions de toutes les couleurs furent constamment employées contre l’ancienne société. L’ignoble Journal de Rouen ne manqua pas, selon sa coutume, de se ranger du côté des persécuteurs. Les lettres du président et de la plupart des correspondants furent souvent interceptées à la poste, puis décachetées et lues, car on était convaincu en haut lieu que cette Société était moins littéraire que politique. Le 6 mars 1833, le président d’Avannes écrivait à Mr Guilmeth : « Je ne vous écris aujourd’hui que pour vous tirer d’inquiétude. En général, la

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Poste a été assez probe à mon égard ; elle s’est contentée de décacheter quelques lettres, mais elle n’en a pas supprimé… » (cotée sous le N° XXI). Le 17 mars 1833, Mr D’Avannes écrivait à Mr A. Guilmeth, qui lui avait envoyé pour la Société sa fameuse Ode aux poètes révolutionnaires, composée dès 1830, et une pièce de vers intitulée le Bouleau de la Montagne, la lettre suivante (cotée sous le N° XXII), « Je réponds de suite à votre lettre du 15, dans laquelle nous avons, avec infiniment de plaisir, acquis la preuve que non seulement nous avons en vous un savant collègue, mais encore un poète distingué. – Vos deux pièces de vers arrivent trop tard pour pouvoir trouver place dans le n°2 du Bulletin, parce que sa composition est arrêtée ; presque toutes les pièces de vers composées (à l’imprimerie) ; la Section des Sciences est entre les mains de l’imprimeur, à qui j’ai remis ce matin votre Notice sur Alexandre. – Vos deux pièces seront lues à la prochaine séance particulière, qui aura lieu incessamment. Je les ai communiquées à plusieurs des membres du Comité de rédaction. On pense que la couleur politique de la Seconde interdit de l’imprimer dans le Bulletin. Nous voulons, au moins dans les premiers numéros, exécuter le règlement à la lettre sous ce rapport. Si vous disposez de votre Ode pour un autre recueil, vous voudrez bien nous en prévenir, pour que le secrétaire le note en marge de la mention qui sera faite de l’envoi de vos poésies sur le procès-verbal. – Quant au Bouleau de la Montagne, j’espère qu’il sera imprimé dans le numéro 3, ainsi que plusieurs autres pièces qui nous ont déjà été envoyées depuis longtemps. – Je vous

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ferai observer qu’il vous est échappé de faire rimer enchainée et élancée dans la 3e stance. Je vous engage à corriger cette erreur, que vous n’avez probablement pas remarquée ; cela échappe dans la chaleur de la composition. Il en est de même de courber et attacher, dans la stance suivante ; ce sont des taches qu’il faut faire disparaître…. Je serai extrêmement flatté, Monsieur, de faire votre connaissance et j’en ai conçu avec le plus grand plaisir l’espoir, d’après votre lettre. L’avantage d’avoir des relations avec des personnes comme vous, Monsieur, est la plus douce indemnité des occupations que me donne une présidence dont j’étais assurément peu digne…. Agréez, Monsieur, et cher Collègue, la sincère assurance de mes sentimens les plus distingués, D’Avannes. – P.S. Je crois avoir eu l’honneur de vous dire précédemment que nous ne manquons de matériaux ni pour la section de littérature, ni même (quoiqu’en moindre quantité) pour la section des sciences, mais seulement pour celle d’agriculture ; il faudrait tâcher de nous trouver quelques correspondans capables d’écrire sur cette matière. »

          Mr A. Guilmeth avait reçu de la Société Libre d’Agriculture de l’Eure, qui, voyant avec jalousie son admission dans l’autre société, cherchait à l’en détacher ; une circulaire signée La Porte, trésorier, H. Delarue, secrétaire perpétuel, et A. Passy, président (préfet de l’Eure). Dans cette circulaire, on avertissait Mr Guilmeth que la Société Libre venait de se constituer sur de nouvelles bases (dès le 19 juillet 1832), que ladite société l’invitait à prendre connaissance de ses réglemens, et enfin qu’elle espérait qu’il ne lui refuserait pas son concours (cotée sous le n° XXIII). Mr Guilmeth, sollicité par quelques un de ses amis, consentit à accorder le concours qu’on lui avait demandé, et, avec son assentiment, accorda à ladite société plusieurs de ses ouvrages imprimés et un ou deux mémoires manuscrits. Mais il paraît

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qu’il n’avait témoigné ni assez de zèle ni assez d’enthousiasme pour entrer d’emblée dans une association dont MM. Le Prévost, Canel et tutti quanti faisaient partie. Le 23 avril 1833, M. H. Delarue adresse à Mr A. Guilmeth l’inconcevable épître que voici (cotée sous le n° XXIV) : « Société libre d’Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du département de l’Eure (avec une sorte d’étiquette de pharmacien, de forme ronde et portant : Utile dulei( ?) en lettres gothiques). – Evreux le 23 avril 1833. – Monsieur, J’ai communiqué à la Société la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire et je lui ai remis les diverses productions que vous m’avez chargé de lui offrir. Elles ont été renvoyées à la section compétente, qui, probablement, en demandera l’impression, comme vous le désirez. – J’ai l’honneur  de vous remettre les trois premiers volumes de notre Recueil[123], dont je suis autorisé à vous faire présent. Je vous invite à lire les Règlemens (encore !!!) que vous trouverez à la fin du Troisième volume et à vous faire proposer par six membres (rien que cela !!!) Il suffit que vous connaissiez Mr Auguste Le Prévost pour qu’il vous procure facilement des répondans (chose excessivement flatteuse !) ; il jouit à juste titre d’une grande considération parmi nous. – Je serai flatté, Monsieur, d’avoir avec vous des relations qui ne pourront que contribuer au bien du pays et qui me procureront des occasions que je saisirai toujours avec empressement pour vous offrir les témoignages des sentimens très distingués avec lesquels je suis, Monsieur, très humble et très obéissant serviteur H. Delarue… – à Mr Guilmeth, homme de lettres à Brionne. »

          Le même jour Mr Guilmeth recevait de Mr Thomas de Rouen, auteur d’une Statistique de l’Ile Bourbon, d’une Histoire de Honfleur, etc., lequel se disposait alors à publier sous le titre de Keepsake Normand, un magnifique recueil littéraire et artistique, que des évènements ultérieurs l’ont empêché depuis de mettre au jour, la lettre suivante (cotée sous le n° XXV). – « Rouen 23 avril

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avril 1833 – Monsieur, voulez vous que je vous fasse une confidence !.. C’est qu’il m’était vraiment pénible, après avoir eu dans les mains votre judicieux article Alexandre (de Bernay), de ne plus avoir rien de vous. J’ai reçu alors avec grand plaisir votre lettre d’hier. Ainsi, j’en éprouve un double : celui de voir figurer votre nom dans notre recueil, et celui d’avoir une description d’une vallée que je me souviens avoir traversée il y a bien longtemps. Par là, nous aurons quelque chose des quatre plus intéressants de nos cinq départements, car je crains bien que l’Orne ne reste en chemin, malgré les promesses de Mme de Clogenson, épouse du préfet[124], et quoique celui-ci soit un de nos confrères de la Société d’Emulation, etc., etc. Tout à vous, Monsieur, signé : Thomas. »

          Le 7 mai suivant, le même Mr Thomas adressait à Mr A. Guilmeth la lettre suivante (cotée sous le n° XXVI). Rouen le 7 mai 1833 – Monsieur – Grand merci de votre Vallée de Risle. – Si vous pouvez me faire tenir, avant votre voyage ici, les articles que vous avez la bonté de m’annoncer, je vous en serai reconnaissant, parce que, sous peu de jours, nous allons entamer l’impression, et que, pour classer pour le plus grand agrément des lecteurs, il est bon d’avoir les articles. – Je vous suis on ne peut plus obligé des soins que vous prenez. J’augure parfaitement bien du succès qu’aura cette publication, peut-être pas également dans les cinq départements, mais au moins dans la plupart. Paris même paraît merveilleusement alléché. C’est le cas de crier : Ô miracle !…… Puisque vous comptez aller à Evreux, je dois vous dire que j’ai écrit en janvier à Mr Passy, le préfet de l’Eure, à Mr Ancelle, libraire, à Mr Delarue, à Mr Dibon[125], etc, et que personne ne m’a répondu. J’aurais désiré avoir la Statistique des Bibliothèques publiques et particulières de ce département ; j’avais envoyé un modèle d’état. j’avais écris aussi à

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Mr Dubois, sous-préfet de Bernay, transféré depuis (à Vitré), sans être plus heureux. Je m’étais également adressé à plusieurs personnes de Louviers ; même silence. – Je ne puis deviner pourquoi L’Eure ne prend point plus de part à une publication nationale. – Y aurait-il jalousie de pays ? – Heureusement, vous comblerez ce déficit, et, grâce à vous, ce département figurera aussi dans un recueil qui intéresse toute l’ancienne province. –Je désire beaucoup avoir l’honneur de faire votre connaissance et vous renouveller l’expression de mes sentiments les plus dévoués. Thomas. » – La surprise de Mr Thomas aura du cesser, lorsqu’il aura su que, dans le dépt. de l’Eure, tout ce qui ne venait pas directement de l’initiative de la coterie de MM. Passy, Le Prévost, Canel et autres ejusdem farinae, était regardé comme nul et non avenu et était condamné à périr. –

          Le 8 mai 1833, Mr Jules Forfelier, secrétaire du comité central de la Société de la Jeune France[126], adressait de Paris à Mr A. Guilmeth la lettre suivante (cotée sous le N° XXVII). Mr Guilmeth lui avait envoyé pour le journal de la Société une copie corrigée de sa fameuse Ode à quelques poètes détracteurs de l’ancienne France. Mr J. Forfelier fit tous ses efforts pour faire insérer cette ode dans le journal, mais la couleur non politique de cette feuille, qui, d’ailleurs, fut en ce moment même condamnée à payer au fisc une amende énorme, empêcha la publication de cette pièce, qui, du reste, obtint les honneurs de la lecture dans tous les salons aristocratiques ou légitimistes de la Capitale. – « L’Echo de la Jeune France. Paris, le 8 mai 1833. – Monsieur, j’ai reçu vos beaux vers, et je vous promets que j’appuierai de toutes mes forces leur insertion dans le plus prochain numéro. Continuez, Monsieur, à nous aider, autant par votre esprit que par vos efforts, à propager l’Echo de la Jeune France. – Nous sommes tous de votre âge. Nous travaillons

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sous les auspices et le patronage des premiers hommes de la France. MM. Berryer[127] et de Dreux-Brezé[128] nous représentent, l’un à la Chambre des Députes, l’autre à la Chambre des Pairs. Nous avons dans le domaine des lettres Chateaubriand, De la Martine, d’Arlincourt[129]. – Soyons tous, jeunes gens de la France, leurs prosélytes et leurs admirateurs ; formons autour d’eux une grande association ; établissons des comités ; entrons en relations sur tous les points de la France. – Sortons du chaos ; établissons nous sur des ruines pour y former une société nouvelle, pure de tous les vices et des tous les défauts de celle qui s’en va chargée de maux et de crimes. – L’avenir nous appartient. Adieu, Monsieur. Avec de l’énergie et de la persévérance nous triompherons. – Jules Forfelier, secrétaire du Comité Central. »

7 juin, L’académie ébroïcienne[130] quitte son ancien lieu.

          Le 21 juin 1833, Mr Guilmeth recevait de Mr D’Avannes, secrétaire de l’Académie ébroïcienne, un billet (coté sous le n° XXVIII), où il est beaucoup question d’une feuille politique que Mr Guilmeth voulait créer à Evreux, de concert avec quelques puissants légitimistes, il y est également question d’une pièce de vers de Mr Guilmeth intitulée : Le Bouleau de la Montagne, ainsi que de sa curieuse notice sur la célèbre inscription énigmatique de Bologne Aelia Lælia Crispis[131], qui, en effet, parut quelques jours plus après dans le Recueil des travaux de ladite académie.

Zone de Texte: A reporter plus bas 21 juin          Le 14 mai 1833, lettre à Mr D’Avannes, président de l’Ancienne Société d’Agriculture de l’Eure à Mr A. Guilmeth (cotée sous le n° XXIX). Dans cette lettre Mr D’Avannes parle de diplômes accordés par la Société à diverses personnes qui lui ont été présentées par M. Guilmeth (notamment Mr Tragin, Jacques, de St Pierre de Salerne). Mr D’Avannes annonce la prochaine apparition du 2e numéro du Bulletin de l’année 1833, dans lequel se trouve la notice de Mr Guilmeth sur Alexandre de Bernay et les Vers Alexandrins. Mr le président invite Mr Guilmeth, dans

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le cas où celui-ci aurait à lui proposer de nouveaux membres, à bien vouloir les présenter pour le 20 du même mois de mai. Enfin, le principal but de la lettre se développe dans les phrases suivantes : – « Vous trouverez, dit Mr D’Avannes, à la feuille 2e, déjà tirée, un article sur les Droits d’usage. J’en donnerai la suite dans le n° 3e. Celui qui est imprimé me conduit à l’examen de l’origine de ces droits dans l’ancien comté d’Evreux, ce qui me ferait désirer de commencer mon troisième article par une narration succincte de la transmission de ce comté sous les ducs de Normandie et dans la maison de France jusqu’à l’échange qui en a été faite sous Louis XIV. – Cela demanderait des recherches que mes occupations ne me permettent guère de faire, et qui, d’ailleurs, sont étrangères à mes études ordinaires. – J’ai pensé, Monsieur, que, vous étant livré à beaucoup de recherches sur nos antiquités, il serait possible que vous eussiez des notes sur cet objet. Je suis convaincu qu’en bon collègue, vous voudrez bien m’en aider et que, dans tous les cas, vous seriez assez bon pour me tracer des espèces de jalons sur la route que j’ai à parcourir. – Je tiendrais surtout à avoir un tableau chronologique contenant les noms successifs des anciens possesseurs du comté d’Evreux, avec les dates exactes et les sources où l’on peut puiser ces renseignemens. – Je pense qu’on peut se les procurer dans les différens historiens du comté d’Evreux, mais ces recherches donnent un travail beaucoup plus long à ceux qui n’en ont pas l’habitude ; et, d’ailleurs, vos connaissances spéciales me sont une garantie qu’il serait beaucoup mieux fait par vous que par moi. C’est pourquoi, j’aime à croire que vous excuserez l’importunité de ma demande, qui me procure au surplus une nouvelle occasion de vous réitérez, Monsieur et cher collègue, l’expression sincère de mes sentimens les plus distingués. D’Avannes. »

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Le 23 mai  1833, nouvelle lettre de Mr le président de l’ancienne société de l’Eure à Mr A. Guilmeth (cotée sous le N° XXXe). Par cette lettre Mr D’Avannes annonce à Mr Guilmeth qu’il lui envoie les diplômes par lui demandés pour MM. de Chamoy et de St Alban[132] ; qu’il mettra sous les yeux de la Société, à la première séance, une lettre à elle adressée par Mr Guilmeth au sujet des tracasseries suscitées par la Société Préfectoriale, soit disant libre (sur la qualification d’ancienne société, sur les réunions, jetons[133], diplômes, etc.), lettre dont toutes les réflexions, dit Mr D’Avannes, sont fort judicieuses. Mr D’Avannes fait ensuite à Mr Guilmeth des confidences fort curieuses sur l’organisation de la Société Libre de l’Eure, qui, exceptés MM. Passy et Le Prévost, ne comptait alors (grâce un peu à Mr Guilmeth), aucune supériorité intellectuelle ou sociale. Les services rendus à l’ancienne société par Mr Guilmeth furent énormes. Mr D’Avannes ajoute dans sa lettre : « Je suis fâché que vous ayez envoyé quelque chose à la Société Libre ; elle devra se trouver bien honorée d’une pareille condescendance, car elle compte peu d’hommes aussi instruits que vous, et je conçois parfaitement le motif des instances qu’elle fait pour vous attirer à elle… Nous avons zèle et courage, et, au point où en est arrivée notre Société (212 membres), il est difficile de la faire périr… » La jalousie qui existait entre les deux sociétés[134], et surtout les instances de Mr D’Avannes furent cause que Mr Guilmeth renonça à se faire présenter à la société libre ainsi que Mr H. Delarue l’en avait prié.

          Nous avons vu plus haut que, dès le mois d’octobre 1830, Mr Guilmeth avait réclamé de Mr A. Le Prévost des notes et des objets antiques qu’il avait confiés à celui-ci et que Mr Le Prévost avait toujours tardé à lui restituer. Au mois de juin, 1833, ces objets n’étaient pas encore rendus à leur propriétaire. Une indiscrétion, ou plutôt un abominable abus d’un puéril jeu de mots, commis par Mr Le Prévost chez Mr de Collombel, maire à Caumont près la Bouille, amena entre lui et Mr Guilmeth une rupture définitive et terrible[135]. Voici la lettre que lui adressait Mr Le Prévost sous la date du 14 juin 1833 (cotée sous le n° XXXIe). – « J’ai reçu hier, 13 juin, une lettre par laquelle Mr A. Guilmeth me demande des objets qu’il avait déposés chez moi il y a plusieurs années. Ils lui ont été expédiés aujourd’hui à Brionne. Il n’est pas venu à ma connaissance qu’il les ait réclamés plutôt (sic)[136] ; je les lui aurais

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renvoyés avec le même empressement, et c’est uniquement par oubli que ne l’ai pas fait de mon propre mouvement (quelle bonne foi ! voir les lettres précédentes de Mr A. Le Prévost). – La mémoire de Monsieur Guilmeth l’a trompé, quand il a fait figurer dans cette liste une hachette gauloise en cuivre ; je puis affirmer qu’il ne m’a remis aucun objet de ce genre (que cependant Mr A. Guilmeth est bien sûr d’avoir remis en 1830 aux mains de Mr A. Le Prévost lui-même, alors domicilié à Rouen, rue de Buffon n°24). – Dans une lettre précédente, trop injurieuse pour que j’ai pu y répondre, Mr Guilmeth se plaint de propos que j’aurais tenu sur son compte à Mr le curé de Foulbec (l’abbé ..,…….). Je n’ai tenu aucuns propos à Mr le curé de Foulbec. Je me suis contenté de lui dire que Mr Guilmeth n’était pas mon neveu, et j’en avais le droit d’après ce qui s’était passé à Caumont chez Mr de Collombel. Du reste, je ne dis d’injures de personne ni à personne. Je ne me mêle point des affaires de Mr Guilmeth, et je le prie de me laisser faire les miennes (tripoter et manœuvrer la matière électorale dans les cantons de Bernay, de Thiberville, etc., à tel point qu’il avait sollicité et obtenu l’éloignement de la sous-préfectorale de Bernay de son très cher et très digne ami le sieur Louis Du Bois[137]). signé : A. Le Prévost. – Rouen le 14 juin 1833. » D’après cette lettre, il est clair comme le jour que Mr Guilmeth avait dû se présenter chez Mr de Collombel en qualité de neveu de Mr A. Le Prévost. Or, rien n’était plus faux ni plus absurde qu’une telle accusation. Mr Guilmeth ayant voulu des explications, on crut lui échapper en se renfermant dans le silence. Mais Mr Guilmeth n’était pas homme à reculer, et il en résulta pour Mr Le Prévost et pour Mr Canel, son factotum, un imbroglio qui n’est rien moins qu’honorable pour ces deux personnages. Mr Guilmeth publia un résumé complet de cette affaire dans la préface de son Histoire de la Ville de Brionne, et assurément ce fut la plus terrible vengeance qu’il pût tirer d’adversaires aussi déloyaux.

          A cette époque, Mr A. Guilmeth se disposait à publier sous le titre de : La légitimité et l’usurpation (Histoire de Normandie de 1124), le roman historique qu’il ne publia que deux années après

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sous le titre de : Le Duc-Roi ou les insurgés Brionnais, histoire normande de 1124. La Gazette de Normandie, dans les numéros des 18 et 20 juin 1833 annonça à deux reprises cet ouvrage, ainsi qu’un autre du même écrivain, qui devait se trouver dans le même volume. Nous voulons parler de la Fille de l’Imprimeur, chronique d’une Parisienne de 1475. Ce dernier ouvrage, que Mr A. Guilmeth métamorphosa depuis en un drame historique qui fut reçu presque simultanément aux théâtres du Gymnase, de la Gaieté et des Variétés à Paris, n’a jamais vu le jour ni sur ces théâtres ni dans la librairie, grâce à certaines influences sacerdotales fort puissantes qui effrayèrent Mr A. Guilmeth. Cette publication de la Fille de l’Imprimeur a donc été ajournée indéfiniment (voir les nos de la Gazette de Normandie cotés XXXIIe et XXXIIIe).

          Le 21 juin 1833, Mr A. Guilmeth recevait de Mr D’Avannes secrétaire de l’Académie Ebroïcienne, un billet (coté par erreur sous le n° XXVIIIe – voir ci-dessus folio 104).

          Le 22 juin, Mr Edmond Marc[138], chargé par intérim des fonctions de secrétaire perpétuel de l’Ancienne Société d’Agriculture écrit à Mr Guilmeth (lettre cotée sous le n° XXXIVe) pour lui annoncer la publication dans le n° 3 du Bulletin de sa curieuse notice sur Aelia Lælia Crispis, à moins que Mr Guilmeth ne préfère y voir insérer son Examen critique du Mémoire de Mr A. Le Prévost sur quelques monuments du Département de l’Eure et particulièrement de l’arrondist. de Bernay, ou encore à moins qu’il n’aime mieux envoyer à la société son savant Mémoire sur Breviodurum.

          Le 30 juin 1833, Mr le président D’Avannes adresse à Mr A. Guilmeth une lettre fort importante (cotée sous le N° XXXVe). On y remarque les passages suivants : -«  Je suis bien aise que le paquet vous soit parvenu exactement. Quant aux exemplaires que vous avez trouvés en sus, ils vous sont adressés gratis et le prix n’en sera aucunement réclamé, à moins que vous n’en disposiez en faveur de quelqu’un, dont vous feriez un nouveau membre, auquel cas nous nous dispenserions de lui en expédier d’ici. Nous avons l’habitude d’envoyer quelques exemplaires aux personnes qui montrent du zèle pour la Société, afin qu’ils (lisez qu’elles) en disposent comme ils (lisez elles) aviseront bien.

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Nul assurément, plus que vous, Monsieur, ne méritait cette espèce de faveur… » Suivent plusieurs détails d’administration et de questions financières et autres, auxquelles Mr A. Guilmeth était scrupuleusement initié chaque jour. Mr D’Avannes déclare ne pas accepter son idée de métamorphoser les pièces de 6 francs : prix actuel du Bulletin, en pièces de 15 francs, prix ordinaire de ces sortes de revues. Mr D’Avannes poursuit : « Je vois avec plaisir que vous consentez à nous laisser votre Critique (du Mémoire de Mr A. Le Prévost sur quelques monumens du Départ. de l’Eure) ; le comité de rédaction s’en est occupé hier ; elle a même été l’objet d’un rapport écrit, qui vous a été extrêmement favorable ; elle est admise à l’impression ; il y a peu de corrections, mais quelques suppressions, principalement dans le commencement afin d’entrer plus promptement en matière et de ne laisser aucune prise à la critique. Le rapporteur a pensé que cet ouvrage, remarquable par une vaste érudition et une connaissance approfondie de l’histoire de notre province, offre le plus grand intérêt et ouvre dignement cette carrière de controverse d’où peut seule jaillir la lumière (extrait textuellement du rapport). Vous voyez, Monsieur, que l’on sait apprécier votre travail. – Je verrais avec peine, dans votre intérêt comme dans le nôtre, que votre Mémoire sur Breviodurum parut dans un autre recueil que celui de l’Académie Ebroïcienne, qui, comme je vous l’ai déjà dit, peut seule lui assurer une grande publicité dans le département… – J’aurais désiré que vous eussiez pu nous livrer ce mémoire dans les premiers jours de septembre ; alors nous aurions pris nos mesures pour faire paraître un bulletin de plus en 1833, c’est-à-dire que le numéro 3 paraitrait à la fin d’août, et le numéro 4 un mois ou six semaines après. Le numéro 3 contiendrait l’Examen critique et Aelia Lælia Crispis, et le numéro 4 Breviodurum et le Bouleau. La Société prendrait à son compte sur les deux bulletins vingt pages, et vous payeriez le surplus à raison de 2 francs

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la page quelqu’en fût le nombre, addition faite de toutes vos productions dans les numéros 3 et 4 du Bulletin…. Je suis chargé de vous faire cette proposition de la part du comité de rédaction ; vous jugerez de l’importance que nous mettons à vos productions par les détails dans lesquels je crois devoir entrer. Il faut que ceux qui, comme vous, ont de la fortune, contribuent de toutes les manières à nos succès vraiment inespérés. Quand on connaît les obstacles que nous avons eu et qui nous restent encore à vaincre, je vous assure, Monsieur, que ceux qui se cachent dans leurs terriers et se bornent, comme vous le dites fort bien, à murmurer tout bas, ne sont pas tout-à-fait sans raison, car l’on n’a pas toujours l’avantage d’avoir affaire à des hommes comme vous, animés de sentimens nobles et généreux. – Quand je disais que vous quittiez le vrai Dieu pour Baal[139], j’attaquais moins, Monsieur et collègue, vos dispositions politiques que vos dispositions littéraires ; ou plutôt, je vois que vous êtes dupe vous-même de l’hypocrisie de certains hommes de la Société Libre. Eh ! quoi, vous en êtes encore à croire que c’est une société littéraire ?… Eh ! non, monsieur, c’est un club politique, dont la littérature n’est que l’accessoire. S’il en était différemment, Mr Bordeaux et moi, qui avons suivi presque toutes les séances pendant les deux premières années de la révolution, eussions nous fait une scission, devenue indispensable par les principes politiques qu’on y professait et les hommes qu’on y introduisait ?… »

          Nous devons faire ici une remarque fort importante au sujet de l’Examen critique[140] dont il est parlé dans les deux lettres précédentes. Cet examen, quoiqu’en ait bien voulu dire le sieur Canel dans sa Revue trimestrielle historique de la Normandie[141] ne fut de la part de Mr A. Guilmeth ni un acte de haine ni un acte d’envie ou de jalousie contre Mr A. Le Prévost. La correspondance de ce dernier, notamment les deux lettres des 4 septembre et 6 octobre 1830, prouve que c’est avec l’assentiment, nous disons même à la prière de M. A. Le Prévost (voir folio 52) que cet examen critique avait

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été entrepris par Mr A. Guilmeth[142]. Si Mr Guilmeth publia cette brochure, ce fut pour trois raisons, fort graves à son point de vue de littérateur antiquaire et nullement pour injurier Mr A. Le Prévost, sur le compte duquel, au contraire, il s’est toujours exprimé de la manière la plus convenable. Ces trois raisons, les voici. La première, c’est que Mr A. Guilmeth, ne voulant rien s’approprier de ce qui appartient à M. Le Prévost, a pris l’habitude, dans tous ses écrits, de citer le nom de son savant compatriote chaque fois qu’il lui emprunte un mot ou un fait. De là, quelques personnes avaient conclu, sans plus ample information, que Mr A. Le Prévost était le collaborateur de Mr A. Guilmeth, et qu’il aidait continuellement celui-ci de ses recherches, ou de ses conseils, tandis que la vérité est que jamais, au grand jamais, Mr A. Le Prévost n’a fourni à Mr Guilmeth une seule note ou document manuscrit. Mr Guilmeth met au défi Mr A. Le Prévost de lui prouver qu’il lui ait jamais fourni un seul mot pour l’aider ou l’éclairer dans ses recherches, tandis que M. A. Guilmeth peut à l’instant, par la correspondance de Mr Le Prévost, prouver de suite que c’est lui au contraire qui l’a constamment aidé pendant plusieurs années de ses recherches, notes, objets antiques, etc., etc. La correspondance de Mr A. Le Prévost ne laisse aucun doute à cet égard. Or, Mr Le Prévost et Mr Guilmeth s’étant trouvés irrités l’un contre l’autre, par un tiers personnage (qui comme on le verra par la suite joue dans toute cette affaire le plus odieux et le plus pitoyable des rôles)[143], il en résulta que Mr A. Le Prévost, qui d’abord, si l’on en croit le témoignage de Mr Marie, avocat à Brionne, s’était vanté d’avoir laissé Mr Guilmeth, prendre dans sa bibliothèque et ses propres manuscrits tous les renseignements dont il avait fait depuis usage, accusation ridicule et doublement mensongère, il en résulta, disons-nous, que Mr A. Le Prévost, ainsi considéré comme le collaborateur de Mr

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Guilmeth, se vit tout à coup adresser des réclamations au sujet des retards apportés si habilement et si perfidement par Mr Brière et son correspondant Canel dans la publication des Chroniques de l’Eure[144]. Grande fut la colère de Mr A. Le Prévost, d’autant plus grande que, ses mensonges auprès de l’avocat Marie, il se trouvait pris pour ainsi dire dans ses propres filets. Pour se déprendre, Mr A. Le Prévost crut pouvoir mieux faire que de dénoncer Mr A. Guilmeth à tous les parquets du départemt. de l’Eure, basant principalement son accusation sur une phrase amphibologique[145] d’un prospectus in 4° et aussi sur ce que Mr A. Guilmeth avait, dès 1831, publié dans le même format in 4° une Notice sur le Château de Brionne, notice qu’il n’avait signée de son prénom Auguste, accompagné de trois étoiles, manière fort adroite, ajoute Mr A. Le Prévost, de m’attribuer ses publications, etc, etc. Ajoutons, en parlant de cette Notice sur le Château de Brionne, que, quelques mois auparavant, dans le Recueil de la Société Libre de l’Eure, tome IIIe, page 57, Mr de Stabenrath[146], l’un des séïdes de Mr Le Prévost, avait dans un rapport fait par lui à cette société, publié l’insolente remarque que voici : « nous regrettons que l’auteur d’une Notice sur le Château de Brionne, n’ait pas lu la partie de l’ouvrage de votre savant confrère (le fameux Mémoire de Mr A. Le Prévost) qui a rapport à cette ville ; il y aurait puisé des renseignements précieux, et son opuscule, intéressant surtout pour ses compatriotes, serait sorti plus parfait des presses de l’éditeur » Que devait faire Mr Guilmeth ?.. Prouvez tout à la fois à Mr Marie qu’il était faux que Mr Le Prévost lui eut jamais fourni de notes, à Mr de Stabenrath et à la Société Libre de l’Eure que Mr A. Le Prévost était loin d’être aussi savant qu’ils le croyaient

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ou feignaient de le croire, enfin à la justice et au public que Mr Le Prévost n’avait jamais été et n’avait jamais pu être représenté par Mr Guilmeth comme le collaborateur de celui-ci. Or, pour obtenir ce triple et prompt résultat, qu’y avait-il à faire ? Trois choses encore : Publier l’Examen critique du mémoire de Mr A. Le Prévost ; publier la correspondance de Mr A. Le Prévost avec Mr Guilmeth (en y ajoutant au besoin celle de Mr Le Prévost avec Mr l’abbé Delarue, de Caen), et enfin appeler en justice le curé de Foulbec et Mr A. Canel en poursuivant l’affaire de Mr de Colombel. Mr Guilmeth commença par le premier de ses moyens. La publication de l’Examem critique fut un coup de foudre pour Mr A. Le Prévost et sa coterie. Le Chef se cacha de douleur ; les adeptes frémirent de rage, et l’on peut voir par les articles de Mr Canel, soit à la suite de chacun des deux volumes de son Essai sur Pont-Audemer, soit dans les divers numéros de sa prétendue Revue historique de la Normandie, jusqu’où alla leur délire !!!…

Cependant, M. Guilmeth était décidé à poursuivre par toutes les voies possibles l’accusation calomnieuse portée contre lui par Mr de Colombel. Déjà il avait écrit à ce monsieur à deux reprises différentes, lorsqu’il reçut de Mme de Colombel la lettre suivante (cotée sous le n° XXXVIe) « Caumont, samedi 6 juillet 1833. – «  Je réponds de suite à la réception de votre seconde lettre, Monsieur, qui m’a été remise hier, et c’est moi qui suis cause si vous n’avez pas eu de réponse de M. de Colombel. Je n’y avois point trouvé une urgence telle que je dûsse la lui envoyer. Il est absent depuis deux mois, à cinquante lieues d’ici, devant revenir bientôt à ce qu’il sembloit, tandis que j’ignore encore s’il reviendra même ce mois-ci…. Au reste, Monsieur, je puis, aussi bien que lui-même, vous attester qu’il n’a rien dit ni rien fait à votre égard qui puisse vous porter à vous

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exprimer comme vous le faites dans vos lettres. S’il avoit l’avantage d’être plus connu de vous, monsieur, vous sauriez qu’il n’entre point dans son caractère d’être médisant, encore moins calomniateur. Il ne seroit pas moins étonné que moi de vos plaintes, injustes à son égard. Avant le jour où il vous a convenu de passer par la Ronce, nous ignorions jusqu’à votre nom, encore moins quels étaient vos rapport avec M. Le Prévost. Nous avons cru entendre ou comprendre que vous étiez son neveu. A vous la première faute, si c’en est une, et je suis portée à croire que vous vous exagérez ce qu’a pu dire ce monsieur sur cette erreur dont il vous plaît nous faire un grief…. Vous êtes jeune, Monsieur, moi je ne le suis pas ; mon âge et mon sexe me donnent le droit de vous représenter qu’il faut réfléchir avant d’agir, être bien sûr avant d’accuser personne, et que si, dans la vie, on rencontroit souvent des imaginations aussi vives que la vôtre, la société auroit de grands désagréments, etc… » Mr Guilmeth, à la vue d’une pareille missive, put croire un instant que Mr A. Le Prévost et Mr Canel étaient deux infâmes imposteurs qui avaient accusé à tort Mr de Colombel. Cependant, il persista à vouloir approfondir ce mystère. Il répondit à Mme de Colombel que toutes les réflexions contenues dans cette lettre du 6 juillet étaient fort justes, fort raisonnables, mais que c’était à son mari et non à la victime de ses étranges calomnies qu’elle devait les adresser. La lettre de Mme de Colombel était une espèce de narcotique, bon à endormir la douleur chez une personne moins vive que M. Guilmeth, mais celui-ci déclara que, quelque fût l’efficacité de ce baume, il ne cicatriserait jamais une plaie qui le brûlait et le

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devorait comme un fer rouge, attendu que, jamais, on ne pourrait lui faire comprendre comment lui Guilmeth, avait pu se donner auprès de Mr de Colombel comme le neveu et le représentant de Mr Auguste Le Prévost, qui, durant tant d’années, s’était joué de sa jeunesse et de son existence ; qui, depuis lors, lui avait barré toutes les carrières, dont chaque parole était une accusation ou un outrage ; qui, il n’y avait que quelques jours encore, cherchait à le perdre dans la société et auprès de la justice ; contre lequel, enfin, M. Guilmeth lui-même nourrissait une implacable haine, et venait de lui décocher les premières flèches qui devaient faire à son amour propre d’écrivain et à sa vanité d’antiquaire de si cruelles blessures !!!….

Le 16 juillet 1833, lettre de Mr Mathieu de Saint-Alban datée du Château de Berville-sur-Mer (cotée n°XXXVIIe) pour remercier Mr A. Guilmeth de l’avoir fait admettre dans l’académie Ebroïcienne en qualité de membre correspondant. « Je suis d’autant plus flatté de cette honorable distinction, dit Mr Mathieu de Saint-Alban, qu’elle m’est accordée sous vos auspices ; je désire bien vivement que mes nombreux travaux agricoles, et les plantations en grand que j’ai entreprises depuis trois ans, me mettent à même de fournir mon contingent au bulletin trimestriel de l’académie… »

Le 6 août 1833, M. L. de Malortie-Campigny[147], ancien magistrat et agent fort actif du parti légitimiste (voir la liste des pétitions en faveur de la duchesse de Berry[148]) adressait à Mr A. Guilmeth la lettre suivante (cotée N° XXXVIIIe). – « Pont Audemer le 6 août 1833. – Monsieur, permettez moi de m’adresser à vous pour obtenir des renseignemens qui me sont demandés par un personnage politique (Mr Berryer fils)[149], cher aux amis de la Légitimité. – A Brionne, 147 électeurs se sont abstenus aux dernières élections ; – quelle est l’opinion politique qui domine parmi les électeurs qui se sont abstenus ? Que pourrait-on espérer dans le cas où tous les électeurs se présenteraient ? – Comment

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évaluez vous, dans la totalité du collège, les forces respectives des trois partis, légitimiste, juste milieu, mouvement[150] ? – Les légitimistes sont-ils décidés à aller aux élections ? Pourrait-on, en tous cas, les y déterminer ? Seraient-ils résolus à voter exclusivement pour un candidat qui s’avouerait hautement légitimiste ? – Dans le cas où la majorité des suffrages se partagerait entre un candidat du juste milieu et un candidat du mouvement, pour lequel de ces deux candidats les légitimistes seraient-ils plus naturellement disposés à voter ? – Enfin, croyez-vous que les légitimistes aient déjà jeté leur vue sur un candidat du pays, ou seraient-ils disposés à admettre un candidat étranger au département ? – Recevez, etc. – P.S. Je vous prie bien instamment, Monsieur, de me donner le plus promptement possible une réponse aux questions qui précèdent sur ce qui concerne le collège électoral de Brionne. »[151].

Le 15 août 1833, Mr Guilmeth reçoit de Paris une circulaire signée de MM. Le marquis de Latour-Maubourg, duc de Fitz-James, Amédée Jauge, Pardessus et Châteaubriand[152] (cotée sous le N° XXXIXe). Cette circulaire, chef-d’œuvre d’habileté et d’élégance, avait pour but d’ouvrir en faveur de Mr Berryer, le grand orateur légitimiste, une souscription fixée individuellement à cent francs[153]. Le 2 octobre suivant, MM. Dulac, ancien maire de Bernay, Capelle et D. de Ste Opportune[154], formant la commission chargée pour l’arrondissement de Bernay, de transmettre aux partisans de la légitimité la circulaire sus-mentionnée, adressèrent à leur tour à Mr A. Guilmeth une circulaire où il était dit : « Autant le parti libéral a montré de zèle, de dévouement sans bornes et de cette opiniâtreté qui surmonte tout, pendant les quinze années de la Restauration, autant, il faut le dire et en rougir, nous avons, à l’occasion, laissé voir de défaut de zèle, d’union et de générosité. Et nous osons nous dire entièrement dévoués à la plus juste des causes !… Mais, à part beaucoup de paroles perdues dans le vide, où sont nos preuves ?… Les

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 persécutions de tous genres, auxquelles la presse légitimiste a été en butte, n’ont-elles pas prouvé mille fois depuis trois ans que l’on ne sait, parmi nous, sacrifier qu’à ses plaisirs, et que notre dévouement ne va pas jusqu’à la bourse. » Cette fois ci encore, les efforts de Mr. Guilmeth furent complètement paralysés faute d’instructions nécessaires. On avait fixé à cent francs chaque souscription individuelle, mais Mr. Guilmeth n’avait à s’adresser qu’à des gentilshommes de campagne, ruinés pour la plupart soit par la révolution de 1789 soit par celle de 1830. Les curés et desservants de village sont trop pauvres pour pouvoir verser chacun des sommes de cent francs. Toutes les tentatives furent inutiles. Si, au contraire, en imitant le parti libéral, dont les membres de la commission vantaient l’habileté d’action, on se fût borné à recevoir tout ce qui aurait pu être recueilli, sans déterminer de chiffre fixe, alors on eût infailliblement recueilli des sommes importantes. Mr. Guilmeth fit part de ses idées à MM. Capelle et d’Avannes, mais il ne reçut d’eux aucune instruction positive, et l’affaire en resta là.

          Le même jour 15 août 1833, M. A. de Caumont, Secrétaire de la Société des Antiquaires de Normandie, adressait à Mr. A. Guilmeth la lettre suivante (cotée sous le N° XLIe). – « Société des Antiquaires de Normandie – Secrétariat. – Caen 15 août 1833. – Monsieur, ce n’est qu’aujourd’hui, à mon retour d’une tournée archéologique, que j’ai pris connaissance de la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire et par laquelle vous m’annoncez l’envoi de votre intéressant Mémoires sur Alexandre de Bernay et les vers Alexandrins (publié dans le Recueil de l’Académie Ebroïcienne). – La Société des Antiquaires est entrée en vacance au mois de juillet et ne recommencera ses travaux qu’en novembre. Je ne peux vous donner aucune solution pour le moment, relativement à la publication des planches qui seraient jointes à votre Mémoire sur Breviodurum (mémoire que l’Académie Ebroïcienne demandait à cor et à cris, mais que Mr Guilmeth, tant à cause des convenances qu’à cause des conditions que lui faisait ladite académie pour la publication ou l’impression de ce mémoire, préférait de beaucoup donner à la Société des Antiquaires). Seulement, je ne crois pas que l’on

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puisse procéder d’ici à quelque temps à la publication des mémoires qui seront envoyés, attendu que Mr. Léchaudé a présenté il y a deux ans un grand travail sur les sceaux du moyen-âge, lequel formera 2 volumes et coûtera d’impression plus de 4.000 francs à la Compagnie[155]. Le 6e volume est terminé et va paraître, mais je ne puis dire quand on commencera l’impression du 9e, les 7e et 8e étant entièrement remplis par le travail de Mr. Lechaudé. – Nous n’avons pas fait de nomination depuis quelques mois à la Société des Antiquaires. Mr. Lair[156], qui avait parlé à la Société de votre candidature, en présentant la première partie de votre ouvrage (Chroniques de l’Eure), ne vous a peut-être pas parlé de la sévérité de notre règlement, qui exige les quatre cinquièmes des voix pour l’admission. Comme il arrive souvent que trois boules noires, quand nous sommes moins de quinze, suffisent pour faire refuser des candidats qui ont, comme vous, les droits les mieux acquis à être nommés, je crois devoir, avant tout, vous prévenir des dispositions de nos statuts et vous avertir que, au mois de mars dernier, on a refusé deux candidats que j’avais proposés et que je désirais beaucoup voir agréés par l’assemblée. Je ne suis pas sûr d’être plus heureux pour vous, et je ne voudrais rien tenter avant d’avoir reçu de vous de nouvelles instructions. – J’ai l’honneur d’être, avec une considération distinguée, Monsieur, votre très humble serviteur, A. de Caumont. » Mr. Guilmeth répondit à Mr de Caumont que, pour avoir un prix quelconque à ses yeux, tout titre, académique ou autre, devait lui être offert et non sollicité par lui ; que, en conséquence, il remerciait Mr. Lair et Mr de Caumont de leur peine et de leur bonne volonté, mais qu’il les priait de ne faire aucune démarche en sa faveur, attendu qu’il suffisait que MM. Le Prévost et Canel fissent partie de la Société des Antiquaires, pour que lui, Guilmeth,

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refusa à l’instant d’y être admis, ce qu’il avait déjà fait d’ailleurs pour la Société Libre d’Evreux, et ce qu’il fit encore depuis pour plusieurs autres sociétés savantes.

          Enfin, sous cette même date encore du 15 août 1833, Mr de Colombel, maire de Caumont, adressait à Mr A. Guilmeth la lettre suivante, publiée depuis dans la préface de son Histoire de Brionne (et cotée sous le n°XLIIe), lettre qui dévoile enfin le ténébreux mystère des accusations de MM. A. Le Prévost et Canel, en dévoilant en même temps toute la duplicité et la mauvaise foi de ces deux hommes. « La Ronce 15 août 1833 – Monsieur, A mon retour chez moi, après une absence assez longue, ma femme m’a remis plusieurs lettres de vous. Je m’empresse de répondre à la première, ainsi que je l’eusse fait de suite si j’eusse été chez moi à son arrivée. – Lorsque vous vous êtes présenté chez moi, j’ai cru entendre que vous étiez neveu de Mr. Leprovost (sic). Votre lettre me fait penser que j’ai dû confondre Mr Auguste Guilmet (sic), savant antiquaire écrivant l’histoire du pays, votre oncle, au nom duquel vous veniez demander des renseignements (voir, à ce sujet, les explications publiées dans la préface de l’Histoire de Brionne et la correspondance de MM. de St Laurent, de St Aubin, etc.) avec Mr Auguste LeProvost (sic) que je savais être un antiquaire s’occupant des mêmes recherches. Le nom de Mr Guilmet (sic) ne m’était pas connu… Je devais faire avec un de mes amis et mes enfants un voyage d’agrément. Je lui dis (à cet ami) qu’un jeune homme, dont je ne me rappelais pas le nom, mais que je croyais être neveu de Mr Leprovost (sic), m’avait parlé de fouilles et de découvertes faites à Brionne (fouilles faites par Mr. A. Guilmeth dans l’antique emplacement de Breviodurum) ; qu’il nous fallait passer par là pour les

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voir, (et) que vous m’en aviez parlé comme d’une chose intéressante. Sur cela, il me dit (cet ami) qu’il allait écrire à Mr. Leprovost (sic) pour lui demander des renseignements sur le gissement de ces découvertes et pour savoir ce qu’il y avait à voir. J’étais loin de m’attendre qu’il résulterait tant de propos d’une chose aussi simple. Votre lettre m’apprend comment j’ai été induit en erreur par la similitude des noms et des qualités ; mais je ne conçois pas comment des gens sages peuvent s’en vouloir pour si peu de chose. – Recevez, Monsieur, l’assurance de ma parfaite considération et tous mes regrets d’avoir été la cause involontaire des désagréments dont vous vous plaignez. – Votre serviteur, signé De Colombel. » On peut voir dans la préface de l’Histoire de Brionne la foudroyante réponse qui fut faite par Mr. Guilmeth à cette épître par trop naïve et par trop bonace de Mr le Maire de Caumont, réponse dont la publication fut pour MM. Le Prévost et Canel un deuxième coup de massue en attendant le coup de grâce, qui doit leur être porté plus tard.

          Le 23 septembre 1833, M. Ludovic de Malortie de Campigny, ancien magistrat et membre de l’Académie Ebroïcienne, adressait à Mr. A. Guilmeth la lettre suivante (cotée sous le N°XLIIIe), suite du n°XXXVIIIe. – Monsieur et Collègue, Si je n’ai pas répondu à la première lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire, c’est que j’étais absent quand elle est parvenue chez moi et que mon voyage s’est prolongé plus que je ne l’avais pensé en l’entreprenant. Je ne vous en remercie pas moins sincèrement des renseignements que vous avez bien voulu me transmettre, et dont j’ai fait l’usage convenable. Il n’y a rien à faire pour

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nous, quant à présent, à Brionne ; une protestation contre le monopole du serment[158] suffira. – Vous vous occupez d’un ouvrage sur la Normandie, ouvrage qui a été entrepris aussi par Mr. Canel. Si quelques renseignements sur ma famille vous étaient utiles ou agréables, je pourrais vous en fournir de plus exacts que ceux que Mr. Canel s’est plu à insérer dans sa compilation. Agréez, Monsieur et Collègue, l’assurance de ma considération très distinguée… »

          Le 26 septembre 1833, Mr A. Guilmeth avait adressé à Mr. Brière, imprimeur à Rouen, une lettre, vigoureusement écrite, au sujet de certains mensonges répandus par le dit Brière sur ses rapports financiers avec Mr Guilmeth. Le 28 septembre, Mr Brière adresse à Mr Guilmeth une lettre qui est un chef-d’œuvre de platitude et de lâcheté. Il faut voir de quelle ébouriffante manière, l’imprimeur-propriétaire du Journal de Rouen nie ces honteuses calomnies, que, plus de quinze ans plus tard, il répétait encore à qui voulait l’entendre, à Mr Prévost, substitut du procureur du roi à Rouen. Ecoutons. – « Rouen, le 28 septembre 1833. – Monsieur Guilmeth à Brionne. – Je reçois ce matin de vous, Monsieur, une lettre à laquelle j’aurais pu me dispenser de répondre, tant le style en est étrange, si je ne devais pas à moi-même le soin de prouver combien ma conduite est à l’abri d’aucun reproche. – Les propos qu’on a bien voulu, d’après vous, me faire tenir sur votre compte, sont trop niais pour que je cherche à vous en désabuser. Il me semble qu’avant de les accueillir comme vous le faites, vous auriez du songer que je suis incapable de tenir un pareil langage… C’est donc pure calomnie, ou plutôt un jeu de votre imagination. Je ne sais à quel propos vous venez me reparler d’un compte sur lequel nous sommes parfaitement d’accord. Oui, vous m’avez soldé les frais d’impression de la Première Livraison de l’Histoire de Pont-Audemer, puisque même mon mémoire balance pour 2 fr. 50 en votre faveur. Oui, j’ai consenti, pour

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vos anciennes Notices (dont la vente avait été perdue par la faute de Mr Brière, voir la correspondance de MM. Baudry et P. Rochette en 1830), à réduire mon mémoire de 350 francs à 250 fr, sur lesquels vous m’avez déjà compté deux cents francs. Qui est-ce qui vous a jamais dit que vous me deviez 150 francs ?… Vous ai-je jamais réclamé cette somme ?… Quand vous m’aurez payé les 50 francs, je vous livrerai tout ce qui vous appartient, ainsi que nous en sommes convenus, et Notices et Pont-Audemer, etc. Quant à vos billets, je n’ai jamais prétendu les garder ; ils sont là, à votre disposition, et vous devez trop connaître ma bonne foi pour penser sérieusement que je puisse faire de ces billets un usage quelconque… – Je ne sais ce que vous voulez dire des 50 exemplaires déposés chez les libraires. C’est vous-même, je crois (erreur reconnue depuis par Mr Brière), qui les leur avez fait apporter ; jamais je ne leur ai dit de ne pas vous tenir compte d’une valeur qui appartient à vous seul. Quand vous voudrez donc régler avec eux, vous n’aurez qu’à vous présenter chez chacun d’eux. – Vous le voyez, Monsieur, je n’ai aucun reproche à me faire, et, quand il vous plaira d’en finir totalement avec moi, vous n’aurez qu’à vous présenter à mon bureau… Là, je vous ferai délivrer sur le champ, moyennant les 50 francs que vous restez me devoir, tout ce qui vous appartient, tout ce que vous réclamez dans votre lettre. – J’ai l’honneur, Monsieur, de vous saluer, Th. D. Brière. » Ainsi, du propre aveu de Mr Brière, l’honorable imprimeur du Journal de Rouen déclarait et reconnaissait que le 28 septembre 1833 1° Mr Guil-

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meth ne lui redevait absolument rien pour l’impression de l’Histoire de Pont-Audemer, puisque, au contraire, c’était lui, sieur Brière, qui avait reçu en trop de Guilmeth une somme de 2 fr. 50ces ; 2° que, quant aux Notices, dont le dit sieur Brière avait compromis ou fait perdre la vente, ainsi que le prouvent sa correspondance, celle de Mr Fr. Baudry et celle de M. Rochette, le prix en avait été, à titre d’indemnité, réduit par Brière de 350 fr. à 250, sur lesquels Mr Guilmeth lui avait déjà versé une somme de 200 ; 3° que, finalement, au 28 septembre 1833, Mr Guilmeth ne redevait à Brière qu’une somme de 50 francs, en garantie de laquelle il retenait judaïquement entre ses mains 450 exemplaires de l’Histoire de Pont-Audemer, 500 exemplaires des Notices sur le dépt de l’Eure, 4 billets à ordre de 200 fr. chacun, et enfin divers objets tels que vignettes, armoiries, etc. ; et 4°, enfin que, Mr. Guilmeth ne refusant et n’ayant pu refuser de solder à Mr Brière cette malheureuse somme de 50 francs, pour laquelle on lui retenait tant d’objets importants, il en résulte que toute la question roulait sur le règlement de compte des 50 exempl. de Pont-Audemer, déposés chez les libraires par Mr Brière, en son nom et pour son profit personnel, dépôt que ledit Brière nie bien dans sa lettre, quoique d’une manière dubitative, mais qu’il fut définitivement forcé de reconnaître, lorsque tous les libraires de Rouen auront exigé de lui une autorisation écrite pour régler avec Mr Guilmeth, autorisation qui se retrouve dans le dossier intitulé Brière et Journal de Rouen (cotée avec la précédente lettre, sous les n°s XLIVe et XLVe, etc.).

          Le 30 septembre 1833, le poète Edouard d’Anglemont[159] adresse à Mr. Auguste Guilmeth la lettre suivante, datée de Pont-Audemer (et cotée sous le n°XLVIe). – « Monsieur, – Je viens de lire la Première Livraison de votre intéressante Histoire de Pont-

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Audemer. Je vous remercie de l’article biographique qui me concerne, mais permettez-moi de vous prier de bien vouloir rectifier dans une autre livraison, les erreurs dans lesquelles vous avez été induit à mon égard. Je n’ai que trente cinq ans et non quarante-huit, et voici la liste exacte de ce que j’ai publié (suit la nomenclature de ses ouvrages, odes, comédies, poèmes, opéra, légendes, drame et histoire-drame, formant en tout 8 volumes)… Dès que je serai de retour (à Paris), ce qui aura lieu, je pense, vers le 15 octobre, j’aurai l’honneur de vous adresser un exemplaire de mes dernières Légendes (1 vol. in-8°, 1833) ; vous serait-il possible de disposer en ma faveur d’un exemplaire de votre ouvrage ?… »

          Le 30 octobre 1833, facture délivrée à Mr. A. Guilmeth par le sieur D. Perruche, imprimeur-lithographe à Rouen, portant réception d’une somme de 80 fr. et d’une autre somme de 20 fr. à compte sur un total de 150 fr. prix convenu pour un tirage de 4 dessins à 500 exempl. chacun, le tout livrable pour le 20 novembre suivant (observations à faire sur les résultats de cette facture !). – Cotée sous le n°XLVIIe.

          Le 3 novembre 1833, lettre adressée à Mr. A. Guilmeth (et cotée sous le n°XLVIIIe) par Mr de St Laurent[160], ancien chef d’escadron, fourrier des logis du Roi, pour le remercier de lui avoir fait obtenir le diplôme de membre correspondant de l’Académie Ebroïcienne. Dans cette lettre, il est question de la réception faite par MM. de St Laurent du Boschamel au parent de Mr Guilmeth, que nous voudrions, ajoutent ces messieurs, avoir été à même d’assister plus utilement dans ses savantes et curieuses recherches, et que nous invitons à séjourner plus longuement si une nouvelle excursion nous procure encore l’honneur de le recevoir (voir, pour la qualification de parent de Mr Guilmeth, le postscriptum de Canel, la lettre de Mr de Colombel, et surtout la préface de l’Histoire de Brionne).

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          Le 22 novembre 1833, Mr d’Avannes, président de l’Académie Ebroïcienne, adresse à Mr A. Guilmeth une lettre (cotée sous le n°XLIXe) par laquelle il lui annonce d’abord que sa Notice sur Aelia Lælia Crispis est imprimée dans le Bulletin, puis ensuite que le conseil d’administration a adopté la plupart des mesures proposées par Mr Guilmeth. « L’an prochain, dit Mr le président, nous étendrons nos publications ; le Bulletin paraîtra en 12 numéros, formant un volume d’environ 40 feuilles, dont le prix est porté à 10 francs. Vous voyez que nous faisons des tentatives pour approcher du but que vous nous avez indiqué. – Pourriez-vous me rendre le service de me transmettre quelques renseignements sur la Statistique de notre Département, que je sais que vous avez parcouru avec tant de zèle et de succès dans l’intérêt de la Science. J’en aurais besoin dans le plus bref délai, et je fais transcrire ci contre quelques notes indicatives des documents qui me seraient nécessaires. Vous m’obligerez infiniment de me répondre le plus tôt qu’il vous sera possible… » Suit une grande page de questions, divisées en treize séries : 1° quels ouvrages pourraient fournir des documens certains sur le dépt de l’Eure ? – 2° Division du Territoire, bornes, superficies ; – 3° Population par arrondissement ; – 4° Climat, vents dominants, température, variation dans les arrondissements ; – 5° Routes ; – 6° Description topographique, nature du sol, plaines, montagnes, rivières, forêts, etc. ; 7° Mœurs, usages, coutumes, costumes, variations d’un arrondiss. à l’autre ; 8° Productions du sol, produit moyen des grains, diverses espèces de céréales, chanvre, lin, plantes oléagineuses, sarrasin, garance, prairies naturelles, prairies

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artificielles, arbres à fruits, vignes ; – 9° Pêche ; – 10° Productions animales, chevaux, moutons, porcs, gros bétail ; 11° Productions minérales, minerai en fer, forges, carrières ; 12° Villes, comment bâties, en quels matériaux ? – 13° Industrie, matières premières, consommation, manufactures, usines, fabriques, exportations, importations, etc., etc., etc. On voit que la bienveillance avec laquelle Mr Guilmeth accordait ses notes encourageait facilement à lui adresser de nouvelles demandes, et même que, quand on se décidait à lui demander, on ne croyait jamais lui demander trop. On peut voir dans le Bulletin de 183…, n°[blanc]e, la Notice que publia Mr d’Avannes sur le Département de l’Eure.

1834 –          Le 25 janvier 1834, Mr D’Avannes, président de l’Académie Ebroïcienne, adresse de Caen à Mr Guilmeth une lettre (cotée sous le N° L°) dans laquelle il est fait mention d’une réclamation de Mr A. Guilmeth au sujet de quelques fautes d’impression fort grossières, qu’il a remarquées dans sa Notice sur Aelia Lælia Crispis. Mr D’Avannes parle ensuite de nombreuses améliorations indiquées par Mr Guilmeth et adoptée par l’Académie Ebroïcienne ; il s’agit de nouveaux diplômes remplaçant les diplômes anciens, qui n’étaient que provisoires ; de la sévérité à apporter désormais dans le choix des membres de l’académie ; des matières contenues dans les numéros 1 et 2 du Bulletin de 1834 ; de la suppression des nos de faveur, et de nombreux abonnemens que l’on peut se procurer en dehors des membres de la Société ; des opérations de scrutin, demandes de renseignemens, et autres préliminaires relatifs aux candidats présentés, etc., etc. Mr d’Avannes ajoute : « A la dernière réunion du Comité de rédaction, votre Notice sur Verneuil a été admise à l’impression ; je présume qu’elle paraitra dans le cahier numéro 3e… Le Cahier qui va être distribué (numéros 1 et 2) contient le Rapport de Mr Marc ; je crois que vous en serez satisfait pour votre part… »

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          Le mardi 28 janvier 1834, la Gazette de Normandie (cotée sous le N° LI°), publiant la liste des ouvrages entrés dans la bibliothèque publique de Rouen pendant l’année 1833, cite parmi les dons particuliers, les quatre ouvrages suivants de Mr. A. Guilmeth : 1° ses Notices historiques sur diverses localités des Arrondissements de Bernay et de Pont-Audemer (faisant suite à l’Histoire de la ville de Brionne, et contenant les communes d’Aclou, Appeville, Annebault, Beaumont-le Roger, Bernay, Boisney, Bosc-Robert, Bourg-Achard, Epaignes, Montfort sur Risle, etc.) ; 2° son Examen Critique du Mémoire de Mr. A. Le Prévost sur quelques monumens du départ. de l’Eure, 1ère partie ; 3° Notice sur Alexandre de Bernay et les Vers Alexandrins ; et 4° Notice sur Aelia Lælia Crispis ; le tout in-octavo.

1834                Le 8 mars 1834, diplôme de membre non-résidant de l’Académie Ebroïcienne accordé à Mr Guilmeth (Auguste) membre de plusieurs académies et sociétés savantes, littérateur à Brionne ; lequel diplôme inscrit sous le n° 110e et signé par MM. d’Avannes, président, Marc, secrétaire perpétuel, et Chanoine, trésorier – (coté sous le n° LIIe).

          Le 11 mai 1834, lettre de Mr le président d’Avannes (cotée sous le n°LIIIe) par laquelle il prie Mr Guilmeth : 1° de lui renvoyer courrier par courrier les épreuves de sa Notice sur Verneuil, dont le retard arrête tout le travail de l’imprimeur ; 2° de lui envoyer la réponse de Mme de Thévray[161], si elle a répondu (au sujet de lettres de Henri IV), ou de lui écrire de nouveau ; 3° de lui dire si on lui a envoyé, à lui Guilmeth, comme Mr d’Avannes l’avait recommandé, un exemplaire de sa Notice sur l’Eure (dont Mr. Guilmeth lui avait fourni les matériaux, voir 22 novembre 1833).

          Le 14 mai 1834, lettre adressée de Caen à Mr Guilmeth par Mr

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A. de Caumont, secrétaire de la Société Linnéenne et de la Société des Antiquaires de Normandie, correspondt. de l’Institut de France, portant ce qui suit : « Monsieur, en arrivant de Rouen, où j’ai passé quelques jours à mon retour de Paris, j’ai trouvé chez moi les différents ouvrages que vous avez bien voulu m’adresser pour la Société des Antiquaires de Normandie. Je vous remercie au nom de cette société, à laquelle je remettrai votre envoi dans la prochaine séance, qui aura lieu en juin, etc. = Cotée n° LIVe.=

          Le 9 juin 1834, lettre de Mr Jacques Tragin[162], correspondant de l’Académie Ebroïcienne, à son ami Mr. A. Guilmeth (cotée n°LVe). On y remarque le passage suivant : « Monsieur et ami, je reçois à l’instant votre lettre, dont le détail me fait le plus grand plaisir. Je reçois de même celle de M. P…[163] (imprimeur à Rouen), qui est bien glorieuse pour vous, d’autant plus qu’il semble reconnoître et avouer sa complicité avec Mr. Canelle (sic). Je m’empresse donc de vous la faire parvenir à Verneuil pour que vous en sachiez le contenu. Je vous engage beaucoup à mettre fin aux discussions désagréables que vous avez eues ensemble (avec Mr Canel) et à arranger cette affaire d’une manière honorable. Il me semble que des hommes de lettres ne doivent point se permettre d’invectives aussi graves. – Cependant, je crois devoir vous observer qu’il faut toujours avoir de la défiance, parce que ceux qui ont trompé une fois peuvent encore bien retomber dans la même faute. – Comme je vous adresse la lettre (dudit Sieur Per…), je n’en dirai pas davantage à cette occasion ; vous ferez ce que la sagesse et la prudence exigeront… etc. » La lettre de l’imprimeur P… avait pour but d’amener une transaction publique entre Mr. Guilmeth et l’avocat Canel. Mr

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Guilmeth consentit à tout ce qu’on voulut exiger de lui. Il fit toutes les premières avances, mais comme il s’agissait d’une explication franche et loyale, le Sieur Canel, dont toute la conduite depuis le commencement de l’affaire n’avait été qu’une suite de lâchetés et d’infamies, finit par repousser ce qu’il avait d’abord paru accepter avec joie ; sa conduite dans cette circonstance renferme une énigme, dont le mot se fera sans doute connaitre plus tard. Non content d’avoir été largement étrillé dans la préface de l’Histoire de Brionne, il continua pendant plusieurs années à injurier et invectiver la personne de Mr Guilmeth dans le 2e volume de son Essai sur l’Arrondissement de Pont-Audemer, ainsi que dans sa Revue trimestrielle ou historique ; Mr Guilmeth, fatigué de cette guerre de crocheteurs et de porte-faix, ne répondit plus à Mr Canel.

          Le 14 juin 1834, circulaire adressée par Mr A. Le Prévost aux électeurs de l’arrondissement de Bernay. Dans cette circulaire, le plat flagorneur de Bonaparte et du duc d’Angoulême[164], injurie d’abord le parti républicain, qui couvrait d’exécration la conduite de son père[165], lors de l’exécution de la loi du Maximum[166], qui lui avait servi à commettre tant d’exactions et de dilapidations et a même donné lieu à Bernay à une si curieuse légende populaire ; puis le parti légitimiste, qui l’accueillait lui-même avec dégoût en se rappelant ses platitudes à l’égard du duc d’Angoulême, ses obsessions auprès de Dupont de l’Eure et du comité libéral de Bernay, et enfin toutes ses roueries pour aller dans les chateaux mendier les voix des Royalistes sous le prétexte d’y recueillir des documents historiques ou archéologiques, roueries qui lui réussirent à tel point, qu’aux élections de 182…[167] il fut le candidat avoué du ministère Polignac (cotée sous le n°LVIe) = voir la collection du Journal de Rouen et du Patriote de Lisieux.=

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          Nous avons vu,  que, dès le mois d’octobre 1832, le Journal de Rouen avait publié contre les membres fidèles de l’ancienne Société d’Evreux un article assez platement injurieux, dit Mr d’Avannes, et impudemment signé un membre de la Société Libre[168]. Dans son numéro du mardi 8 juillet 1834, l’Echo de Rouen renfermait à son tour, contre l’Académie Ebroïcienne, l’article suivant (coté sous le n°LVIIe) : – « Académie Ebroïcienne. – Discorde. – Démissions. – Huit places vacantes. – Avant 1830, il existait depuis longtemps à Evreux une société d’Agriculture, Sciences et Arts. En 1831, des modifications furent faites au règlement constitutif ; l’une d’elles consistait à changer le titre pour y substituer celui de la Société Libre d’Agriculture, etc. Plusieurs légitimistes approuvèrent et signèrent ces modifications ; mais ils ne tardèrent pas à se trouver mal à l’aise dans une Société Libre, œuvre d’un préfet de juillet[169]. En conséquence, sous le prétexte le plus vain, un refus de signer une formule d’adhésion, ils se retirèrent et créèrent une société rivale, à laquelle ils donnèrent le titre d’Ancienne Société d’Agriculture, etc, et publièrent un Recueil périodique. Eux seuls se disaient la Société ; eux seuls étaient légitimes : l’autre société n’était qu’une œuvre d’usurpation, un enfant réprouvé, l’un des produits de la force et de la révolution. Fi donc de la Société Libre !… Fi de la Société Passy !… Celle-ci, tout poliment, revendique son titre par une lettre, déclarant à M. Messieurs… qu’elle poursuivra le larcin, si réparation n’est faite. Son succès est complet ; mais ces messieurs s’en vengent par un tour de force, ils se font académiciens ; les voilà donc (par le conseil de Mr A. G.) gratifiant leur société d’un titre d’Académie Ebroïcienne le 7 juin 1833 ; les voilà s’installant au fauteuil académique, composant un Bulletin avec le secours des Revues, des Gazettes de

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province (accusation mensongère, sauf deux ou trois cas), avec les vers des poètes du Poitou, du Limousin, de la Guyenne, etc (ce qui est triplement vrai). – Jusque là, tout était bien dans le meilleur des mondes possibles ; la Société (l’Académie s’entend) promettait beaucoup, et aurait tenu parole si elle eut été composée de littérateurs comme son président (si fécond et si assommant avec ses droits d’usage). – Mais voici que celui-ci s’avise d’écrire (ainsi qu’il l’avait déjà écrit dans toute sa correspondance avec Mr. Guilmeth) à je ne sais quel indiscret parisien : « Qu’il est entouré d’ambitions remuantes et vaniteuses, qui pensent pouvoir ressaisir le passé sans faire aucune concession à la marche des temps. »[170] Cette lettre est renvoyée à M. D. L…. (Delangle), académicien et ex-maire d’Evreux, lequel convoque ses collègues, et jette sur le bureau une pomme de discorde…, la lettre du président. – Grande fut la rumeur ; le président se tira d’embarras en homme habile, mais fut accablé de démissions. On alla jusqu’à proposer la formation d’une seconde académie… Ouf ! c’eût été trop fort ! Ouvrir ainsi au public le sein de l’Académie, y montrer la Discorde fouettant la légitimité ! L’imprudent fut admonesté par les démissionnaires eux-mêmes ! – Vous croyez que l’académie est morte !… Elle vient de donner signe de vie ; on lit sur un bulletin qu’elle vient de faire paraître : « Tous les abonnés ont sans doute deviné la cause du retard qu’a éprouvé l’envoi de ce 4e Cahier ; et, au verso : Extrait du procès-verbal de la séance du 8 mars 1834 : l’Académie arrête : Art. 1er. La démission de MM. de la Pasture, De Langle, Baudard (celui dont les œuvres enregistrées sont reliées en 25 volumes gros in-4°), De la Craye, vicomte de Gauville, baron de Sepmanville, Demetz, et Leroy, trésorier, est acceptée. »[171] – Quelle

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Fournée ! – Le public est prévenu que huit places sont vacantes à l’Académie… Ebroïcienne ! – L’une des conditions d’admission est de bien penser. » – Il serait impossible de dire la masse de ridicule que cet article valut à l’académie Ebroïcienne dans le monder léger et railleur de nos grandes villes ; mais ce qu’il y eut de plus regrettable, ce fut l’annonce faite, dans le bulletin, de la démission des huit membres légitimistes. C’est dans cette classe de la Société, que Mr. A. Guilmeth, avec des peines et des démarches inouïes, était parvenu à recruter les huit dixièmes des membres qu’il avait proposés à l’académie, c’est-à-dire plus de la moitié de cette académie elle-même !… Qu’on juge de l’effet que produit l’annonce de huit démissions ! … Mr Guilmeth avait annoncé une société purement légitimistes, et voici que huit des principaux légitimistes du dépt. donnaient en masse leur démission ; voici que la Société elle-même, pour donner plus d’éclat à cette scission, publiait, jusque sur la couverture du Recueil de ses travaux, l’acceptation de ces huit démissions !… Mr. Guilmeth, à tous les membres qu’il avait enrolés dans cette corporation littéraire et scientifique, avait promis chaque mois soit une Notice sur l’une des villes du dépt. de l’Eure, soit un article biographique sur l’une des sommités de ce département, soit un article généalogique sur l’une des familles nobles et historiques domiciliées dans l’un des cinq arrondissements. Or, rien de tout cela ne venait, parce que Mr. d’Avannes, sans doute dans un but d’égoïsme et de jalousie, préférait à toutes ces choses, qui, seules, pouvaient exister et entretenir l’intérêt des lecteurs du pays, une foule de vers venus du Poitou, de la Guyenne, etc, etc, et tellement mauvais en général, que les siens y paraissaient des chefs-d’œuvres. Sous le prétexte que Mr. Guilmeth publiait trop, Mr d’Avannes, comme on l’a vu par la lettre du 30 juin 1833, lui écrivait qu’il avait de la fortune, qu’il devait contribuer de toutes les manières à accroître le succès du Bulletin, qu’il devait

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se résoudre à payer 2 francs par chaque page, etc, etc ; et tout cela pour faire place aux élucubrations poétiques de l’avocat N…, de Mme de …, de Melle de … La situation était devenue grave, et nous en verrons plus tard les résultats.

          Le 16 juillet 1834, Mr. B. Courage, cultivateur à Oissel, l’un des bons amis de Mr. Guilmeth, lui adressait une lettre à Verneuil pour le remercier de ce qu’il voulait bien procurer auprès de lui à son neveu, le jeune Courage, qui avait été l’élève de Mr Guilmeth à la pension du Château de Sahurs, un emploi de commis écrivain… Quelques jours après (le [blanc] juillet 1834), l’infortuné jeune homme expirait à Breteuil, sous les yeux de Mr. Guilmeth, dans les plus horribles convulsions de l’hydrophobie[172]. Il avait été mordu à Rouen, plusieurs mois auparavant, par un chien enragé, appartenant à un autre de ses oncles, le sieur Maillard, boucher à Rouen, place Henri IV !!!! (cotée n° LVIIIe) =

Le 19 juillet 1834, Mr des Buards[173] (E. J. F.), né à Brionne, et attaché à la rédaction du journal Le Bon Sens[174], écrivait à Mr A. Guilmeth, son camarade d’enfance, la lettre suivante (cotée sous le n° LIXe). – « Brionne, 19 juillet 1834. J’ai été bien contrarié, mon cher Auguste, de ne pas te rencontrer à Brionne, que j’habite depuis deux mois. Ton père me faisait espérer que tu reviendrais incessamment, mais en vain. Devant quitter Brionne sans t’y voir, je prends le parti de te laisser ces deux mots. – Tu as déjà fait plusieurs voyages à Paris ; ne sachant pas si j’y étais et ce que j’y faisais, il est tout simple que tu ne sois pas venu me voir ; mais, à présent que tu le sais et que tu as mon adresse ci-contre, j’exige de toi que, à ton premier voyage, tu fasses une descente rue du Croissant, à l’effet d’y trouver un vieux camarade d’enfance. Je te dirai qu’il y a deux ans et demi, j’ai fait, pendant six mois,

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à la bibliothèque de la rue Richelieu, des études analogues aux tiennes, mais non dans le même but ; j’ai choisi une époque de la vie de notre fameux Guillaume le Bâtard ; cette époque de notre histoire normande est pour moi une époque de prédilection, et il y a bien six ans que je mûrissais de l’explorer au profit de la littérature romantique. Pour ce faire, j’ai dû fouiller nos vieilles chroniques, mais je n’ai pu obtenir tous les renseignemens que je désirais, et j’en ai trouvé, dans tes Chroniques de l’Eure, qui me manquaient. – En qualité de confrère, je te demande donc un exemplaire de tes publications, qui me seront d’un grand secours. – Si cela ne te répugne pas de le faire, envoie les moi au bureau du journal, en attendant qu’il plaise à la Providence de t’expédier toi-même par la diligence pour la bonne ville de Paris, où je t’attends. – Tout à toi. Desbuards. E. J. Fr.)- »

          Cependant, l’Académie Ebroïcienne était à peu près arrivée au point où ses plus dangereux ennemis désiraient la voir arriver. Les articles poètiques, littéraires, et romantiques de Messieurs Tel et Tel et de Mesdames de…, avaient fini par tellement envahir le terrain dont peut disposer un Bulletin ou Revue, que bientôt il n’y eut presque plus de place pour les digressions scientifiques, agricoles ou autres[175]. Le 5 août 1834, Mr. Marc, secrétaire perpétuel de la dite académie, adressait à Mr A. Guilmeth , au sujet de son Examen Critique du mémoire de Mr. Le Prévost, dont un tiers seulement avait été publié dans le bulletin, une lettre (cotée sous le n° LXe). Cette lettre avait pour but de soumettre à Mr Guilmeth quelques explications sur le travail auquel le Comité de rédaction avait été obligé de se livrer pour réduire les intéressantes observations de l’auteur dans le cadre assez étroit que lui laissait la

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Composition du bulletin. – « Ces observations, écrit Mr Marc, ne portent point au surplus sur votre excellente et savante discussion. L’Académie, et le comité de rédaction en particulier, auraient voulu pouvoir tout imprimer, convaincus l’un et l’autre que tout l’ouvrage aurait eut un véritable intérêt pour le public et pour la science. Elles portent seulement, comme j’ai eu l’honneur de vous le dire, sur l’obligation où l’on s’est trouvé de ne point dépasser une limite de 15 ou 16 pages d’impression. Ce sont donc seulement des regrets et des excuses que j’ai à joindre aujourd’hui aux remerciemens empressés que vous adresse l’académie pour la coopération active que vous voulez bien lui prêter. – La règle qui a été adoptée pour les suppressions ainsi nécessitées (par qui ?… pour quoi ?… puisqu’il y avait deux articles à faire ?… pourquoi n’en vouloir faire qu’un ?), a été tracée sur cette double considération : 1° que, pour les points traités au long dans votre nouvelle Histoire de Brionne, 1834, on pouvait renvoyer le lecteur ; 2° que les erreurs contenues dans le Mémoire de Mr Le Prévost, et par vous démontrées avec un esprit si éclairé de critique, devaient être toutes relevées en détail, et que l’on pouvait plus facilement retrancher les points sur lesquels vous sembliez vous rapprocher davantage de son opinion, ou discuter seulement des probabilités qui sont restées sans solution dans les documens historiques. » Bref, l’Examen Critique du Mémoire de Mr A. Le Prévost devait paraître en trois articles ; on en supprima un tiers, et il ne parut qu’en deux. Mr Guilmeth refusa de voir et de corriger les épreuves de son œuvre, ainsi mutilée, et le 2e Article parut criblé de fautes dans le Bulletin.

          Le 8 août 1834, le sieur Richard, directeur de la Revue de Rouen (Recueil créé dans l’unique but de prôner et faire valoir tous les produits de l’imprimerie du sieur Nicétas Périaux) adressait à

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Mr A. Guilmeth la lettre suivante (cotée sous le n°LXIe). – « Revue de Rouen. – Rouen le 8 août 1834 – Monsieur, – J’ai reçu, comme directeur de la Revue de Rouen[176], l’article intitulé : la Fille de l’Imprimeur. – Il me serait impossible de l’insérer dans la Revue avant deux ou trois mois, ayant de la matière d’avance, plus que nous n’en pouvons employer, et des promesses faites, qu’il faut tenir. Si cet article eût été moins important, il eût peut-être pu passer plutôt (sic), mais comme il remplira au moins une feuille et demi (sic), je n’aurai de place que dans quelques mois. – Je regrette tellement cette circonstance, que je vous prie, afin de ne pas perdre l’occasion de vous enrôler au nombre de nos collaborateurs, de voir si vous n’auriez (sic) pas quelque petite note historique ou archéologique, relation à notre pays. Je serais heureux de la recevoir et de la publier sur le champ. – Je vous salue avec une parfaite considération. Richard. – » Nous n’avons indiqué ici que les principales fautes d’orthographe de Mr Ch. Richard, mais le texte de cette lettre en est littéralement criblé.

          Le 23 septembre 1834, Mr Desbuards adressait de Paris à son ami Mr. Guilmeth, la lettre suivante (cotée n°LXIIe). – « Mon cher Auguste, j’ai reçu hier soir ta lettre, à laquelle, comme tu me l’enjoins, je réponds poste par poste, en remettant la causerie à une autre fois. Ne sois pas inquiet ; j’ai reçu (avec infiniment de plaisir) les brochures et les deux lettres. Si je ne t’en ai pas accusé réception de suite, c’est qu’elles sont venues me trouver dans un moment où j’avais de l’occu-

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pation par-dessus la tête, et c’est à grande peine si je commence à y voir un peu plus clair autour de moi. – Je suis, je t’assure, enchanté de la nouvelle que ta lettre contient. Ainsi donc, au mois prochain l’entrevue ; au mois prochain, reprise de nos conversations, interrompues depuis si longues années. – Je t’écris au galop ; pressé que cette réponse te parvienne, etc. »

          Le 8 octobre 1834, acte sous seing-privé entre Mr. A. Guilmeth et le sieur Saillot aîné, imprimeur-libraire au Grand Andelys (Eure). Par cet acte (cotée sous le n°LXIIIe), le sieur Saillot s’engage et s’oblige à imprimer et publier, pour le 25 janvier 1835, six cents exemplaires d’un ouvrage de Mr Guilmeth, intitulé : Le Duc Roi, Histoire normande de 1124[177], dont le manuscrit, est-il dit dans l’acte, contenant cent cinq pages de texte, a été remis ce jourd’hui (8 octobre 1834) par l’auteur à Mr. Saillot. Sur le chiffre de six cents, le sieur Guilmeth en devait recevoir trois cents pour indemnité de ses droits d’auteur ; les trois cents autres restaient au sieur Saillot pour l’indemniser de ses frais d’impression. Les trois cents dus à Mr Guilmeth devaient être, selon l’acte, des exemplaires de choix, imprimés sur beau papier carré fin, satiné. Ils devaient être remis par le sieur Saillot à Mr Guilmeth bien complets, brochés et satinés, savoir : 50 exemplaires le 25 janvier 1835, et les 250 autres le 1er juin suivant. Mr Saillot n’acquérait aucun droit de propriété sur l’ouvrage, dont chaque page du manuscrit avait été cotée et paraphée par l’auteur. Le sieur Saillot livra bien aux époques convenues, les 300 exemplaires dus à Mr. Guilmeth, mais, de toutes les autres conditions,

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pas une seule ne fut remplie. Sous le prétexte de poursuites de la part du gouvernement, il changea le titre de l’ouvrage en celui-ci Les Insurgés tout simplement. Ensuite, il transposa des chapitres presque tout entiers, supprima des phrases et même des pages ; imprima sur d’ignoble papier sans aucune vignette, quoique l’acte le dit formellement ; et enfin livra à l’auteur ses 300 exemplaires en feuilles sales, non brochées, non satinées, sans couvertures, etc, etc[178]. Pour se faire une idée de l’audace du sieur Saillot, il faut parcourir sa correspondance. C’est ainsi que, le 14 octobre 1834, il écrivait à Mr. Guilmeth qu’il fallait changer les rôles, les caractères des personnes, enfin bouleverser tout l’ouvrage, en mettant en ordre les pensées décousues, et chaque phrase à sa place !!! Cette incroyable lettre se termine ainsi : « Il y a de quoi faire un bon roman historique, mais il faut quelques changemens. J’ai donc l’honneur de vous prier de vouloir bien m’écrire que vous consentez que je fasse les changemens que je jugerai convenables dans l’intérêt de l’ouvrage ; autrement, il faut que vous les fassiez vous-même ce qui apporterait du retard pour attendre la copie, tandis que, en me laissant faire, il n’y aura pas à attendre !!! » – Cotée sous le n° LXIVe. =

          Le 25 octobre 1834, nouvelle lettre de Mr Saillot ainé à Mr A. Guilmeth dans laquelle il reproche à celui-ci de lui avoir écrit dans sa réponse que pas un mot de son Duc-Roi ne sera changé, que sa résolution est prise, et que, quand il a dit oui ou non, c’est comme si c’était la voix du sort. « En vérité, s’écrie Mr Saillot en goguenardant, je crois que les Légitimistes forment une Société à part, qui

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ne sait rien apprendre. Charles X, leur chef suprême, perd la couronne avec sa volonté immuable, et ses partisans veulent que leur oui ou non soit la voix du sort… L’arrangement de l’ouvrage doit être de ma compétence, etc, etc. – Cotée sous le n°LXVIe.

          Le 8 novembre 1834, troisième missive de Mr. Saillot à Mr Auguste Guilmeth, dans laquelle il dit : « Monsieur, depuis que nous sommes en relations, je vous ai toujours dit que je voulais travailler tranquillement et ne pouvoir être classé dans aucune catégorie politique ; que c’était là le motif qui me faisait demander de légers changemens dans la copie. – Vous m’avez dit, devant diverses personnes, que votre intention était aussi d’éviter tout ce qui pouvait être contraire à l’ordre de choses actuel (mensonge stupide !). Vous m’avez même écrit, votre lettre du 16 octobre dernier (lettre que je puis faire enregistrer et passer sous les yeux de la justice si besoin est), que, si quelque phrase sonnait mal à l’oreille, si quelque pensée paraissait trop hardie (manque d’élégance ou trop de hardiesse romantique), elles seraient corrigées et rectifiées à l’épreuve. – Votre tirade, commençant par les mots : Les infâmes, jusqu’à ceux-ci : le jour du combat approche, placée comme elle l’est, ne peut réellement qu’être mal-sonnante à l’oreille de la majorité des Français ; la pensée en est trop hardie ; l’allusion est si complète qu’elle peut facilement servir de prétexte à la malveillance et à la méchanceté. – Aux termes du passage de votre lettre du 16 octobre, je désire que cette tirade soit transposée ; que le roman ne commence pas comme à l’épreuve ; et que, en l’occurrence, on puisse distinguer que c’est un roman historique, dans le genre des Puritains d’Ecosse par Walter Scott, que l’on a voulu essayer, et non un roman allégorique, insultant directement le pouvoir actuel[179]. – Alors, si vous voulez adopter mon

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plan, je vous soumettrai l’épreuve corrigée comme je l’entends ; si vous ne le voulez pas, je vous ferai notifier, à votre domicile à Brionne, que j’exige que tout soit corrigé et rectifié ainsi que vous l’avez écrit ; puis, sur votre refus, il sera inutile de contester davantage pour le moment. Au 25 janvier 1835 seulement, lorsque nous nous reverrons pour vous livrer vos volumes, nous plaidrons (sic) pour savoir s’il fallait rectifier ou non, je ne serai pas plus perdu que MM. Canel, Philippe, Brière et Achaintre[180] (enfin, voilà la grande phrase lâchée !) : je ne ferai qu’augmenter leur société. – Je commencerai le volume par ces mots : il y avait déjà, etc ; je réintercalerai la tirade : Les infâmes, et je mettrai ce passage : Car il vous sied bien ce langage à vous, etc ; je ferai enfin tout ce qu’il faudra pour que votre volume paraisse sans que l’on puisse avoir de crainte. – Approuvez ou non, c’est là mon dernier mot, etc, etc. » Cotée sous le n°LXVIe = Les noms de MM. Canel, Philippe, Brière et Achaintre, qui, comme autant de sinistres météores, brillent dans cette lettre, expliquent à eux seuls tout le secret de l’indigne conduite du sieur Saillot. Mr Guilmeth, pour anéantir les mauvais propos qui circulaient contre lui dans le parti légitimiste depuis l’équipée de Mr D’Avannes, qui ne cessait de son côté de le poursuivre de son mauvais vouloir, avait cru habile de suivre dans cette circonstance la même voie qui lui avait si bien réussi dans sa lutte contre Mr Le Prévost, c’est-à-dire de commencer par prouver au parti légitimiste qu’il était bien clairement et bien particulièrement dévoué à ce parti, c’est-à-dire au principe de la légitimité, puis de finir par rompre d’une manière

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éclatante avec l’académie et Mr d’Avannes. Pour accomplir la première partie de ce projet, il n’y avait rien qu’une chose à faire, publier son Duc-Roi, tel qu’il l’avait conçu et écrit. Pour ce faire, il dut s’adresser à un imprimeur probe et dévoué. Mr Jouen, ancien supérieur du petit séminaire d’Ecouis, lui indiqua le sieur Saillot ainé, imprimeur légitimiste. Le sieur Saillot, ainsi que l’atteste l’acte du 8 octobre 1834, reçut sans conditions le manuscrit du Duc-Roi ; mais bientôt, cet homme, qui avait trompé les légitimistes du pays, ainsi qu’on peut le voir par les observations et les tirades de sa correspondance sus transcrite, réfléchit, eut peur. Il s’adressa au sieur Canel, afin que celui-ci lui fournit des armes pour la lutte qu’il voulait entreprendre contre Mr Guilmeth, puis de Canel il descendit à Philippe, de Philippe à Brière et enfin de Brière à Achaintre, imprimeur de l’Académie Ebroïcienne et ami de Mr. d’Avannes. On conçoit, dès lors, quelle alliance dut être cimentée entre des gens si bien faits pour s’entendre. L’ouvrage de Mr Guilmeth paraissant tel qu’il était perdait l’Académie Ebroïcienne et par conséquent son président, et avec celui-ci son cher et très dévoué ami et protégé le sieur Philippe, ami intime du sieur Brière et protégé de Canel, correspdt du Journal de Rouen, ainsi que le sieur Achaintre, l’imprimeur de la dite académie ; il fallait donc, pour dépouiller Mr Guilmeth de toute sa force aux yeux du parti légitimiste, réduire son savant, poétique et courageux ouvrage, aux proportions du roman le plus vulgaire et c’est ce que l’on fit. – Il est bon d’ajouter que dans ce même moment, le sieur Canel, qui avait été tant bafoué et flétri par le sieur Philippe (soi disant légitimiste et se donnant dans tous les chateaux comme ancien employé de la maison du duc de Berry, tout en fabricant du matin au soir des petits portraits de Bonaparte), rédigeait pour sa fameuse Normandie en 1834 (imprimée à Paris chez Formatin 4°) une notice sur l’arronditt. de Pont-Audemer ;

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que Mr Philippe appelait Mr Canel son très honorable et très savant ami que Mr d’Avannes en disant autant de Mr Canel, de Mr Le Prévost et de Mr Philippe !!!…

          Le 25 janvier 1835 le sieur Saillot adressait à Mr. A. Guilmeth la lettre (cotée sous le n°LXVIIe). « Monsieur, – Suivant nos conventions, je dois finir votre ouvrage pour aujourd’hui 25 janvier, et j’ai lu les dernières feuilles pour faire partir demain. – Je dois vous livrer 50 exemplaires en feuilles pour le 1er février. Vous pouvez envoyer en toute sûreté, samedi prochain, une personne avec une lettre de vous, et je remettrai les 50 exemplaires, qui seront à votre disposition. – J’ai corrigé les secondes épreuves que vous n’avez pas voulu corriger vous-même ; car il ne faut pas croire que j’ai (sic) imprimé avec les fautes typographiques qui étaient restées sous les mains de l’ouvrier ; enfin, j’ai tâché de vous laisser le moins possible les sujets de vous plaindre (quelle impudence !!!). – Je sais bien que vous allez me répéter qu’il est fâcheux que j’ai exigé quelques changemens par crainte de démêlé (sic) avec une administration tracassière qui veut ruiner mon établissement (l’établissement d’un homme qui fait partie de la majorité des Français, et qui tape si dru et si fort sur le dos de Charles X et de ses partisans, quelle plaisanterie !) par sa nouvelle création d’une imprimerie, dont l’occupation spéciale est de m’ôter le plus d’ouvrage possible[181] (à un homme, qui était allé se jeter aux genoux de Mr le sous-préfet des Andelys et de Mr. le préfet Passy pour s’entendre avec eux au sujet de la création d’un journal appartenant à l’administration départementale[182], ainsi que le dit plus bas sa propre lettre, trop longue et trop niaise pour mériter d’être copiée ici en entier !!!) Alors, je vous répondrai

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que ce n’est pas en imprimant mal à propos des épigrammes (joli mot) contre l’administration, que je parviendrais à démontrer les torts et les fautes de l’administration, etc, etc (suivent une masse de bonnes raisons, exprimées en temps opportun et d’une manière assurée et convenable ; puis de nombreux détails sur le journal de l’Eure qui paraît à Louviers, journal que ledit Saillot avoue et reconnaît dans sa lettre avoir sollicité du préfet et du sous-préfet, pourvu que ces MM. le fissent appartenir à l’administration départementale, etc, etc.) »

          Nous venons de voir qu’elle était la position réelle de Mr. Guilmeth vis à vis de l’académie Ebroïcienne, c’est à dire de son président d’Avannes, de son imprimeur Achaintre, et de son correspondant Philippe. Le 27 janvier 1835, Mr le président d’Avannes adressait à Mr. A. Guilmeth la lettre suivante (cotée sous le n°LXVIIIe) – Monsieur et Collègue, … j’ai peu d’amis, Monsieur, et Mr Achaintre, que vous désignez sous ce nom (quoique fort honorable d’ailleurs), ne peut être regardé comme tel par moi, parce que je le connais trop peu et depuis trop peu de temps. Je n’ai jamais eu avec lui d’autres relations que celles qui sont relatives à l’impression du Bulletin. – Quand aux discours que vous me dites qu’il m’a prêtés, vous les avez nécessairement mal retenus et mal interprétés, car je ne lui ai rien dit à votre égard, arrière de vous, que je ne puisse répéter en votre présence (quel jésuitisme !!!!). Quant à votre affaire avec Mr Achaintre (au sujet de son abominable conduite lors de l’impression de l’Histoire de Brionne et de la Notice sur Verneuil), je ne la connais ni ne veux la connaitre… – Quant aux propos que je vous ai signalés comme m’ayant été rapportés, je ne vous les ai signalés que comme une preuve qu’il ne faut pas écouter tous les propos qui se débitent. Je vous réitère qu’ils n’ont été

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rapportés par des personnes honorables, que je ne veux pas nommer par ce que je regarde comme inutile (mensonges et jésuitisme), que je n’attache pas plus d’importance que de raison à ces sortes de choses, et que, comme je viens de vous le dire, il est dans mes principes de calmer plutôt que d’irriter les esprits. – Un fait qu’il est cependant bon que je vous signale, c’est que les sept huitièmes des démissions (innombrables) que nous avons reçues depuis un mois, viennent de personnes que vous avez associées ou que vous avez vues récemment : Mr d’Imbleval, à Vernon[183] ; Mr de St Laurent, près de vous (il prétend que notre bulletin contient trop de littérature et pas assez d’agriculture) ; MM. de la Boulaye, de la Barre et du Bourg, tous les trois d’Andelys, ont donné leur démission ; on l’attribue à la manière dont vous vous êtes exprimé sur notre imprimeur et par contre-coup sur l’académie (voyez le grand crime !). Le fait est qu’ils se retirent, et que l’on vous attribue leur retraite. – Vous savez, Monsieur, que vous traitiez directement avec Mr Achaintre pour vos extraits ; le reproche que vous me faites est donc injuste, puisque je n’avais aucun avertissement à vous faire donner (comment donc Mr Guilmeth pouvait-il deviner que tel jour ou à telle heure, on imprimait de lui chez Mr Achaintre tel ou tel article dans tel ou tel numéro du Bulletin) ; votre article (le 2e de l’Examen critique) a été corrigé quant aux épreuves par l’un des vice-secrétaires comme tous les autres morceaux du bulletin (qu’il laissa criblés de fautes et d’erreurs). – Il est fâcheux que vos démêlés avec Mr. Achaintre (que Mr. Guilmeth avait fait comparaître devant le tribunal de commerce de

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Louviers) l’aient porté à briser la planche sans vous faire d’extrait (curieux aveu !), mais j’y suis étranger, ainsi que l’académie que vous accusez également à tort de vous refuser des numéros du Bulletin contenant vos articles (affaire montée avec Mr. Le Prévost, qui avait vu avec rage l’immense succès du 1er article, et qui, moitié par terreur et moitié par promesses, avec l’accord de MMs Passy, Philippe et Canel, était venu à bout de tirer à Mr Guilmeth cette magnifique botte). Ce n’est assurément pas une obligation, mais en considération du désagrément que vous éprouvez par le bris de la planche, je vais faire mettre dix exemplaires de côté, et, quoique cela dépareille des bulletins complets, vous les recevrez avec le prochain envoi (les numéros 10 et 11), dans quinze jours ou trois semaines au plus tard. – » On voit que Mr d’Avannes, après avoir pris vis-à-vis de Mr Guilmeth, pour complaire à Mr Le Prévost et à son ami A. Passy, une position excessivement fausse, hésitait néanmoins à laisser éclater la tempête.

          Le 14 avril 1835, Mr le chevalier Rigault de Rochefort[184] adressait à Mr Guilmeth, en refusant de payer un bon de 25 francs qu’il avait souscrit au profit de ce dernier, une lettre qui dévoile à elle seule tous les pièges tendus par Mr Le Prévost. On lit dans cette lettre (cotée sous le n°LXIX) la curieuse phrase que voici : « Je ne sais si je ne me suis pas trompé moi-même, lorsque j’ai compris que vous étiez le collaborateur de Mr. Le Prévost (supposition insidieuse, soufflée par Mr. Le Prévost lui-même, ou au moins gratuite, et alors inspirées par les citations faites dans l’ouvrage). L’insolence de votre messager, à l’abri de laquelle, etc. »

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          Le 25 août 1835, Mr Guilmeth ni le public n’avaient encore reçu, tant on redoutait l’effet du 2e article relatif à Mr le Prévost, les numéros 10e et 11e du bulletin de 1834, qui, à raison de 12 numéros par an, auraient du être livrés dès les 1er octobre et 1er novembre précédents. On a vu que, le 27 janvier, Mr le président d’Avannes promettait à Mr Guilmeth l’envoi de ces deux numéros pour le 15 ou 20 février au plus tard. Mais, dans cet intervalle, la lettre du 27 janvier n’était pas demeurée sans réponse, et Mr Eugène de Challenge[185], secrétaire de l’Académie Ebroïcienne, avait écrit par deux fois à Mr Guilmeth, la première fois pour le réprimander de son manque d’égards envers Mr. le président d’Avannes, la deuxième pour lui annoncer que ladite académie avait accepté sa démission. Voici la lettre que sous la date du 25 avril 1835, Mr A. Guilmeth adressa de Brionne à Mr Eugène de Challenge (cotée sous le n°LXXe) devenu depuis son avocat dans l’affaire du louageur Lepeuple. « Monsieur, j’ai reçu vos deux lettres, et, si elles ne portaient le timbre et le chiffre de l’Académie Ebroïcienne, je veux que le Diable m’emporte si je ne les aurais pas prises pour avoir été écrites par quelque échappé de Charenton[186], ou au moins par quelqu’un de ces mauvais plaisants qui en veulent tant à la dite académie. – Vous me demandez des réparations à moi, que Mr d’Avannes a si étrangement outragé dans ses lettres, mortifié dans ses entrevues, raillé dans ses réunions d’amis. – La noble particule ne précède par mon nom, Monsieur, je suis un vilain et très vilain roturier ; mais, morbleu, lorsqu’il s’agit d’honneur, je sens que j’ai dans le cœur quelque chose d’aussi noble que vous et que tous ceux qui s’appellent De, Du, Des ou Le, La, Les ! … – Je vous le répète, c’est Mr d’Avannes qui m’a outragé… – Vous dites que, dans une lettre de 1833, j’ai blessé Mr d’Avannes, c’est possible ; mais, de ce que j’aurai pu avoir tort en 1833,

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est-ce un motif pour que l’on m’accuse d’avoir encore tort cette année ? – Monsieur, vous n’avez donc pas lu les lettres que m’a écrites Mr d’Avannes ?… – Eh ! bien, Monsieur, dans sa lettre du 27 janvier, Mr d’Avannes m’accuse d’avoir causé les sept huitièmes des démissions qui l’ont accablé depuis quelque temps. « On vous attribue, dit-il, la retraite de MM. D’Imbreval, de la Boulaye, de la Barre, du Bourg, etc, etc. » – Il est bon, Monsieur, que l’académie Ebroïcienne sache que jamais, en aucun temps, en aucun lieu, je n’ai vu ces messieurs ni près ni de loin… ; je ne les connais point, je ne leur ai jamais parlé ni écrit (il y a ici erreur de la part de Mr Guilmeth ; il avait vu à Vernon Mr d’Imbleval, Mr de la Boulaye était une de ses connaissances et un de ses souscripteurs ; Mr de la Barre était un de ses anciens condisciples d’Ecouis, et Mr de St Laurent, dont il ne parle pas dans sa lettre, quoique Mr d’Avannes en parle dans la sienne, avait reçu de lui son diplôme de membre correspondant ; son démenti ne repose donc que sur ce seul fait, à savoir que, tout en connaissant ces messieurs et les ayant vus récemment, il n’avait été entre eux et lui nullement question de l’académie Ebroïcienne). – J’ai sommé Mr d’Avannes de me nommer ses diseurs ; au lieu de me répondre, ce monsieur m’envoie par votre honorable intermédiaire ma démission de membre de l’académie Ebroïcienne. Vous avouerez, Monsieur, que votre excellent président a de singulières manières de s’expliquer ! – Au reste, qu’importe à l’académie Ebroïcienne (à moins que Mr d’Avannes, comme on le lui a déjà reproché quelque part, ne veuille être à lui seul toute la dite Académie) les différents particuliers que je puis avoir avec Mr d’Avannes ? Si ce dernier m’outrage, n’ai-je pas le droit de lui répondre ? S’il est bien vrai que l’Académie Ebroïcienne ait pris une délibération à ce sujet, il faut avouer que cette académie est bien suscep-

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tible et bien chatouilleuse ! – Relativement, à l’administration du bulletin pourquoi a-t-on fait peser sur moi des griefs qui ne me regardent pas ? (parce qu’on pensait qu’il valait mieux les jeter sur Mr Guilmeth, en le sacrifiant, que sur tout autre, fidèle à la coterie). – Chaque numéro devait être régulièrement envoyé tous les mois, et, aujourd’hui 25 avril 1835, je n’ai pas encore reçu les numéros 10e et 11e, que j’aurais dû recevoir dès les 1er octobre et 1er novembre de l’année 1834 ! Vous avouerez encore que c’est là une étrange administration ! … – Je termine en vous remerciant de m’avoir enfin accordé cette démission que j’ai depuis si longtemps méritée. Comme je vous l’ai déjà dit dans une autre lettre, je ne serais pas plus perdu que MM. de la Craye, de la Pasture, de Sepmanville, etc, etc, etc, etc, etc ; je ne ferai qu’augmenter leur Société, et plus on est de fous, c’est-à-dire d’anciens membres de l’académie Ebroïcienne, plus on rit ; rira donc bien qui rira le dernier !… Adieu, Monsieur, je vous souhaite une bonne santé, à vous et à l’académie Ebroïcienne. signé : A.G. – P.S. – Jusqu’à ce jour, je n’ai encore rien vu du paquet que vous m’annonciez dans votre dernière lettre. Je tiens cependant à avoir tout mon recueil complet, puisque j’ai payé et payé trois fois la valeur du bulletin. J’exige aussi, Monsieur, que sur la couverture du prochain numéro, l’académie Ebroïcienne inscrive, comme pour MM. Delangle, de la Pasture, etc : l’Académie arrête : La démission de Mr Auguste Guilmeth de Brionne est acceptée. – Vous l’entendez : j’exige, sinon je me verrai forcé d’adresser aux journaux une copie de cette lettre. Chacun a ses susceptibilités ici-bas. » L’Académie Ebroïcienne se garda bien de se soumettre à cette exigence de Mr A. Guilmeth, qui, retenu par un légitimiste de ses amis,

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consentit généreusement à ne pas publier sa lettre, et même à oublier ce qui c’était passé.

          Le 19 mai 1835, Mr A. Guilmeth adressait à Mr l’abbé Jouen, doyen du canton d’Ecouis, la lettre suivante (cotée sous le n° LXXIe). « Charleval, 19 mai 1835. Mon cher Mr l’abbé Jouen, – En qualité de votre ancien élève, je viens vous supplier de me prêter votre secours dans une position assez bizarre. Je viens d’être arrêté à Charleval. On prétend que je ne me nomme pas Auguste Guilmeth, que ne suis pas de Brionne, et que je ne suis pas membre de l’Académie Ebroïcienne. Je vous en supplie donc, Monsieur, ayez la bonté de m’envoyer par le porteur du présent un certificat de votre main attestant que Mr Alexandre Auguste Guilmeth, né à Brionne le 2 septembre 1807, jadis votre élève au petit séminaire d’Ecouis, et aujourd’hui votre confrère à l’académie Ebroïcienne et votre ami, s’occupe de recherches historiques sur le département de l’Eure, pour un travail qu’il publie sur les antiquités de ce département. Croiriez-vous bien que, étant arrivé ici, j’ai eu le malheur hier soir, en soupant, de laisser échapper quelques paroles en faveur de Henri V[187]. Il paraît qu’un espion se trouvait là en ce moment. Mr le maire (le nommé Viel, herbager) s’est trouvé averti. Ce matin, étant allé chez lui pour obtenir des renseignements sur le pays, Mr le maire de juillet[188], au lieu de me donner ce que je lui demandais, a commencé lui-même par me demander mon passeport. Malheureusement, cette pièce est restée à Brionne. Je n’avais sur moi que mon diplôme de bachelier et mon diplôme de membre de l’Académie Ebroïcienne. Il paraît que mon âge,

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qui, cependant est porté en toutes lettres sur le dit diplôme de Bachelier, ne se trouve pas, d’après Mr le vacher Viel, en accord avec la hauteur et la noblesse de mes titres. Mr le maire, soupçonnant peut-être que je suis un espion de Charles X déguisé en académicien pour rire, a ordonné immédiatement mon arrestation. Vous voyez que Mr le maire de Charleval est un aimable maire ; c’est comme chez vous !.. Tout à vous, etc. » La véritable cause de l’arrestation de Mr Guilmeth, qui, du reste, fut immédiatement remis en liberté, la voici. Mr Viel, maire de Charleval, s’était abonné aux Chroniques de l’Eure publiées par Mr. A. Guilmeth ; il en avait même payé le prix, qui était de 25 francs. Ce Mr Viel, homme vain, orgueilleux, rampant et vindicatif, avait été nommé membre du conseil gal de l’Eure, grâce à l’appui du préfet Passy, dont il était dans le pays, l’agent et le factotum. Chez Mr Passy, il avait fait la connaissance de Mr Le Prévost, l’intime ami de son ami intime ; il les avait entendus tous deux tonner et déblatérer contre l’audace du sieur Guilmeth. Or, il se trouva que, en jetant les yeux sur la préface de l’Histoire de Brionne, le sieur Viel vit sauter sous ses yeux, en trait de feu, le nom de cet illustre Mr Le Prévost, le plus fidèle ami et le plus puissant soutien du très vénéré Antoine Passy. Inde irae !!!…

          Le 6 juillet 1835, Mr Eugène de Monglave[189], secrétaire perpétuel de l’Institut historique de France, adressait de Paris à Mr Auguste Guilmeth la lettre suivante (cotée sous le n° LXXIIe). – « Monsieur, j’ai l’honneur de vous annoncer que, par la nature de vos études et de vos travaux, vous êtes appelé à faire partie de l’Institut historique[190] en qualité de membre correspondant de la sixième classe, Histoire de France. – Je vous adresse, Monsieur,

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les statuts constitutifs de cette Société, et, pour régulariser votre nomination, je vous invite à adhérer par écrit à ces statuts et à remplir les conditions contenues dans le chapitre deuxième (admission des membres). Heureux d’être auprès de vous, dans cette circonstance, l’interprète de l’Institut historique, – je vous prie d’agréer, Monsieur, l’assurance de ma parfaite considération, etc. »

          Mr A. Guilmeth ayant déclaré par écrit qu’il acceptait toutes les clauses et conditions contenues dans les statuts et règlement de l’Institut historique, un diplôme de membre correspondant de cette société (coté sous le n° LXXIIIe) lui annonça qu’il y avait été admis le 8 juillet 1835. Ce diplôme, sur parchemin, est daté de Paris le 25 juillet ; enregistré aux archives de l’Institut historique sous le n°900, il est revêtu du sceau de la société, de la signature de Mr Michaud[191], président, membre de l’Académie française, et de celle de Mr Eugène de Monglave, secrétaire perpétuel de l’Institut historique.

          Le 23 août 1835, Mr Saint-Edmond[192], secrétaire de la 6e classe de l’Institut historique, chargé de transmettre à Mr A. Guilmeth le diplôme ci-dessus, lui adressait de Paris la lettre suivante (cotée sous le n° LXXIVe). – « Monsieur et honorable collègue, – La 6e classe a reçu votre adhésion aux statuts, et le secrétaire perpétuel a fait toucher les 17 francs du mandat que vous lui avez envoyé. – Vous trouverez sous ce pli votre diplôme ; – Chargé de vous adresser, au nom de la 6e classe, des félicitations personnelles, je le suis aussi de vous prier d’être auprès de Mr Langlois (du Pont de l’Arche, directeur de l’Ecole de dessin de Rouen) l’interprète du vif désir qu’éprouve l’Institut de le posséder dans son sein. Soyez assez bon pour accepter cette mission, toute de confiance, à laquelle nous attachons un puissant intérêt. – Recevez, Monsieur et honorable collègue,

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l’expression de mes sentiments d’estime et de considération. Le secrétaire de la 6e classe – St Edmond. – P.S. Nous allons avoir l’honneur de posséder dans notre sein Mr Emel Gaillard, qui se met sur les rangs pour la 6e classe. – Vous avez dû recevoir les nos du journal depuis la nouvelle année (avril). » – Il y a ici une observation à faire, qui prouvera que ce n’est pas sans difficulté qu’au diplôme, accordé le 8 juillet, signé le 25 du même mois, et enfin expédié dans une lettre datée de Paris le 23 août, ne partait de ce dernier endroit que le 31, pour arriver à Brionne le 1er septembre, ainsi qu’il est facile de s’en convaincre par les timbres de l’administration des Postes. Est-ce-que la main de MM. Passy et Le Prévost aurait encore touché là !… – Il est bon d’ajouter également, que, dans ce même laps de temps, M. Guilmeth avait adressé franco de Brionne à Mr. A. Passy, préfet de l’Eure, un paquet contenant tous les ouvrages publiés jusqu’à la Notice sur Evreux inclusivement, et destiné à la Bibliothèque Publique d’Evreux. Mr Guilmeth ignore si cette bibliothèque en a jamais été mise en possession[193] ; tout ce qu’il sait, c’est que ni le bibliothécaire, ni même Mr le Préfet n’ont jamais daigné, nous ne dirons pas le remercier de son envoi, mais lui en accuser réception.

          Le 7 septembre 1835, Mr de la Bigottière[194] écrivait de Chartres à Mr A. Guilmeth la lettre suivante (cotée sous le n° LXXVe). – « Monsieur, – Vous voulez bien appeler un malheur de ne pas m’avoir trouvé à la Bigottière ; je vous assure qu’il est tout entier pour moi. Je m’empresserai toujours d’accueillir l’archéologue distingué qui consacre ses veilles aux explorations de nos antiquités. L’histoire du château d’Ivry est peu connue. Sans ce

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bon Dumoulin[195] et deux ou trois autres, assez rares, son origine et sa chute seraient ignorées. J’ai fait passer, il y a plusieurs années, à Mr Delarue, ancien pharmacien à Evreux, une Statistique du canton de St André. Ivry y jouait le rôle principal ; il doit en avoir encore des exemplaires. Mr Valch de Rouen (lisez : Walsh[196], rédacteur de la Gazette de Normandie), qui prépare un ouvrage sur la Normandie, m’a demandé une notice sur Ivry, que je lui ai brochée dernièrement, en le priant de répandre sur mon cannevas quelques gouttes de son enluminure. Je suis tout disposé d’ailleurs à vous communiquer mes compilations. Je serai chez moi dans les premiers jours d’octobre ; veuillez ne pas choisir d’autre gîte lorsque vos excursions vous amèneront de nos côtés, et agréer en même temps l’expression des mes sentimens distingués, – La Bigottière. »

          Nous avons vu plus haut que Mr A. Guilmeth, sollicité par un personnage politique fort considéré des Légitimistes (Mr le marquis de Dreux Brézé), lequel lui avait fait sentir combien il y avait d’inconvenance à rompre avec l’Académie Ebroïcienne ainsi qu’il l’avait fait, avait renoncé à l’idée de publier sa lettre du 25 avril, et s’était même réconcilié avec ladite académie. Voici la lettre que lui écrivait d’Evreux, le 12 septembre 1835, Mr Edmond Marc, remplissant les fonctions de secrétaire perpétuel de cette société. – « Monsieur, – L’Académie me charge de vous transmettre ses remerciemens de l’envoi que lui avez fait de vos deux ouvrages (l’Histoire d’Evreux et le Duc-Roi) », suit l’offre de

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faire circuler sous l’enveloppe de ses Bulletins, au nombre de 600 à 800 exemplaires, l’annonce des dits ouvrages et de tous ceux que Mr Guilmeth publiera par la suite. Mr Ed. Marc ajoute : « L’Académie a vu avec satisfaction et elle a justement apprécié le mérite de votre reproduction d’une gravure de la cathédrale d’Evreux[197]. Elle me charge de vous proposer (si toutefois la chose est possible) de traiter avec vous, soit pour la cession de la pierre, soit pour l’acquisition de 800 exemplaires de votre lithographie… Elles accompagneraient (soit dans le dernier n° du Bulletin de 1835, soit dans les premiers nos de celui de 1836) une courte notice sur Evreux, à laquelle on mettrait une note, indiquant que cette gravure a été publiée par vous et qu’elle se trouve avec votre ouvrage chez tel libraire. – S’il vous convient de nous faire cette cession, nous aimons à croire que vous en ferez moins un moyen de spéculation qu’un moyen de propager votre ouvrage par toute la France. La dépense (près de 1200 francs) que nous faisons en ce moment pour la gravure d’un jeton-médaille, nous force à de sévères économies et ne nous permettrait pas de faire un sacrifice considérable, que, dans toute autre circonstance, nous eussions volontiers consenti. – Nous aimons à croire que les nouvelles relations qui s’établissent entre nous se perpétueront. C’est ainsi que, dans la République des lettres, on doit toujours conserver mutuellement de bons procédés, quelques soient d’ailleurs les dissentions qui puissent exister entre ceux qu’anime l’amour des sciences et des arts. – Recevez, je vous prie, Monsieur, l’assurance, etc. (cotée sous le n° LXXVIe). »

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          Le 16 octobre 1835, un autre des vice-secrétaires de l’Académie Ebroïcienne, Mr Baudry, remplissant par intérim les fonctions de secrétaire perpétuel, adressait d’Evreux à Mr A. Guilmeth la lettre suivante (cotée sous le n° LXXVIIe), qui, après avoir circulé de Gournay à Neufchâtel, et de Neufchâtel à Aumale, lui fut enfin remise en cette dernière ville le 20 novembre suivant : – « Monsieur, il faudrait faire en sorte que la pierre lythographique (sic) fût remise à l’académie dans le courant de décembre et qu’elle fut insérée (sic) dans le premier n° du bulletin, qui paraîtrait au 1er février. – Quant à la note dont vous désirez l’impression (relativement à la publication de cette planche et de la Notice sur Evreux), ceux de vos collègues, à qui je viens d’en parler, sont d’avis qu’on la rédigerait ainsi : « Nous devons cette planche à Mr Auguste Guilmeth de Brionne, notre collègue, qui en a fait don à l’Académie Ebroïcienne ; il l’a publiée l’an dernier (en 1835 par conséquent, puisque cette note devait paraître en 1836) dans ses Notices historiques sur la ville et les environs d’Evreux, 1 vol. in 8°, édition de luxe, à Rouen, chez Ed. Frère, libraire sur le port ; prix : 5 francs. » – On vous donnera assurément avec plaisir, en échange de cette planche, les cahiers complets de 1835 et 1836. – Dans tous les cas, vous recevrez incessamment le n° 1er de 1834, pour compléter votre collection. – Quant à votre Notice sur le royaume d’Yvetot, vous concevez que quelque bonne opinion que je sois disposé à en avoir, c’est au comité de rédaction seul qu’il appartient de statuer ; je doute qu’il puisse accorder plus d’une feuille à un même auteur dans un cahier ; Mr. D’Avannes lui-même a payé un supplément, etc, etc. » On voit par la date

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et le timbre de cette lettre que, plus d’un mois s’était écoulé entre le jour où elle avait été confiée à la poste et celui où elle avait été remise à Mr. Guilmeth à Aumale. Or, tout ce laps de temps avait été pour Mr. Guilmeth celui d’une cruelle maladie qui, à Blangy, avait failli le mettre au tombeau, maladie dont il souffrait encore beaucoup lorsqu’on lui remit à Aumale cette lettre le 20 novembre. Cette circonstance, le peu de zèle que témoignait Mr. Baudry pour sa fameuse Notice sur le royaume d’Yvetot[198], qui lui avait demandé des recherches énormes, enfin le travail que lui imposait la confection et la publication de sa Description historique des Arrondissements de la Seine Inférieure, qu’il venait d’annoncer au public ; tout cela réuni l’empêcha, malgré les pressantes sollicitations de l’Académie Ebroïcienne, de s’occuper désormais de publications autres que celles qu’il s’engageait de donner à ses propres souscripteurs. En conséquence, il garda sa planche de la cathédrale d’Evreux, ne fit pas même l’honneur d’une réponse à Mr Baudry (qui, pourtant, dans sa lettre, lui en avait demandé une prompte), rompit tous rapports entre lui et ses confrères de l’Eure, et n’entendit plus parler désormais de l’Académie Ebroïcienne[199].

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Liste Générale de tous les ouvrages imprimés ou manuscrits composés par Auguste Guilmeth, de Brionne, depuis le 1er janvier 1822 jusqu’au 31 décembre 1835 ; avec la liste des ouvrages et articles publiés par divers écrivains en sa faveur ou contre lui

Années
1825
Distribution solennelle des Prix, faite au Petit Séminaire d’Ecouis le 9 août 1825, in 4°, imprimé aux Andelys chez Saillot aîné.           Mr Auguste Guilmeth, de Brionne, y figure page 7e pour un 2e accessit[200] de version latine, et page 12 pour un prix d’écriture.
1827Distribution solennelle des prix faite au collège communal de Bernay le lundi 13 août 1827, placard in folio, imprimé à Bernay chez Mathieu-Mortureux.          Mr Auguste Guilmeth de Brionne y figure colonne 1ère, classe de seconde, pour un accessit d’excellence, un prix de thème, un prix de version latine et un accessit de version grecque.
1827 – 1828Notes historiques sur diverses localités de l’arrond. de Bernay, par A. Guilmeth. – manuscrit.          Ces notes, [p. 158] avaient été par l’auteur communiquées à Mr A. Le Prévost dès 1827, ainsi que l’atteste les Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, année 1827-1828, tome IVe, page 416[201], et une lettre adressée le 2 novembre 1829, par Mr A. Le Prévost à Mr Guilmeth, dans laquelle il dit à celui-ci : « je regrette de n’avoir point encore reçu de Caen d’exemplaires du Mémoire où j’ai fait usage des renseignemens que vous avez eu la bonté de me fournir, et que je suis impatient de vous offrir. » Une certaine partie de ces notes a été publiée en 1834 par Mr. Guilmeth à la suite de son Histoire de la ville de Brionne.
1822 – 1830Poésies diverses par A. Guilmeth, – manuscrit          Ce recueil est formé en très grande partie d’épigrammes, satires et chansons, composés pour la plus part soit aux pensionnats de Lisieux et d’Ecouis, soit au collège de Bernay. La plus ancienne de ces pièces date du [blanc]         1822 et la plus nouvelle du 14 septembre 1830. On y remarque aussi quelques fragments traduits ou imités des poètes grecs, romains et italiens. Du reste, les plus remarquables de ces poésies sont une imitation en paraphrase du Dies Iræ, qui fut fort applaudie au petit séminaire d’Ecouis en 1825, une chanson intitulée : la Saint-Charlemagne, fort goûtée au collège de Bernay en 1828, et enfin et surtout une ode, adressée le 14 septembre 1830, à quelques poètes détracteurs de l’ancienne France. Cette ode, qui eut un grand succès dans les salons légitimistes de Paris, est incontestablement ce que Mr Guilmeth a écrit de plus énergique, mais cette énergie était telle que la pièce, tirée à cinquante exemplaires seulement, dut paraître sans nom d’auteur ni d’imprimeur. Considérablement adoucie par son auteur, l’Ode aux poètes détracteurs de l’ancienne France fut par lui adressée en 1833 à l’Académie Ebroïcienne, avec [p. 159]  un autre morceau de poésie intitulé Le Bouleau de la Montagne. Voici ce qu’écrivait à ce sujet à l’auteur le 17 mars 1833, Mr d’Avannes, président de l’Académie Ebroïcienne : « Monsieur,- Je réponds de suite à votre lettre du 15, dans laquelle nous avons, avec infiniment de plaisir, acquis la preuve que, non seulement nous avons en vous un savant collègue, mais encore un poète distingué. – Vos deux pièces de vers arrivent trop tard pour pouvoir trouver place dans le n° 2 du Bulletin, parce que la composition est arrêtée ; presque toutes les pièces de vers sont composées. La section des Sciences est entre les mains de l’imprimeur, à qui j’ai remis ce matin votre Notice sur Alexandre (de Bernay). – Vos deux pièces seront lues à la prochaine séance particulière qui aura lieu incessamment. Je les ai communiquées à plusieurs des membres du comité de rédaction. On pense que la couleur politique de la seconde interdit de l’imprimer dans le Bulletin. Nous voulons, au moins dans les premiers numéros, exécuter le règlement à la lettre sous ce rapport. Si vous disposez de votre Ode pour un autre recueil, vous voudrez bien nous en prévenir pour que le secrétaire le note en marge de la mention qui sera faite de l’envoi de vos poésies sur le procès-verbal. – Quant au Bouleau de la Montagne, j’espère qu’il sera imprimé dans le numéro 3, etc. » Partageant les trop justes appréhensions des membres du comité, Mr Guilmeth pensa que, effectivement, une société dont la constitution était toute littéraire, ne pourrait pas sans danger publier une pièce aussi essentiellement politique que l’était son ode. Il la reprit donc, et envoya en échange à l’Académie Ebroïcienne sa paraphrase du Dies Irae & son imitation de l’Amour de Petrarque, puis adressa son Ode à l’Echo de la Jeune France. Voici de quelle manière le remerciait de cet envoi Mr. Jules Forfelier, secrétaire du Comité Central : – « Paris le 8 mai 1833. – Monsieur, J’ai reçu vos beaux vers, et je vous promets que j’appuirai de toutes mes forces [p. 160] leur insertion dans le plus prochain numéro.- Continuez, Monsieur, – (copier toute la lettre ; pages 103 et 104, jusqu’à : Comité Central. » Malheureusement, l’Echo de la jeune France venait en ce moment même, pour défaut de cautionnement politique, d’être condamné à payer au fisc une amende énorme, et la publication de l’Ode de Mr. A. Guilmeth fut encore ajournée. Enfin, cette pièce, après avoir été de nouveau revue, corrigée et adoucie, a vu honorablement le jour en 18.. en une édition de luxe, imprimée à [blanc] chez [blanc]. Quant aux autres pièces transmises à l’Académie Ebroïcienne, nous ignorons si elles ont jamais paru dans son Bulletin, ainsi que le promettait le président. Tout ce que nous savons, c’est que la jolie élégie intitulée : l’Amour, imitation ou traduction libre de Pétrarque, parut le 27 mars 1836, dans le numéro 61 du journal Le Frondeur.  
1830Le Glaneur d’Amiens, Journal de la Somme          Dans son numéro du 19 juin 1830, il vote à Mr. Guilmeth des remerciements pour avoir contribué à la formation du Musée des Antiques d’Amiens en faisant don à cet établissement de plusieurs objets celtiques et romains.
1831Notice historique sur le château de Brionne par Auguste Guilmeth, in 4° de pages d’impression, 1831, imprimée à Rouen chez Nicétas Périaux et ornée d’une vue du dit château. Ajouter ici une partie de l’article relatif à l’examen critique depuis lorsqu’en 1821 jusqu’à [ ???], pages 166 et 167.          La Notice historique sur le château de Brionne, composée par Mr. Auguste Guilmeth et éditée par Mr. Henri Hue, fut livrée au public le 4 juillet 1831. Il est fait mention de cette notice dans les ouvrages suivants, savoir : en 1831, dans Le Patriote, journal du Calvados et de l’Eure, nos des [blanc] août, 2 septembre, [blanc] octobre et 20 décembre ; dans le Journal de Rouen (Etat des livres entrés dans la Bibliothèque publique de cette ville), n° du 8 novembre ; dans la Bibliographie Française ou Journal général de l’imprimerie et de la librairie, p. 416, numéro 3304e En 1832, dans le Recueil de la Société Libre de l’Eure, in 8°, tome 3e, p. 57 – En 1833, dans [p. 161] – En 1834, dans – En 1835, dans – En 1836, dans – En 1837, dans – En 1838, dans – En 1839, dans – En 1840, dans – En 1841, dans – En 1842, dans – En 1843, dans – En 1844, dans – En 1845, dans – En 1846, dans le Dictionnaire historique des communes de France par A. Girault de St Fargeau, tome Ier, page 415. – En 1847, dans  
1832Notice historique sur la ville de Pont-Audemer, précédée d’un coup d’œil général sur son arrondissement, par Auguste Guilmeth, in octavo de 112 pages d’impression avec planche ; imprimée à Rouen chez Brière, 1832          Cet ouvrage se trouve cité ou mentionné dans les publications suivantes, savoir : en 1832, dans le Journal de Rouen, nos des 13 et 22 août, 4 et 10 septembre, 3 et [blanc] décembre. Dans la Bibliographie française ou Journal général de l’imprimerie et de la librairie, page 722 du texte (n°6158), p. 116 de la table des Auteurs. – En 1833, dans la Gazette de Normandie, qui lui consacra un magnifique article, n° du 12 février ; dans l’Echo de Rouen, qui lui consacre également un article, n° du 24 février – En 1834, dans – En 1835, dans la France pittoresque par A. Hugo, grand in 8°, tome 2e page 16 et tome IIIe page 36. – En 1836, dans – En 1837, dans – En 1838, dans [p. 162] – En 1839, dans – En 1840, dans – En 1841, dans – En 1842, dans – En 1843, dans – En 1844, dans – En 1845, dans – En 1846, dans Dictionnaire historique des communes de France par A. Girault de St Fargeau, tome Ier, page 788 – En 1847, dans          C’est sur cette brochure de 112 pages, publiée en 1832, que l’avocat Canel a calqué le plan, alinéas et [???] le gros volume publié par lui en 1833-1834 sous le titre d’Essai archéologique et statistique sur la ville de Pont-Audemer. On trouve dans ce volume page [blanc], la phrase suivante textuellement recopiée de la brochure de Mr A. Guilmeth, page [blanc]. En comparant les deux textes, on verra combien le calque est fidèle. C’est aussi dans ce volume, auquel M. Canel en ajouta une deuxième en 1834-1835 que ce [ ???] compilateur publia contre M. A. Guilmeth le grossier factum qui se trouve énergiquement réfuté dans la préface de l’Histoire de Brionne, 1834.
1833Alexandre de Bernay et les vers alexandrins, esquisse biographique et littéraire, par Auguste Guilmeth, in 8°, imprimé à Louviers chez Achaintre, 2e édition.          Cette Notice avait d’abord été destinée au Keepsake Normand, ainsi que l’attestent deux lettres adressées à Mr A. Guilmeth par Mr. Thomas, l’un des auteurs-éditeurs de ce Keepsake, en date du 16 juillet 1832 et du 23 avril 1833. Mettre ici en note tous les [???] et ouvrages de Mr Thomas et en narration toutes ses lettres [????] écrivains Le Prévost, Canel, Philippe, Gadebled, Rich[??] etc, etc.          La première édition de cette Notice parut au mois de [blanc] 1833, dans la [blanc]e livraison du Bulletin de l’Académie Ebroïcienne, et, quelques mois après, en une édition spéciale, qui est celle dont nous parlons. Il est fait mention de cette notice dans les ouvrages suivants, savoir : en 1833, dans le Bulletin de l’Académie Ebroïcienne, page [blanc] ; – En 1834, dans le Bulletin de l’Académie Ebroïcienne, n° du mois de janvier, page 15 ; dans la Gazette de Normandie, n° du 28 janvier, page 4; – En 1834, dans – En 1835, dans – En 1836, dans – En 1837, dans – En 1838, dans – En 1839, dans – En 1840, dans [p. 163] – En 1841, dans – En 1842, dans – En 1843, dans – En 1844, dans – En 1845, dans – En 1846, dans – En 1847, dans          Voici de quelle manière s’exprima sur cette notice, dans son Rapport sur les travaux de l’Académie Ebroïcienne pendant l’année 1833, Mr Amédée Marc, secrétaire perpétuel de ladite Académie : « Après ces écrits de Mr. Guilmeth, permettez nous de vous rappeler encore son Esquisse sur Alexandre de Bernay et les vers alexandrins. En lisant son opinion sur cette épithète, consacrée depuis par les chefs-d’œuvre de Corneille et de Racine, vous aurez pensé avec votre honorable collègue qu’elle devait être attribuée, non pas, comme on le supposait à tort, au nom du poète normand, qui imita ce rythme de Robert Wace, son devancier, mais au titre du poème d’Alexandre le Grand, dont il fut l’un des principaux collaborateurs. » Bulletin de l’Acad. Ebroï. pour 1834, page 15.
1833Aelia Lælia Crispis, notice historique et explicative sur la célèbre inscription énigmatique de Bologne, par Auguste Guilmeth, in 8°, imprimée à Louviers chez Achaintre, 2e édition.          La première édition de cette notice paraît au mois de [blanc] 1833, dans la [blanc]e livraison du Bulletin de l’Académie Ebroïcienne, et quelques mois après, en une édition spéciale, qui est celle dont nous parlons. Il est fait mention de cette Notice dans les ouvrages suivants, savoir : En 1833, dans le Bulletin de l’Académie Ebroïcienne, page [blanc] ; – En 1834, dans le Bulletin de l’Académie Ebroïcienne, n° du mois de janvier, page 14 ; dans la Gazette de Normandie, n° du 28 [p. 164] janvier, page 4 ; En 1835, dansen 1836, dansEn 1837, dansEn 1838, dansEn 1839, dansEn 1840, dansEn 1841, dansEn 1842, dansEn 1843, dansEn 1844, dansEn 1845, dansEn 1846, dansEn 1847, dans          Voici de quelle manière s’exprime sur cette notice, dans son Rapport sur les travaux de l’Académie Ebroïcienne pendant l’année 1833, Mr Amédée Marc, secrétaire perpétuel de la dite académie : « Un autre de vos collègues, dont l’érudition s’est révélée dans plusieurs ouvrages remarquables sur le Département, Mr Guilmeth vous a adressé une Notice historique et explicative sur la célèbre inscription de Bologne : Aelia Laelia Crispis. (C’est par une erreur, à laquelle Mr Guilmeth est totalement étranger, qu’on a imprimé partout dans le Bulletin Lila au lieu de Lælia, qui est le véritable texte). Après les conjectures de vingt auteurs qui se sont occupés de cette bizarre épitaphe, l’interprétation qu’il en donne est encore admissible. Disons plus ; elle est, à nos yeux, la plus vraisemblable et la plus naturelle ; à moins, peut-
 [p. 165] être encore, que l’être idéal et indéfini auquel est consacré cette pierre ne soit la Vie en général, la Vie de l’auteur en particulier (supposition gratuite, que Mr A. Guilmeth dans une lettre adressée par lui à l’Académie Ebroïcienne et non rendue publique, a victorieusement réfutée). Bulletin de l’Académie Ebroïcienne, année 1834, page 14.
1833Examen critique du Mémoire de Mr. A. Le Prévost sur quelques monumens du département de l’Eure et particulièrement de l’arrondissement de Bernay, par Auguste Guilmeth, Premier Article, in 8°, imprimé à Louviers chez Achaintre, 2e édition.          L’histoire de cette brochure est trop ancienne pour ne pas être donnée ici avec quelques détails. Le 4 septembre 1830, M. Auguste Le Prévost écrivait à M. Guilmeth … (ce que prouve toute [????] [???] [???]) La première partie de cet Examen critique paraît au mois de [blanc] 1833, dans la [blanc]e livraison du Bulletin de l’Académie Ebroïcienne, et, quelques mois après, en une édition spéciale, qui est celle dont nous nous occupons. Voici ce qu’écrivait à Mr Guilmeth, au sujet de cet opuscule, Mr d’Avannes, président de l’Académie Ebroïcienne, sous date du 30 juin 1833 : « Je vois avec plaisir que vous consentez à nous laisser votre Critique du Mémoire de Mr. LePrévost ; le comité de rédaction s’en est occupé hier ; elle a même été l’objet d’un rapport écrit, qui vous a été extrêmement favorable ; elle est admise à l’impression. Le rapporteur a pensé que cet ouvrage, remarquable par une vaste description et une connaissance approfondie de l’histoire de notre province, offre le plus grand intérêt et ouvre dignement cette carrière de controverse d’où peut seule jaillir la lumière (Extrait textuellement du rapport du comité de rédaction). Vous voyez, Monsieur, que l’on sait apprécier votre travail, etc. » Malgré ce pompeux éloge, l’Examen critique du Mémoire de Mr A. Le Prévost, qui devait paraître dans le bulletin de l’Académie Ebroïcienne en trois articles séparés et distincts, n’y parut qu’en deux ; [???] [???] [????] [???] et on s’y prit de telle manière que l’imprimeur Achaintre eut ordre de briser la planche avant que l’article [p. 166] Deuxième, inséré dans le bulletin de 1834, livraison du mois [blanc], eût été tiré en seconde édition ou édition spéciale. Voici pourquoi. [à reporter page 60 jusqu’à ] Lorsque, en 1831, Mr. Guilmeth autorisa, dans un but de philanthropique bienfaisance, dont tous ses concitoyens connaissent parfaitement le but, Mr Henri Hue à publier sa Notice sur le château de Brionne, il fut convenu et arrêté, entre autres dispositions prises par l’auteur pour cette publication, qu’elle ne paraîtrait point avec son nom, mais seulement son prénom d’Auguste, suivi de trois étoiles. Cette prescription fut religieusement remplie par Mr. Hue, qui, sur l’invitation même de Mr Guilmeth, en adressa gratuitement un exemplaire à divers savants ou archéologues, notamment à Mr Auguste Le Prévost, de Bernay, qui, par une lettre datée du 30 juillet, remercia gracieusement Mr Hue de cet envoi. Cette brochure eut à Brionne et dans tout l’Arrondissement de Bernay un succès prodigieux. Mr Le Prévost, qui, apparemment, se regardait comme étant dans ce pays le prince suprême de la science historique et archéologique, se sentit piqué par un sentiment, que nous n’oserions appeler de la jalousie, mais que nous appellerons une ridicule haine, parce que, en effet, il nourrissait en ce moment contre Mr Guilmeth une haine d’autant plus implacable qu’elle n’avait aucune source juste ou légitime. Il s’écria et répéta à plusieurs reprises que tout le succès de la Notice sur le château de Brionne venait de ce que l’on avait présenté au public cette brochure comme étant son œuvre particulière, à lui Le Prévost, attendu qu’elle était signée Auguste xxx. Mr Le Prévost ajouta beaucoup de choses encore, et ce fut incontestablement pour calmer sa douleur et désabuser le public, que, l’année suivante, dans un rapport fait à la Société Libre d’Evreux, [p. 167] par Mr. De Stabenrath, l’un de ses admirateurs et de ses séides, rapport imprimé dans le recueil des travaux de cette société, tome IIIe, page 57, celui-ci s’écriait en parlant du fameux Mémoire de Mr A. Le Prévost avec une visible outrecuidance : « Nous regrettons que l’auteur d’une Notice sur le château de Brionne n’ait pas lu la partie de l’ouvrage de votre savant confrère qui a rapport avec cette ville ; il y aurait puisé des renseignemens précieux, et son opuscule, intéressant surtout pour ses compatriotes, serait sorti plus parfait des presses de l’Editeur. » Mr. Guilmeth prit note de cette ruade. Une année se passa pendant laquelle Mr Guilmeth ne publia rien ou presque rien qui fût relatif à l’arrondissement de Bernay. Mais, en 1833, au moment où il se disposait à livrer au public son Histoire de la ville de Brionne suivie de Notices sur diverses localités des arrondissements de Bernay et de Pont-Audemer, il se rappela que, fort souvent il citait dans cet ouvrage le nom de Mr A. Le Prévost, comme garant de plusieurs faits ou évènements historiques, dont il n’avait pu vérifier l’authenticité et dont il devait par conséquent lui laisser la responsabilité. Il se rappela aussi que, au sujet de quelques autres publications, Mr A. Le Prévost avait du se vanter d’avoir fourni des notes manuscrites à M. A. Guilmeth, ce qui était de la plus insigne fausseté ; il se rappela que beaucoup de personnes, frappées sans doute de voir figurer aussi souvent le nom de Mr Le Prévost dans les [ ???] de Mr Guilmeth, qui, comme nous venons de le dire, n’avait d’autre but que de faire acte de conscience et de délicatesse en rendant à César tout ce qui appartenait à César et à Mr Le Prévost ce qui appartenait à Mr Le Prévost, en avaient fort légèrement conclu que ce dernier était le collaborateur de Mr Guilmeth et lui avaient même quelquefois écrit en cette qualité, ce qui avait fort irrité le roi des Antiquaires normands ; et [p. 168] se rappela enfin le rapport fait en 18[blanc] à la Société Libre de l’Eure par Mr de Stabenrath. Alors pour se mettre à l’abri d’un orage qu’il voyait poindre mais que [ ?????] calomnieux ou mensonger il n’avait [ ????] nullement travaillé à attirer sur sa tête, il dut chercher à prouver d’un seul coup et tout à la fois : 1° à Mr de Stabenrath et à tous les membres de la Société Libre de l’Eure que Mr A. Guilmeth avait parfaitement lu le fameux Mémoire de leur savant confrère Mr Le Prévost et que ce dit confrère était loin d’être aussi savant qu’ils se l’imaginaient ; 2° à Mr Le Prévost lui-même qu’il avait commis une erreur en se vantant d’avoir fourni des renseignemens manuscrits à Mr Guilmeth, chose que ce dernier nie énergiquement et qu’il met Mr Le Prévost au plus grand défi de lui prouver, tandis que lui, au contraire, lui montrera pièces en main, par sa propre correspondance, qu’il l’a fort souvent aidé de ses recherches et du fruit de ses travaux citer ici le tome IV du M. des Antiq., la lettre de 1829; celle du [ ?] septembre 1830, et celle [ ?] du 6 octobre 1830 et celle du 6 mai 1831. =  et 3° enfin, à tous les habitants du département de l’Eure, que jamais Mr Auguste Le Prévost n’avait été et n’avait pu être le collaborateur de Mr A. Guilmeth. Or, pour obtenir ce triple et prompt résultat, que fallait-il faire ?… Publier l’Examen critique que Mr A. Guilmeth avait fait en 1830 du Mémoire de Mr A. Le Prévost, non pas par haine ou par jalousie, comme l’a impudemment affirmé le sieur Canel dans sa Revue Trimestrielle ou Historique, mais bien pour rendre service et complaire à Mr Le Prévost lui-même, ainsi que l’atteste ce passage d’une lettre écrite par celui-ci à Mr A. Guilmeth le 4 septembre 1830 : « J’ai bien l’intention de remanier complètement mon Mémoire, mais pas encore eu le temps de m’en occuper. Vous me rendrez un grand service en vous donnant la peine de rédiger et de me transmettre vos observations. Je vous prie d’y consacrer quelques uns de vos loisirs, etc. » Mr Guilmeth, accoutumé depuis longtemps à rendre de ces sortes de services à Mr Le Prévost, se mit à l’œuvre sur le champ, et transmit au grand antiquaire l’Examen Critique que nous connaissons. Plus tard, Mr Guilmeth et Mr. Le Prévost se brouillèrent. Le premier redemanda son travail au second, qui, sous une foule de prétextes, refusa longtemps de le lui remettre. Enfin, Mr Guilmeth parla d’huissiers, et Mr Le Prévost fut obligé de s’exécuter. Pressentant la douleur du coup qu’il allait porter, Mr Guilmeth hésita d’abord et redemanda à l’Acad. Ebroï. son manuscrit, cependant, comme il fallait après tout, mettre fin aux calomnies de Mr Canel et aux ridicules déclamations de Mr Le Prévost et de ses adeptes, il se décida à le laisser. Voici ce que Mr d’Avannes, président de cette académie, écrivait à Mr Guilmeth le 30 juin 1833 : « Je vois avec plaisir   etc. » La Première Partie de l’Examen Critique parut donc, ainsi [p. 169] que nous venons de le dire, dans le Bulletin de l’Académie Ebroïcienne, livraison du mois de [blanc] 1833. Cette publication fut un coup de foudre pour Mr A. Le Prévost et sa coterie. Le chef se cacha de douleur ; ses adeptes hurlèrent de rage, et l’on peut voir par les articles publiés par Mr Canel, soit à la fin de son Essai statistique sur Pont-Audemer (où il accuse Mr Guilmeth de s’être dit le neveu de Mr. Le Prévost, note sur ce mensonge, avec mention de la préface de Brionne), soit dans les divers numéros de la prétendue Revue historique de l’Eure (ou de la Normandie) jusqu’où alla leur délire !!!… Jusque là, tout était bien dans le meilleur des mondes possibles. L’Examen critique, qui devait paraître en entier, c’est-à-dire, en trois bons et beaux articles, bien salés, bien poivrés, bien conditionnés, dans le bulletin de l’Académie Ebroïcienne, y aurait paru en effet. Mais malheureusement la dite Académie n’existait que par tolérance ; aucune ordonnance royale ou ministérielle n’avait encore autorisé sa création, et sa création ou si on le préfère son existence était une cause de ruine et de mort pour sa rivale la Société Libre, laquelle était l’œuvre de Mr Antoine Passy, préfet de l’Eure et intime ami de Mr Le Prévost, qui l’avait fait légaliser par le ministère, adopter et doter par le conseil général, etc., etc. La publication de l’Examen critique fut l’arrêt de mort de l’Académie Ebroïcienne qui, d’abord, pour éviter un procès dont la rivale la menaçait, fut forcée, dès le 7 juin 1833, de renoncer à son titre primitif d’Ancienne société, pour prendre celui d’Acad. Ebroïcienne, puis chercha en vain, par tous les moyens possibles, à se faire autoriser par ordonnance royale ou ministérielle, ce qui lui était légitimement du puisqu’elle comptait dix fois plus de membres que la société prétendue Libre, mais ce qui lui fut cruement refusé, attendu qu’il ne devait y avoir à Evreux qu’une seule société savante autorisée et que cette société y existait autorisée depuis plusieurs années déjà. Que devait faire l’Académie Ebroïcienne ; gagner du temps ? C’est ce qu’elle chercha à faire, en prenant vis-à-vis de Mr le préfet Passy et de son exigeant ami Mr Le Prévost, l’allure la plus douce, la mine la plus riante, enfin la tenue la plus gentille possible. Voici de quelle manière Mr Amédée Marc, dans un rapport imprimé au bulletin de l’année 1834, livraison de janvier, s’exprime sur l’Examen critique de Mr. Guilmeth ; on remarquera combien son langage est différent de celui du rapport du comité de rédaction mentionné dans la lettre de Mr d’Avannes, du 30 juin 1833. Voici ce que dit Mr Marc pages 14 et 15 : « Vous devez aussi à Mr Guilmeth un Examen critique, inséré partiellement au Bulletin, du Mémoire de Mr Auguste Le Prévost sur quelques monumens du département de l’Eure et particulièrement de l’Arrondissement de Bernay. Tout en rendant justice aux connaissances archéologiques de l’auteur, notre savant collègue relève plusieurs erreurs et un grand nombre d’inexactitudes, qui lui ont échappées. Des faits importants pour l’histoire, des détails ignorés, sont rétablis par Mr. Guilmeth, et formeront un intéressant appendice au Mémoire de Mr. Le Prévost. Vous suivrez avec plaisir, Messieurs, cette lutte pacifique, qui, toujours [p. 170] contenue dans les bornes d’une sage polémique, toujours animée d’un seul sentiment, l’amour de la vérité, ne peut manquer d’intéresser vivement les vrais amis de la science. » Assurément aucune académie ne pouvait se faire devant un homme si influent ou si puissant qu’il fût à la préfecture, plus petite et plus humble que ne se faisait en ce moment l’académie Ebroïcienne, dont l’humilité apparaîtra d’autant plus, lorsque l’on saura que déjà, dans la réunion du comité du 29 juin 1833, on avait fait au manuscrit de Mr A. Guilmeth un certain nombre de suppressions, principalement dans le commencement, dit une lettre de Mr d’Avannes, afin d’entrer plus promptement en matière. Malheureusement, ce n’est pas toujours en se faisant petit que l’on en impose le plus à ses ennemis. L’Académie Ebroïcienne, même en faisant subir à l’ouvrage de Mr Guilmeth, de notables suppressions, avait par en le publiant dans le recueil de ses travaux, fait à Mr Le Prévost une trop cuisante blessure pour que le baume dont elle cherchait à endormir la plaie pût avoir quelques efficacité. En effet, Mr A. Le Prévost, fortement appuyé par trois ou quatre de ses confrères d’Evreux, renouvela ses instances auprès de son excellent ami M. Passy pour mettre à mort cette société qui déjà obligée par la seule volonté du préfet de quitter son titre d’Ancienne société avait pris insolemment celui d’Académie Ebroïcienne et continuait, sous ce dernier titre, d’exister orgueilleusement dans le chef-lieu même de la préfecture, où Mr Passy avait tort de tolérer plus longtemps cet amas de légitimistes et de républicains exaltés, etc., etc. Bref, de nouvelles menaces furent faites à l’Académie, menaces que son habile président entreprit de conjurer au moyen d’une foule de petites concessions, etc., etc., que quelques légitimistes du pays, qui connaissaient beaucoup mieux que lui le terrain et les hommes, refusèrent d’approuver. C’est alors que Mr d’Avannes écrivit à un indiscret parisien la lettre dont il est question dans l’Echo de Rouen, n° du 8 juillet 1834. Nous avons expliqué, pages 130 à 133, les résultats de cette lutte qui, commencées dès le 8 mars, par la retraite de MM…., continua le 25 avril 1835 par celle de Mr Guilmeth (depuis regardée comme nulle et non avenue) pour finir en 1836 ou 1837. En voyant jusqu’où l’Académie Ebroïcienne était allée le 8 mars 1834 à l’égard de MM. de Langle, de la Pasture, etc., il fut facile à un esprit observateur de voir jusqu’où elle irait à l’égard de quelques autres membres moins haut placés dans la hiérarchie sociale. En effet, le 5 août 1834, Mr Marc, secrétaire perpétuel de ladite Académie, effrayé sans doute des réclamations de Mr. Le Prévost et des menaces de Mr. Passy, adressa à Mr Guilmeth, au sujet de son Examen critique, dont un tiers seulement avait paru dans le bulletin de l’année précédente, une lettre qui avait pour but de soumettre à l’auteur quelques explications sur le travail auquel le comité de rédaction avait été obligé de se livrer pour réduire ses intéressantes observations dans le cadre assez étroit que lui laissait la composition du Bulletin. « Ces observations, continue la lettre de Mr Marc, ne portent point au surplus sur ….. copier page 135… jusqu’à : criblé de fautes dans le Bulletin et ajouter : Du reste cette négligence de M. A. Guilmeth ne devait être fatale qu’au Bulletin de l’Académie Ebroïcienne car [???teur] dans le second tirage qu’il se disposait à faire faire de son Examen critique n’était pas [???] à laisser subsister toutes les grossières erreurs dont fourmille le texte du Bulletin, d’autant plus que cette 2e partie de l’Examen critique devait être, de même que l’avait été la première, distribué en grand nombre [p. 171] d’exemplaires dans le département de l’Eure. La première distribution avait eu trop de retentissement pour que la seconde passât inaperçue. C’est à quoi on réfléchit fort sagement à la préfecture d’Evreux. Le président ou l’un des vice-présidents fut mandé chez Mr Antoine Passy. Là on lui fit de vifs reproches de ce que l’Académie Ebroïcienne avait toléré dans son Bulletin l’impression de la 2e partie de la critique de Mr Guilmeth. L’académicien balbutia quelques excuses, basées principalement sur ce fait, à savoir : que, après ce qui s’était passé au sein de l’Académie le 8 mars où sept des 8 grands légitimistes démissionnaires, c’était donner à ladite académie le coup de mort en se brouillant avec Mr. A. Guilmeth, dont on ne pouvait au contraire menacer la trop juste susceptibilité [???] était à sa science que l’on devait les principaux articles intéressants [???] comme c’était à ses accroches que l’on devait les deux tiers des membres, comme c’était à ses conseils que l’on devait tout ce qui avait été adopté relativement au nouveau titre, aux nouveaux diplômes, au nouveau système de publication et de recouvrements, etc, etc, etc. [ ici en note extraits des lettres de M. d’Avannes]. Enfin, tout ce que put faire l’Académicien pour tâcher de calmer l’extrême irritation du préfet, fut : 1° de lui faire observer que l’ouvrage de M. Guilmeth qui devait paraître en trois articles dans le Bulletin avait été réduit d’un tiers et n’y avait paru qu’en deux non seulement [????] graphique [??] avoir sous le rapport scientifique ou littéraire [???] [???] article avait été tellement négligée, et négligée à dessein, que l’on avait ouvert, par ce moyen à Mr A. Le Prévost la porte des réclamations et des rectifications 3°que, dans le cas où il conviendrait à Mr Le Prévost de répondre, on s’engageait formellement à n’admettre de M. Guilmeth aucune espèce de répliques, attendu, lui dirait-on, que ce serait infiniment trop prolonger dans un bulletin scientifique une discussion qu’il avait ouverte, et que les exigences de bon ton le forçaient à laisser clore pour ne pas abuser de la patience de ses lecteurs, à la sagacité et à la science desquels il devait résulter le soin de prononcer en dernier ressort ; et 4° enfin que pour couronner l’œuvre, c’est-à-dire donner à Mr Le Prévost satisfaction entière, il serait immédiatement ordonné à l’imprimeur du Bulletin de briser de suite la planche du 2e article de Mr Guilmeth, de manière à ce que celui-ci ne pût en faire faire un nouveau tirage. Or, ce qui avait été promis à Mr le préfet fut rigoureusement accompli. Le sieur Achaintre eut l’ordre de briser la planche avant que Mr Guilmeth lui eût demandé un nouveau tirage, plus correct que le premier. M. Guilmeth, instruit de ce qui se passait par un ami [d??], qui malheureusement l’avertit trop tard, se plaignit amèrement à Mr le président de l’académie Ebroïcienne, qui, comme on le voit par sa lettre du 25 janvier 1835, proteste tout à la fois de la non-culpabilité de l’académie au sujet de la mauvaise correction des épreuves qui est du fait de l’un des vice-secrétaire et au sujet du bris de la planche par l’imprimeur, offrant pour consolation à Mr Guilmeth six exemplaires du n° du Bulletin contenant son article. [p. 172] quoique cela, fait observer judicieusement Mr d’Avannes, ne soit assurément pas une obligation, et quoique cela dépareille des Bulletins complets. Du reste, ce qui, mieux que toutes les inductions possibles, prouve avec quelle crainte l’Académie Ebroïcienne avait publié le Bulletin de 1834, numéro du mois de [blanc], pages 54 et suivantes, la 2e partie de l’Examen critique du Mémoire de Mr A. Le Prévost, c’est le ton avec laquelle est contraint d’en rendre compte dans le même bulletin de l’année 1834, pages 323 et 324. Mr Amédée Marc, son secrétaire perpétuel, dans son Rapport annuel sur les travaux de la dite société. « Vous avez vu, dit-il en tremblant, se compléter aussi, dans le Bulletin de cette dernière année, l’Examen critique commencé par Mr Guilmeth en 1833, du Mémoire de Mr A. Le Prévost, sur quelques monuments du département de l’Eure et particulièrement de l’arrondissement de Bernay. Nous devons du reste nous hâter d’ajouter, car il faut être juste envers tout le monde, que dans les lignes qui suivent ces derniers mots, Mr Amédée Marc reprend vivement courage en parlant de la Notice sur Verneuil du même auteur ; on voit que là, il ne redoute plus pour l’Académie, les effets de la haine ou de la rancœur personnelle. Les principaux ouvrages ou recueils dans lesquels il est fait mention de l’Examen critique des Mémoires de Mr Le Prévost, premier et deuxième articles, sont : en 1833, le Bulletin de l’Académie Ebroïcienne (alors Ancienne société d’Agriculture de l’Eure), pages 255 et suivantes ; En 1834, le Bulletin de l’Académie Ebroïcienne, pages 14 et 15, 54 et suivantes, 323 et 324 ; la Bibliographie française ou journal général de l’imprimerie et de la librairie, page 89 du texte (n°727) et page 124 des auteursEn 1835En 1836En 1837En 1838En 1839En 1840En 1841En 1842 En 1843En 1844En 1845En 1846, dans le Dictionnaire historique des communes de France par A. Girault de St Fargeau, tome 1er, page 788En 1847
1833[p. 173] Mémoire sur la commune de la Neuville du Bosc et principalement sur les Antiquités découvertes au hameau du Buhot, dépendant de la même commune, par Auguste Guilmeth, manuscrit. C’est de ce Mémoire, adressé en 1833 par son auteur avec quelques autres productions archéologiques et poétiques à la Société Libre de l’Eure, qu’il est question dans cette lettre que Mr H. Delarue, secrétaire perpétuel de ladite Société, adressait à Mr A. Guilmeth sous la date du 23 avril 1833 : « Monsieur, j’ai communiqué la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire et je lui ai remis les diverses productions que vous m’avez chargé de lui offrir. Elles ont été renvoyées à la section compétente qui, probablement, en demandera l’impression, etc. ». Mr A. Guilmeth qui n’avait fait cet envoi que parce qu’il se disposait alors ainsi que l’atteste la même lettre de Mr. H. Delarue à faire partie de la Société Libre, comme il faisait déjà partie de l’ancienne Société, se ravisa sur le conseil de plusieurs légitimistes, ses amis, et notamment sur celui de Mr d’Avannes (qui, dans ses lettres des 23 mai et 30 juin 1833, s’exprimait ainsi : pages 106 et 110). En conséquence, il écrivit à M. Delarue qu’il renonçait à sa candidature et qu’il priait la Société de ne publier aucun des manuscrits qu’il lui avait adressés, attendu qu’il se disposait à les revoir pour les retoucher, rectifier ou compléter. La Société libre de l’Eure se tint pour bien avertie, et le [???] Mémoire sur les Antiquités découvertes au Buhot n’a pas encore vu le jour. Du reste, c’est à tort que Mr Guilmeth lui-même a, dans son Histoire de la ville et des environs d’Elbeuf, 2e édition, page [blanc], note [blanc], fixé à l’année 183[blanc] la date de l’année de l’envoi de son mémoire à la Société Libre de l’Eure ; cet envoi, ainsi que le prouve la lettre de Mr Delarue, sus-mentionnée, n’est [??] réellement que du mois d’avril 1833.
1833La vallée de la Risle et la ville de Brionne par A. Guilmeth, manuscrit Cette élégante et gracieuse composition avait été destinée par l’auteur à remplacer dans le Keepseake normand la Notice Biographique et Littéraire sur Alexandre de [p. 174] Bernay et les vers Alexandrins que, Mr A. Guilmeth, comme on le voit par deux lettres, de Mr Thomas, l’un des collaborateurs-éditeurs de ce magnifique projet avait successivement envoyée puis réclamée à ce dernier. Voici, en effet, ce que dit M. Thomas dans cette lettre adressée par lui le 23 avril 1833 à Mr A. Guilmeth : « Il m’était vraiment pénible, après avoir eu entre les mains votre judicieux article Alexandre de Bernay, de ne plus avoir rien de vous. J’ai reçu alors avec un grand plaisir votre lettre d’hier. Ainsi j’en éprouve un double : celui de voir figurer votre nom dans notre recueil, et celui d’avoir une description d’une vallée que je me souviens avoir traversé il y a bien longtemps, etc. » Dans une autre lettre adressée au même sous la date du 7 mai suivant, Mr Thomas ajoute : « Grand merci de votre Vallée de la Risle, etc, etc. » Des événements ultérieurs ayant empêché MM. Morlent et Thomas de mettre à exécution le splendide projet qu’ils avaient formé au sujet de la publication du Keepseake Normand, la Vallée de la Risle de Mr Guilmeth est demeurée manuscrite.
1833Notes pour servir à l’histoire du comté d’Evreux par A. Guilmeth, – manuscrit. Le 14 mai 1833, Mr d’Avannes, président de l’Académie Ebroïcienne, adressait à Mr A. Guilmeth une lettre où il lui disait : « Vous trouverez à la feuille 2e du Bulletin, déjà tirée, etc., l’importunité de ma demande, etc, etc. ». Or, ce fut pour satisfaire à la demande de Mr d’Avannes que Mr Guilmeth, dans son extrême obligeance, composa ses Notes pour servir à l’histoire du comté d’Evreux, notes que Mr d’Avannes paraît avoir conservées manuscrites dans son portefeuille, puisque Mr A. Guilmeth n’a jamais entendu dire depuis, qu’elles aient été publiées, soit dans le Bulletin de l’Académie Ebroïcienne, soit dans tout autre recueil.
1833[p. 175] La fille de l’imprimeur, Chronique parisienne de 1475, par A. Guilmeth, – manuscrit Cet ouvrage fut originairement annoncé à deux reprises différentes par la Gazette de Normandie, dans ses numéros des 18 et 20 juin 1833, comme devant paraître dans le même volume qu’un autre ouvrage de Mr A. Guilmeth alors intitulé La Légitimité et l’usurpation, Histoire normande de 1124 lequel fut publié plus tard sous le titre de : Le Duc Roi. Du roman de la Fille de l’imprimeur, l’auteur fit depuis un drame historique qui fut reçu simultanément sur deux ou trois théâtres de Paris ; mais ni le drame ni le roman ne virent jamais le jour soit sur ces théâtres soit dans la librairie, grâce à certaines influences sacerdotales fort puissantes qui effrayèrent Mr A. Guilmeth sur le scandale qui en résulterait pour le bien de la religion. Cependant il paraît que Mr Guilmeth revint bientôt à son premier projet, qui était de publier ce sujet en roman, car, dans une lettre que lui écrivit le 8 août 1834 Mr Ch. Richard, directeur de la Revue de Rouen, on lit ce qui suit : « Monsieur, j’ai reçu comme directeur de la Revue de Rouen, l’article intitulé : La Fille de l’imprimeur – page 136 – au moins une feuille et demie »– ajouter en  note : Mr Ch. Richard ajoute : « je regrette tellement etc. Ch. Richard. ajouter ici l’article de 1837 – les citations du nom de Guilmeth faites dans les nombreux n° de la Revue – les vols commis par les rédacteurs à son préjudice – Ce qu’était la Revue, et ce qu’est son directeur etc, etc – voir le poète de l’Echo – et Mr [blanc] ancien président de l’Académie de Rouen.
1833Mémoire sur la station antique nominée Breviodurum ou Breviodurus, par A. Guilmeth, – manuscrit, avec cartes et plans. Ce mémoire avait été originairement destiné à l’Académie Ebroïcienne ainsi que le prouvent deux lettres adressées à l’auteur le 22 juin 1833 par Mr Edmond Marc, le 30 du même mois par Mr le président d’Avannes. Produit des fouilles exécutées sur le territoire de Brionne par A. Guilmeth pendant les années 1829, 1830, 1831 ([???], voir page 75), 1832 et 1833, ainsi que l’attestent les lettres de Mr A. Le Prévost en date  des 4 sept. 1830, 14 juin 1833 sa notice A.(rchéologique] dans l’[annuaire ?] 183[blanc] ; page [blanc] et sa notice archéologique sur le département de l’Eure, société libre, page [blanc], de M. Louis du Bois en date des 8 et 15 juin 1831, 17 septembre de la même année, et enfin de Mr Colombel ; en date du 6 juillet 1833 ; – [p. 176] Voici de quelle manière s’exprime ce dernier[202] qui avait entendu dire que Mr A. Guilmeth devait donner son Mémoire à la Société des Antiquaires de Normandie : «  Je verrais avec peine, dans votre intérêt comme dans le vôtre, que votre Mémoire sur Breviodurum parût dans un autre recueil que celui de l’Académie Ebroïcienne, qui, comme je vous l’ai déjà dit (dans une lettre en date du [blanc]), peut seule lui assurer une grande publicité dans le département. … J’aurais désiré que vous eussiez pu nous livrer ce mémoire dans les premiers jours de septembre ; alors, nous aurions pris nos mesures pour faire paraître un bulletin de plus en 1833, etc, etc ». Mais Mr Guilmeth, tant à cause des convenances qu’à cause de certaines conditions que, dans cette même lettre du président de l’Académie Ebroïcienne, lui faisait faire le comité de rédaction de cette académie pour l’impression ou la publication de ce mémoire, se décida définitivement à en faire don à la Société des Antiquaires de Normandie, des mains de laquelle il finit par le retirer également à cause des circonstances mentionnées dans cette lettre que Mr A. de Caumont, secrétaire de cette société, lui adressait sous la date du 15 août 1833. « La Société des Antiquaires est entrée en vacance au mois de juillet, et ne recommencera ses travaux qu’en novembre. Je ne peux vous donner aucune solution pour le moment, relativement à la publication des planches qui seraient jointes à votre Mémoire sur Breviodurum. Seulement je ne crois pas que l’on puisse procéder d’ici à quelque temps à la publication des mémoires, qui seront envoyés, attendu que M. Léchaudé d’Anisy a présenté il y a deux ans un grand travail sur les sceaux du moyen-âge, lequel formera 2 volumes, et coûtera d’impression plus de quatre mille francs à la compagnie. Le 6e volume est terminé et va paraître, mais je ne puis dire quand commencera l’impression du 9; les 7e et 8e étant entièrement remplis par le travail de Mr Léchaudé, etc. » Ainsi ce fut la publication du travail de Mr Léchaudé d’Anisy et une question de planches qui empêchèrent la Société des Antiquaires de Normandie de publier le Mémoire de Mr Guilmeth sur Breviodurum.
1833[p. 177] Notes historiques, topographiques et statistiques sur le département de l’Eure, par A. Guilmeth, – manuscrit On a vu que la facilité avec laquelle Mr A. Guilmeth accordait ses notes à tous ceux qui en sollicitaient de sa bienveillance encouragerait facilement à lui adresser de nouvelles demandes. Le 22 novembre 1833, Mr d’Avannes, président de l’Académie Ebroïcienne, auquel M. A. Guilmeth avait déjà à plusieurs reprises, rendu de semblables services, lui adressait la lettre suivante : « Pourriez-vous me rendre le service de me transmettre – page 125- La réponse de Mr Guilmeth ne se fit pas attendre et dès le mois de [blanc] 1834 ; Mr d’Avannes put publier dans le Bulletin de l’Académie Ebroïcienne page [blanc] une notice assez intéressante, quoique rédigée d’une manière un peu sèche et aride, intitulée Notice [blanc] sur le département de l’Eure[203]. Et pour remerciement des matériaux qu’il avait fournis, Mr A. Guilmeth [reçut] de Mr d’Avannes sous la date du 11 mai 1834, une lettre où celui-ci lui disait [????] « J’ignore si on vous a envoyé, comme je l’avais recommandé, une exemplaire de l’extrait de ma Notice sur l’Eure… ».
1833Essai historique, archéologique et statistique sur la ville et l’arrondissement de Pont-Audemer, par Mr A. Canel, avocat, première partie, imprimé à Rouen chez Brière – deuxième partie, imprimée, 1835, id. Dans ce volume, imprimé à Rouen chez Brière, dans le courant de l’année 1833, on lit, page [blanc], la phrase suivante : (transcrire cette phrase). Dans un ouvrage de M. A. Guilmeth, sur le même sujet, publié dès 1832, on lit page [blanc], la phrase suivante qui atteste combien Mr A. Canel a su calquer avec érudition la modeste brochure de Mr A. Guilmeth, dans la distribution de ses matières, dans la composition de ses chapitres, et jusque dans les termes qui commencent la plupart de ses alinéas : copier la phrase de Mr Guilmeth. Mais ce qui prouve incontestablement la supériorité de l’imitateur sur son modèle, c’est que sur la seule ville de Pont-Audemer et tout en supprimant plusieurs faits au lieu d’en ajouter, l’avocat antiquaire a su, d’une brochure de [blanc] pages de texte, fabriquer un gros volume in 8° de [blanc] pages d’impression[204]. [p. 178] Il est vrai que, pour couronner l’œuvre, il a soin d’ajouter en post-scriptum[205] à la fin de ce même volume que c’est lui qui a fourni à Mr A. Guilmeth toutes les notes qui composent sa brochure, même la fameuse phrase : [blanc] citée plus haut. Malheureusement, le jour où il écrivait cette [???] allusion(?), Mr Canel avait oublié que non seulement il avait envoyé des notes à Mr A. Guilmeth mais encore que ces notes étaient entièrement écrites de sa main, et que, sauf deux ou trois faits fort insignifiants, pas un des [??] fournis par lui ne figurent dans la Notice sur Pont-Audemer, attendu, dit Mr A. Guilmeth dans la préface qui précède cette notice, que la plupart de ces renseignemens sont erronés. Une pareille phrase pour une cause dont on peut rire le [??] dans une lettre adressée à Mr A. Guilmeth le 26 juin 1832, par Mr P. Philippe, alors professeur de dessin à Pont-Audemer dut souverainement déplaire à Mr Canel. Aussi, dans le post-scriptum dont nous parlons, ce dernier s’en donna-t-il à coeur joie. Au lieu de répondre à Mr Guilmeth, il accabla celui-ci d’injurieuses personnalités, l’acusa de faits faux et constit[??] la calomnie la plus noire, etc, etc. Mr Guilmeth un moment écrasé sous cette avalanche d’ordures se releva bientôt, et dans la préface de son Histoire de la ville de Brionne, rendit vigoureusement à son adversaire les coups, qu’il en avait reçus (voir plus bas l’article de l’Histoire de Brionne). Ce dernier, fort batailleur à ce qu’il paraît, ne se tint pas pour battu, et dans un deuxième volume qu’il publia sur l’Arrondissement de Pont-Audemer vers la fin de l’année 1835 et non pas en 1834, comme on le lit au frontispice du volume (ce qui par [???] appelle le fameux axiome : fronti nulla fides), attaqua de nouveau avec une violence inouïe Mr A. Guilmeth, qui, satisfait de sa première réponse, ne crut pas devoir prolonger davantage cette lutte digne des crocheteurs de la halle et s’abstint de [???] de toute nouvelle réplique. – voir le 2e volume de Mr A. Canel, pages [blanc] et [blanc].
1834[p. 179] Histoire de la ville de Brionne, suivie de Notices sur les endroits circonvoisins[206], par Auguste Guilmeth, en vol. in 8° avec planches, imprimée chez Achaintre à Louviers. Ce volume se divise en deux parties fort distinctes [??], chacune sa pagination à part, savoir : l’Histoire de Brionne proprement dite, imprimée en 1833-1834 chez Achaintre à Louviers, et ayant [blanc] pages d’impression (non comprise la préface), et les Notices, imprimées dès 1827-1830 chez Brière à Rouen, et ayant [blanc] pages d’impression. C’est dans la préface placée en tête de l’Histoire de Brionne que se trouve la brûlante réponse donnée par Mr A. Guilmeth aux outrages lancés contre lui par Mr Canel, dans le 1er volume de la Statistique de Pont-Audemer par Mr Canel et qui contrariait si fort les sentiments chrétiens, bienveillants et pacifiques de Mr l’abbé Cochet, ami dudit Canel (voir les lettres de [??]). Du reste ce n’est pas seulement une vigoureuse réplique aux atroces insultes de Mr Canel que contient cette préface qui n’a pas moins de 16 pages d’étendue [???] enrichies de curieuses notes [???] texte, elle contient aussi de forts curieux détails sur certaine [???] faite à Mr A. Guilmeth par Mr A. Le Prévost, et surtout des détails fort piquants sur la manière dont certains imprimeurs ou éditeurs de province entendent parfois la manière de servir les intérêts des malheureux écrivains qui se confie? en leur loyauté et leur bonne foi – Dans la 2e partie de sa Statistique de Pont-Audemer, [???] le mois d’aout ou de septembre 1835, Mr A. Canel entreprit de recommencer contre Mr Guilmeth la lutte qui lui avait été jusqu’alors si défavorable. Mr Guilmeth répondit par un sage et noble silence à ce nouveau débordement d’injures, mais Mr Canel, ou quelqu’un de ses amis pour lui, crut devoir continuer à batailler dans les n°s de sa [???] Revue trimestrielle de l’Eure, qui pour avoir voulu s’affubler du titre pompeux de Revue historique des cinq départements de la Normandie, mourut d’inaction et de misère, trente six mois après sa naissance[207]. Les principales publications où il est fait mention de l’Histoire de la ville de Brionne sont : en 1834, la Bibliographie française ou journal général de l’imprimerie et de la librairie, page 414 du texte (n°3522) et page 124 de la table des Auteurs.
 [p. 180] en 1835, dans l’Histoire de Normandie, par G. B. Depping, in 8°, tome 1er  page 217.en 1836,en 1837,en 1838,en 1839,en 1840,en 1841,en 1842,en 1843,en 1844,en 1845,en 1846, dans le Dictionnaire géographique et historique des communes de France par A. Girault de St. Fargeau, tome 1er page 415en 1847,
1834Notice historique sur la ville de Verneuil par A. Guilmeth, in 8°, deuxième édition, imprimé à Louviers chez Achaintre. Cette notice sur laquelle a été calquée celle que Mr G. Vaugeois de L’Aigle[208] a [???] avait été envoyée par son auteur à l’académie Ebroïcienne dès le mois de septembre 1833, est ainsi mentionnée dans une lettre adressée à Mr A. Guilmeth par Mr d’Avannes sous la date du 25 janvier 1834 : «  A la dernière réunion du comité de rédaction, votre notice sur Verneuil a été admise à l’impression ; je présume qu’elle paraîtra dans le cahier n°3, etc. etc. » En effet, cette notice sur laquelle a été calquée par Mr Vaugeois de Laigle celle qu’en 1835, cet antiquaire publia lui-même sur le même sujet dans la Revue trimestrielle de l’Eure, n° de juillet, avec cette seule différence que pour se conformer sans doute à l’usage adopté par les directeurs et collaborateurs de cette revue, il a métamorphosé les lignes élégantes de Mr. A. Guilmeth, en autant de lourdes pages in 8°, cette notice, disons-nous, parut dans le recueil de l’année 1834 pages 204 et suivantes. Voici de quelle manière, dans le rapport placé à la fin du même volume, s’exprime en parlant [???] [???] [???] de la notice [???] par Mr Guilmeth, Mr Amédée Marc, secrétaire perpétuel de l’Académie Ebroïcienne, pages 323 et 324 : « Mais Monsieur
 [p.181] Guilmeth ne se borne pas au rôle si difficile et si ingrat de critique ; il promet à notre département l’histoire particulière de chacune de ses villes, et nous en a donné les prémices dans sa Notice sur Verneuil. Là se trouvent réunis tous les grands souvenirs qui se rattachent à ces vieilles murailles, aujourd’hui converties en promenades, si souvent défendues ou reconquises par nos ancêtres. L’histoire s’est arrêté, et il a eu raison peut-être, à la fin du siècle dernier. Quelques lignes de plus, et il lui aurait fallu rappeler à la population glacée d’horreur ce dernier crime de la République expirante, qui fusilla sous ses yeux Mr. De Frotté et quelques Français prisonniers avec lui mais prisonniers volontaires, prisonniers sur la foi d’une amnistie promise, prisonniers de guerre civile pour tout dire en un mot[209]. Il aurait fallu montrer la fosse dans laquelle tombèrent confondus le chef et les soldats vendéens… Et ce champ du sang, c’est précisément celui où tant de Français, leurs aïeux peut-être, moururent autrefois pour conserver la couronne de France à Charles VII, le roi légitime. Eux aussi pourtant étaient braves ; eux aussi avaient devant eux etc ». Nous ne suivrons pas plus loin Mr Amédée Marc dans sa brillante et chaleureuse appréciation de l’œuvre de Mr. Guilmeth ; nous nous bornerons à dire, relativement à l’assassinat de Mr de Frotté et de ses nobles compagnons, sur le sol vernolien, que Mr. A. Guilmeth n’avait point attendu le reproche que lui adresse Mr Marc pour réparer dans la seconde édition de son ouvrage, ainsi qu’on peut s’en assurer à la page [blanc], nous ne dirons pas un oubli, qui serait presque un sacrilège, mais une omission qui fut de sa part toute volontaire, parce qu’il avait redouté que le pouvoir fondé en 1830 ne vit dans la narration exacte et détaillée de ce fait un repentir ou une vengeance politique dont il eût peut-être fait bien vite à l’Académie Ebroïcienne. Les craintes manifestées par cette académie au sujet de l’ode aux poètes détracteurs de l’Ancienne France avaient appris à Mr. Guilmeth à se montrer
 [p.182] réservé sur les matières politiques, et c’est à cela seul qu’est due la lacune que Mr Amédée Marc signale dans l’édition du Bulletin, lacune que l’auteur avait déjà déploré  et qu’il dut [???] [???] depuis la p[???] du rapport [???] [???], mais qu’il s’était hâté, nous le répétons, de combler dans la seconde édition de sa brochure longtemps avant que le rapport ne put venir lui apprendre que, même pour complaire à une académie quelconque, on ne doit jamais porter la prudence jusqu’à l’excès. Les principaux recueils ou ouvrages qui font mention de la Notice sur Verneuil par Mr A. Guilmeth sont : en 1834, en 1835,en 1836,en 1837,en 1838,en 1839,en 1840,en 1841,en 1842,en 1843,en 1844,en 1845,en 1846, en 1847.
1835Le Duc-Roi ou les insurgés brionnais, histoire normande de 1124, par Auguste Guilmeth ; 1ère édition imprimée aux Andelys chez Saillot ainé ; 2e édition imprimée à Rouen chez Nicétas Périaux, 1 vol. in 8° Cet ouvrage, annoncé d’abord au public par la Gazette de Normandie, n°s des 18 et 20 juin 1833, sous le titre de : La légitimité et l’usurpation, histoire de
 [p.183] Normandie de 1124, devait être, ainsi que le prouvent les deux n°s du journal dont nous parlons, originairement accompagné de la Fille de l’imprimeur, chronique parisienne de 1475, qui en fut depuis séparée. Diverses circonstances forcèrent Mr A. Guilmeth à différer la publication de ce roman, purement légitimiste, mais d’autres circonstances, beaucoup plus impérieuses que les premières, le forcèrent enfin de l[???] à l’impression. Voici pourquoi. Le 8 mars 1834, une explication fort vive eut lieu [???] de l’Académie Ebroïcienne entre Mr d’Avannes, président de cette Académie, et MM. Delangle, de la Pasture, etc, membres de la même société, qui, à la suite de cette discussion, donnèrent en masse leur démission. Le 8 juillet suivant, l’Echo de Rouen, rendait compte de cette séance, contenu qui couvrit de ridicules l’académie où cela s’était passé. Mais ce qu’il y eut de plus regrettable – etc – page 132 – jusqu’à les résultats. Bref la position de Mr Guilmeth devint intolérable. Pour anéantir les mauvais propos qui circulaient contre lui page 140-141 jusqu’à : c’est ce que l’on fit. Pour se faire une idée des [???] du sieur Saillot, il faut li[???] [???] – page 138- citer ces 3 4 lettres – Enfin, le malheureux roman, tout meurtri, tout souillé, tout bouleversé parut à la librairie de Mr Saillot aux Andelys sous [???] titre [???]Les Insurgés, qui n’était pas [???] et qui par conséquent [???] [???] [???] pacte. Le 25 janvier 1835, Mr Saillot adressa à Mr Guilmeth une lettre ainsi conçue : Monsieur, [???] page 142 jusqu’à départementale – Mr Guilmeth [???] [???] ici [???] [???] des a[???] [???]tions ??? que l’on avait fait subir à son ouvrage qu’il en fit immédiatement faire un nouveau tirage à Rouen chez Mr Nicétas Périaux. Cette seconde édition [???] [???] [???] [????] [???] de Le Duc-Roi [???] [???] éloigné du texte [???] instable, du texte du [???] dont le [???] [???] [???] [???] [???] [???] [???] [???] de la correction typographique [???] [???] entièrement supérieur à l’édition donnée par le sieur Saillot. Cette seconde édition [???] [???]  de la [???] des [???]gnés, de [???] [???] [???] [???] tradition fantastique croyan[??] [???], mœurs et  usages du Moyen Âge. La première partie d[???] [???] [???] comprend : [???] [???] B[???] et Notices, l[???] et [???], [???] de [???] Les principales publications où il soit question du duc-Roi, 1e et 2e édition, sont : en 1835, la Bibliographie française, page 276 et 388 du texte (n°s 2354 et 3293) et page 115 de la table des auteurs, et la Revue Normande page 578, en 1836en 1837
 [p.184] en 1838,en 1839,en 1840,en 1841,en 1842,en 1843,en 1844,en 1845,en 1846, en 1847.
1835Notices historiques sur la ville et les environs d’Evreux, le bourg de Gaillon, le Château Gaillard et le bourg d’Ecouis près Andelys, par A. Guilmeth, in 8°, orné d’une planche lithographiée et de quatre planches gravées sur acier ; imprimé à Rouen, chez Nicétas Périaux, Les principaux ouvrages ou recueils mentionnant ces notices sont : en 1835 la Bibliographie française, pages 554 du texte (sous le numéro 4843) et page 115 de la Table des Auteurs. en 1836,en 1837,en 1838,en 1839,en 1840,en 1841,en 1842,en 1843,en 1844,en 1845,en 1846, dans le Dictionnaire géographique et historique des communes de France par A. Girault de St Fargeau, tome 1er pages 748 et 794, et tome 2e page 80. en 1847. La belle lithographie qui est en tête de ce volume et qui représente la cathédrale d’Evreux, était [???]ment prisée à l’académie ébroïcienne par certains personnages fort habitués à faire leur profit des notes ou des publications de Mr A. Guilmeth. Voici en effet ce que Mr Edmond Marc, chargé par interim des fonctions de secrétaire perpétuel de la dite société, écrivait à Mr A. Guilmeth le 12 septembre 1835, en lui adressant les remerciements
 [p.185] de sa compagnie pour l’envoi qu’il avait bien voulu lui faire de son ouvrage intitulé Le Duc Roi et des dites Notices sur la ville et les environs d’Evreux : « Monsieur, l’Académie me charge de vous transmettre ses remerciements de l’envoi que vous lui avez fait de vos deux ouvrages (le Duc-Roi et les Notices historiques sur la ville et les environs d’Evreux)… L’Académie a vu avec satisfaction et a justement apprécié le mérite de votre reproduction d’une gravure de la cathédrale d’Evreux. Elle me charge de vous proposer (si toutefois la chose est possible) de traiter avec vous, soit pour la cession de la pierre, soit pour l’acquisition de 800 exemplaires de votre lithographie… Elles (en lithographies) accompagneraient (soit dans le dernier n° du Bulletin de 1835, soit les premiers n°s de celui de 1836) une courte notice sur Evreux, à laquelle on mettrait une note, indiquant que cette gravure a été publiée par vous et qu’elle se trouve avec votre ouvrage chez tel ou tel libraire ». Ici en note : La lettre de Mr Edmond Marc se termine ainsi : nous aimons à croire que les nouvelles relations etc page 154, y ajouter la démission et tous les détails – Le 16 octobre suivant, Mr Baudry, l’un des vice-secrétaires de l’Académie Ebroïcienne revenait à son tour à la charge : « Monsieur, il faudrait faire en sorte que la pierre lithographique fut remise à l’Académie dans le courant de décembre et qu’elle fût insérée (sic) dans le 1er n° du bulletin qui paraîtrait au 1er février – copier page 155 jusqu’à : Edouard Frère sur le port ». La lettre de Mr Baudry se termine ainsi : « Quant à votre Notice sur le royaume d’Yvetot, vous concevez que, quelque bonne opinion à en avoir, c’est au comité de rédaction seul qu’il appartient de statuer ; je doute qu’il puisse accorder plus d’une feuille à un même auteur dans un cahier ; Mr d’Avannes lui-même a payé en supplément, etc, etc. »   Le présent manuscrit contenant 185 pages, cotées et paraphées depuis la première jusqu’à la dernière par le soussigné [Signature]

[1] A. Lestringant, libraire de la Société de l’histoire de Normandie, à Rouen.

[2] Ce titre laisse penser à l’existence d’un second volume, au moins, mais nous n’en avons pu en trouver la trace. Néanmoins, la bibliothèque patrimoniale de Rouen conserve une nouvelle version de l’autographie qui reprend ces premières décennies et les poursuivent. Manuscrits de la bibliothèque de Rouen, MS 239-240 (Ms g. 96). Tome 1 : Mémoires (1807-1858) et œuvres d’Auguste Guilmeth. Tome 2 : œuvres inédites de Guilmeth dont notes sur différentes communes des départements du Pas-de-Calais et de l’Aisne et une notice historique sur le château de Robert le Diable, à Moulineaux.

[3] Cette expression n’est pas une coquetterie d’A. Guilmeth. Elle est tirée de son acte de naissance. Archives départementales de l’Eure, registres des naissances de la commune de Brionne, 8 Mi 857, 1803-1819. A cette époque, les vétérinaires soignent surtout les chevaux et les bestiaux. Robert Alexandre Guillemette meurt le 9 mars 1852, à Brionne 8 Mi 867 (1846-1861)

[4] Guilmeth fait probablement une erreur de date. S’il fixe son baptême trois jours après sa naissance, la cérémonie a donc dû avoir lieu le 5 ou le 6 septembre 1807.

[5] Allusion à une critique d’Alfred Canel, historien de Pont-Audemer. Canel Alfred, Essai historique, archéologique et statistique sur l’arrondissement de Pont-Audemer, Chez Lance, 1834, vol.2, p. 504. Guilmeth et Canel se détestent comme le prouve le contenu de ces mémoires.

[6] L’Etat-civil de Brionne persiste à nommer la famille « Guillemette ».

[7] Aujourd’hui Bournainville-Faverolles, près de Thiberville.

[8] Guilmeth débute à peine ses mémoires et déjà il ne peut s’empêcher de citer ses ennemis et alter-ego : Auguste Le Prévost (1787-1859), archéologue et historien de la région de Bernay, Alfred Canel (1803-1879) auteur de travaux historiques sur Pont-Audemer et la Normandie en général et Louis Dubois (1773-1855), historien également de la province. On apprend dans ses deuxièmes mémoires que Du Bois était surnommé à Bernay « Bois sec » ou « Pette-la-Faim », sûrement pour sa maigreur.

[9] Sous la Restauration, le département de l’Eure compte 4 collègues communaux : Evreux, Bernay, Vernon et Gisors. Ils sont financés par la ville. A l’exception de celui d’Evreux, leur réputation est médiocre, faute d’enseignants nombreux et bien formés. En 1826, le conseil d’administration du collège de Bernay avait demandé le renouvellement du corps professoral pour rétablir la confiance des parents dans la qualité de l’enseignement. Jean Vidalenc, Le Département de l’Eure sous la Monarchie constitutionnelle (1814-1848), Paris, M. Rivière, 1952, p.592-596

[10] Au XIXe siècle, les petits séminaires sont des écoles préparant enfants et adolescents à la carrière ecclésiastique même si dans la réalité, beaucoup d’élèves ne suivront finalement pas cette voie tracée. On entre au petit séminaire au plus tôt vers 12-13 ans. Il s’agit donc d’une école d’enseignement secondaire comme nos collèges et nos lycées. Guilmeth incorpore le petit séminaire d’Ecouis à 17 ans. Généralement installés en ville, les petits séminaires préfèrent parfois l’isolement de la campagne, comme à Ecouis, modeste village de 600-700 habitants à l’époque de la jeunesse de Guilmeth. Fondé en 1819 par l’abbé Mélissent, cet établissement est donc récent. Il compte en 1820 220 élèves.

[11] Pierre-Jacques Jouen (1795-1885) est nommé supérieur du petit séminaire d’Ecouis en 1819, puis curé de la paroisse d’Ecouis et enfin chanoine de la cathédrale d’Evreux.

[12] Un collège de cette époque est dirigé par un principal, assisté de régents, l’équivalent de professeurs, pour différentes disciplines (mathématique, philosophie, histoire, humanités…) et de maîtres d’études en bas de la hiérarchie. Il faut être reçu bachelier ès-lettres pour prétendre à un poste de maître des études. Le principal de Bernay promet un poste de maître d’études à Guilmeth puis de régent. Les régents sont choisis par le bureau d’administration du collège dont fait partie le principal et leur proposition est soumise au recteur.

[13] Avant 1830, le baccalauréat est un examen oral devant un jury.

[14] Très certainement l’abbé Guillaume Antoine Faucon (1769-1851) que nous allons retrouver, avec son fils dans les pages suivantes. Condette Jean-François, « FAUCON Guillaume Antoine, abbé », dans Les recteurs d’académie en France de 1808 à 1940. Tome II, Dictionnaire biographique, Paris, Institut national de recherche pédagogique, 2006. p. 175. (Histoire biographique de l’enseignement, 12)

[15] En ce temps, principal, régents et maîtres d’étude sont astreints à la vie commune.

[16] En 1762, les jésuites sont expulsés du royaume de France mais ils reviennent au début du XIXe siècle, sans qu’une loi ne les autorise. Aux portes de Paris, Montrouge accueille un de leurs noviciats. Par les adeptes du complot jésuite, cette maison est considérée comme le centre de leur pouvoir occulte. C’est de là qu’on dicterait les lois aux ministres, qu’on régenterait les princes, qu’on dirigerait la police, et qu’on déciderait de la guerre et de la paix. Jacques Crétineau-Joly, Histoire religieuse, politique et littéraire de la Compagnie de Jésus, vol. 6, P. Melier, 1846, p.170. Les journaux d’opposition désignaient ce lieu « l’antre de Montrouge ».

[17] Pierre Ladavière (1777-1858) fut envoyé en 1830 aux Etats-Unis où il fonda un collège. Charles E. O’Neill, Diccionario histórico de la Compañía de Jesús, Univ Pontifica Comillas, 2001.

[18] Le 5 janvier 1828, Charles X est contraint de nommer un ministère de royalistes modérés, autour la personne de Martignac. Ce ministère s’attaqua au « parti prêtre », la fraction politique du mouvement clérical, en promulguant deux ordonnances le 16 juin 1828. La première, la plus importante, exclut de tout enseignement, les membres des congrégations non autorisées, dont les jésuites. Elle entraîne notamment la fermeture des 8 petits séminaires tenus par eux. Les jésuites transférèrent leur noviciat de Montrouge à Avignon. Charles X signe les ordonnances à contre cœur. Démier Francis, La France de la restauration, 1814-1830.L’impossible retour du passé, Paris, Gallimard, coll.« Collection Folio histoire », n˚ 191, 2012, p.797-799.

[19] Dirigé par l’évêque, le grand séminaire prépare à l’ordination des prêtres. Celui d’Evreux se trouvait dans l’ancienne abbaye Saint-Taurin.

[20] Césaire Mathieu (1796-1875) est consacré archevêque de Besançon en 1833.

[21] Charles-Louis Salmon du Châtelier, évêque d’Evreux de 1822 à 1841, comte et pair de France, légitimiste. Vidalenc, Le Département de l’Eure sous la Monarchie constitutionnelle (1814-1848), p.548-552

[22] Pierre-Jean-Jacques Le Boulleux, curé d’Yvetot en 1824 est nommé et vicaire général de l’archevêché de Rouen et supérieur du grand séminaire de Rouen.

[23] Gustave-Maximilien-Juste de Croÿ-Solre (1773-1844) est archevêque de Rouen de 1823 jusqu’à sa mort.

[24] Probablement Pierre Adrien Poli de Louvigny, maire de Boisney (Eure).

[25] Raymond de Laître (1770-1847) est depuis 1818 ou 1820 préfet de l’Eure et gentilhomme de la Chambre du roi.

[26] Il faut prendre le mot « Université » au sens de l’époque, comme une corporation rassemblant l’ensemble des personnels de l’enseignement, du primaire au supérieur.

[27] Charles-Louis Salmon du Châtelier (1761-1841), ancien aumônier du comte d’Artois (futur Charles X), accède à l’évêché d’Evreux en 1822.

[28] L’abbé Guillaume Faucon est recteur de l’académie de Rouen depuis 1822 et proviseur du collège royal de Rouen, futur lycée Corneille.

[29] Rappelons que les Jésuites ne dirigeaient 8 petits séminaires en France mais ils comptent 4000 élèves, alors que  l’Université  en rassemble 13 500. La concurrence de ces petits séminaires est crainte par les adversaires du « parti prêtre ». Démier Francis, La France de la restauration, 1814-1830.L’impossible retour du passé, Paris, Gallimard, coll.« Collection Folio histoire », n˚ 191, 2012, p.743.

[30] Né à Rouen, Henri Lefebvre de Vatimesnil (1789-1860) est le premier ministre de l’instruction publique dans l’histoire de France. Son prédécesseur Mgr Frayssinous était ministre des cultes et de l’instruction publique. Cette dissociation des deux fonctions, appliquée par le ministère Martignac en 1828, témoigne de cette volonté de dégager l’enseignement de l’influence cléricale. Bien qu’affilié aux congrégations, Vatimesnil diminue le pouvoir de l’Eglise en retirant les petits séminaires aux Jésuites et en plaçant les écoles primaires sous la responsabilité des recteurs d’académie et non plus des évêques. Pierre Riché, « Un Eurois ministre de l’Instruction publique sous la Restauration. Henri Lefebvre de Vatimesnil (1789-1860), Connaissance de l’Eure, n°116, avril 2000, p.3-8.

[31] Le régent est un professeur tandis que le maître d’études est un surveillant. Ce dernier est le plus bas rang dans la hiérarchie de l’enseignement et donc le moins payé. Il requiert d’avoir obtenu le grade de bachelier ès lettres, cas de Guilmeth.

[32] Henri Hue, ami avec lequel Guilmeth se brouillera. Editeur, journaliste, auteur en 1829  de Jolisine ou la fée du château de Brionne, conte moral

[33] Romancier écossais, Walter Scott (1771-1832) est considéré comme le père du roman historique. Il est notamment l’auteur d’Ivanhoé et Quentin Durward. A l’époque des Mémoires de Guilmeth, ce sont surtout Les Puritains d’Ecosse et une biographie, Vie de Napoléon Bonaparte, qui retiennent l’attention.

[34] Né à Rouen, Charles-Henri Dambray (1760-1829) fut nommé chancelier de France par le roi Louis XVIII.

[35] Emmanuel de Pastoret (1755-1840), député de Paris sous la Révolution, chancelier de France et président de la Chambre des Pairs (1829-1830)

[36] Né comme Guilmeth à Brionne, Florent Lizot (1768-1826) fut député de 1815 à sa mort.

[37] Michel-Alphonse Prétavoine, propriétaire à Bernay.

[38] Ce qui signifie qu’il défend des positions libérales, à l’opposé de celles des « ultras », les royalistes les plus ardents. Plus qu’un imprimeur, Thomas-Napoléon Brière est le propriétaire, avec l’imprimeur-libraire Frédéric Baudry, du Journal de Rouen depuis le 1er septembre 1828.

[39] Le Journal de Rouen était critique vis-à-vis des Faucon, neveu et oncle. Il dénonçait notamment leurs « scandaleux cumuls » (7 août 1829) puisque Guillaume Faucon était recteur de l’Académie et son neveu, proviseur du collège de Rouen, fonction qu’occupait son parent jusqu’en 1829.

[40] Le Tilleul-Fol-Enfant, commune réunie en 1822, à Saint-Martin-le-Vieux, devenant Saint-Martin-du-Tilleul, limitrophe de Bernay. 

[41] Allusion au trésor de Berthouville. Ce fameux trésor d’argenterie de l’Antiquité romaine est découvert quelques mois auparavant par un paysan Prosper Taurin dans son champ sur la commune de Berthouville, près de Brionne. Le lot comptait des plats, des coupes décorées, des bijoux, des monnaies, des lingots et des statues dont celle du dieu Mercure. Prosper Taurin déposa chez un huissier à Bernay les différents éléments pour les vendre. Mis au courant, Auguste Le Prévost s’empressa de les examiner et de publier leur description dans le Journal de Rouen.

[42] Nom retrouvé sur des inscriptions retrouvées à Berthouville, fragments d’un temple dédié à Mercure Canetus. L’hypothèse d’un lieu nommé Canetus ou Canetum reste privilégié par les archéologues aujourd’hui.

[43] Autre érudit local, auteur d’une histoire de Lisieux. Nous retrouverons ce personnage plus tard.

[44] Adolphe Bardet est un médecin amateur d’archéologie.

[45] Lycanthropie : « Forme de délire dans lequel le sujet se croit transformé en loup (ou, p. ext., en un animal quelconque) et en imite le comportement » d’après la lexicographie du Centre national de ressources textuelles et lexicales. http://www.cnrtl.fr/definition/lycanthropie

[46] Journal d’Evreux à l’existence très courte (novembre 1829-septembre 1830).

[47] Présentée en mars 1830, cette pièce de Victor Hugo suscite alors la controverse. Chaque représentation provoque vacarmes, bagarres, sifflements et applaudissements. Outre qu’elle bouscule les critères esthétiques classiques, Hernani est un brûlot politique qui se moque du roi et défend la liberté.

[48] Opéra en 3 actes dont Carl-Maria de Weber composa la musique en 1824.

[49] L’abbé Mélissent, chanoine de la cathédrale de Rouen, grand-vicaire du diocèse d’Evreux, est le fondateur du petit séminaire d’Ecouis, où Guilmeth fit avec bonheur une partie de ses études secondaires. Difficile de croire qu’il médise sur l’initiateur de son ancienne école. Expliquons l’affaire. Plusieurs articles du Mémorial de l’Eure, journal possédé par Frédéric Baudry, avait accusé l’abbé d’avoir détourné l’argent du département pour acheter à son nom les locaux du petit séminaire puis d’avoir mis la main sur le gouvernement de la commune. En 1830, Mélissent attaque pour diffamation le journal, gagne en première instance et en appel. Gazette des tribunaux, journal de jurisprudence et des débats judiciaires, n°1535. 12-13 juillet 1830, p.849-851.

[50] Professeur de dessin, Eustache-Hyacinthe Langlois (1777-1837) est le premier directeur du musée des Antiquités de Rouen. Langlois « avec lequel Guilmeth fut toujours lié de la plus étroite amitié » (MS 239, fol.83)

[51] Il donne d’autres objets archéologiques en 1850 et 1851, parmi lesquels des haches en silex dite « celtiques », un ceinturon mérovingien, deux sceaux en cuivre du XIVe siècle… Bulletin de la Société des antiquaires de Picardie, tome 4, 1850-1852, p.129 et 220. 

[52] Brière avec lequel Frédéric Baudry avait acheté le Journal de Rouen.

[53] La Congrégation est une association de piété constituée de laïcs et d’ecclésiastiques et fondée en 1801. Elle est accusée d’exercer un rôle politique occulte, notamment dans la défense de la religion et dans la lutte contre les libéraux. Selon ses détracteurs, les Jésuites en auraient le contrôle.

[54] Marcel Jérôme Rigollot (1786-1854) est un médecin et antiquaire de la Somme. Delahaye est probablement l’abbé Delahaye, aumônier du collège royal d’Amiens.

[55] Le mouvement saint-simonien se réclame d’Henri de Saint-Simon (1760-1825). Ce philosophe imagine un nouveau modèle de société qui donnerait du travail à tous, et le pouvoir aux savants. Les saint-simoniens comptent sur le progrès et l’industrialisation pour lutter contre les disparités sociales, accordent de l’importance aux capacités et aux mérites dans la promotion sociale, à rebours d’un monde fondé sur les privilèges de la naissance et de l’héritage. Passé par le grand séminaire, Paul Rochette, comme Guilmeth, semble destiné à une carrière ecclésiastique mais il entre chez les saint-simoniens. En 1832, il fait partie des derniers fidèles, regroupés dans une propriété à Ménilmontant, où chacun se consacre aux travaux domestiques les plus humbles : cuisine, jardinage, ménage. 

[56] Il s’agit bien sûr d’Alphonse de Lamartine, auteur du recueil poétique, les Harmonies poétiques et religieuses, publié en 1830.

[57] L’institution Liévins est un pensionnat situé 30 rue Boucherat à Paris, rue disparue dans le quartier du Temple.

[58] Il s’agit bien sûr de la Révolution de juillet 1830 qui chasse les Bourbons du trône de France et remet la couronne à Louis-Philippe, de la branche cadette des Bourbons (les Orléans).

[59] Connu comme royaliste modéré, Jean Baptiste Gay, vicomte de Martignac (1778-1832), dirigea le gouvernement de janvier 1828 à août 1829 sous le règne de Charles X. On a vu ses actions contre l’influence du clergé sur la société et sur l’enseignement. François-René de vicomte de Chateaubriand (1768-1848) est par ses écrits et ses discours l’un des principaux penseurs politique de la Restauration. Même si Guilmeth le met dans le même panier que Martignac, Chateaubriand s’en distingue par une position plus à droite. Défenseur de la liberté de la presse, il n’est pas hostile à l’Eglise. Il fait partie des figures de l’opposition depuis son renvoi en 1824 du ministère des affaires étrangères.

[60] Le Normand Auguste Guilmeth se retrouve donc au cœur des événements parisiens de l’année 1830. Il participe à la prise de contrôle de Paris par les insurgés parisiens pendant les Trois glorieuses (27-29 juillet). Aux Tuileries, se sont réfugiés les ministres dont Polignac.

[61] Le 2 août 1830, Charles X abdique en faveur de son petit-fils, le duc de Bordeaux, âgé de 9 ans. Connu plus tard sous le titre de comte de Chambord, il ne régnera jamais mais restera prétendant au trône jusqu’à sa mort en 1883. Louis-Philippe, duc d’Orléans, à qui Charles X confie la lieutenance-générale du royaume, manœuvre si bien qu’il reçoit des Chambres des députés et des pairs la couronne de France. Il devient Louis-Philippe 1er.

[62] Casimir Delavigne, auteur d’un poème à la gloire des Parisiens tués lors de la Révolution, Victor Hugo, favorable à la monarchie de Juillet malgré son républicanisme, et Pierre-Jean de Béranger, chansonnier très critique de Charles X, forment un trio d’écrivains défendant le nouveau régime. D’où l’hostilité de Guilmeth à leur égard et sa composition d’une Ode qu’il faut prendre dans un sens ironique.

[63] Louis Pierre Edouard Bignon (1771-1841) fut le très éphémère ministre de l’Instruction publique (10 jours) dans la période de transition entre la Restauration et la monarchie de Juillet en juillet-août 1830.

[64] Victor de Broglie (1785-1870) vient d’être nommé ministre de l’instruction publique à la place de Bignon. Abel François Villemain (1790-1870) est député de l’Eure, proche de Louis-Philippe 1er

[65] Le Normand Martial-Côme-Annibal-Perpétue-Magloire, comte de Guernon-Ranville (1787-1866) ne pouvait plus être d’une grande aide pour Le Prévost et Guilmeth puisqu’en tant qu’ancien ministre de Charles X, il venait d’être arrêté et enfermé au donjon de Vincennes. 

[66] Noël-Jacques Lefebvre-Duruflé (1792-1877) est aussi un Normand (il est né à Pont-Audemer et vit à Pont-Authou). Après avoir épousé la fille de M. Duruflé, riche manufacturier d’Elbeuf, Lefebvre devient son associé et se consacre à l’industrie textile. Il n’en reste pas moins un homme de lettres, auteur notamment de deux volumes de l’Hermite en province, consacré à la Normandie. Au début de la monarchie de Juillet, aux élections législatives de 1831, il est le candidat du gouvernement face à Odilon Barrot, puis Bioche contre lesquels il échoue (Jean Vidalenc, Le Département de l’Eure sous la Monarchie constitutionnelle (1814-1848), p.298-299). 

[67] L’avocat Charles Houel (1787-1853) sera finalement président du tribunal civil de Louviers en novembre 1830. En 1836, Lerond est inspecteur de l’académie de Rouen. Magnier reste professeur de rhétorique.

[68] Le juge de paix est M. Frémont, ami du père de Guilmeth et son oncle est le fameux Jean-Charles Dupont de l’Eure (1767-1855). Né au Neubourg, ce vieux routier de la politique (il fut député sous le Directoire, l’Empire et la Restauration) est, en ce mois de septembre 1830, garde des sceaux. La maison de campagne de Dupont de l’Eure se trouve à Rouge-Perriers, à 10 km environ de Brionne.

[69] Le nouveau recteur est Jean-Claude Badelle (1777-1848) qui arrive de Franche-Comté.

[70] Charles Botta, historien, occupa la fonction de recteur de 1817 à 1822, avant que Guillaume Faucon, la bête noire de Guilmeth, le remplace.

[71] Charles-Guillaume Etienne (1777-1845) est député de la Meuse, département de naissance de Badelle.

[72] Probablement Auguste Arnould, poète et auteur dramatique (1803-1854).

[73] Louis-Augustin-François Cauchois-Lemaire (1789-1861) est un journaliste politique libéral.

[74] Le chansonnier Pierre-Jean de Béranger, peut-il vraiment être un appui pour le légitimiste Guilmeth ? Rappelons que Béranger utilisait ses chansons comme arme politique pour dénoncer la Restauration. Son Sacre de Charles le Simple, dans lequel il ridiculise le sacre de Charles X, lui vaut 8 mois de prison en 1828. On se souvient aussi que Guilmeth avait raillé Béranger dans une Ode. 

[75] Rappelons que sous la Restauration et la Monarchie de Juillet, le suffrage est censitaire. En 1830, dans le département de l’Eure on compte précisément 1122 inscrits sur les listes électorales, soit 0,25% de la population. En 1831, une réforme divise le département en 7 circonscriptions électorales, dont celle de Brionne. Vidalenc, p.294. Chaque collège élit son député. Influent et respecté au-delà de son camp, Dupont de l’Eure favorise ses amis à la députation. Ainsi Jacques Nicolas Bioche, propriétaire à Thibouville, Hyacinthe Camille Odilon-Barrot (1791-1873) ou Alexandre Joseph Legendre (1782-1861), maire de Pont-Audemer. Vidalenc, p.296-297.

[76] En fait, Dupont est surnommé « de l’Eure » pour le différencier des homonymes comme Pierre Dupont de l’Etang, député de la Charente ou Joseph Dupont-Minoret, député de la Vienne.

[77] Faucon, le neveu de l’ancien recteur, est donc resté à son poste de proviseur du collège royal de Rouen en dépit du ménage opéré dans l’administration en 1830.

[78] Cette description, dégoûtée du personnage, trouve quelque fondement dans le rapport d’un inspecteur général en 1831 : « L’attitude de M. le recteur [Badelle] est loin d’avoir la dignité qui convient aux graves fonctions dont il est revêtu. Sans parler ici de la mise plus que négligée avec lequel il paraît souvent au collège royal, il aurait dû comprendre que […] sans ménage, sans maison montrée, on sait à peine quel est son domicile réel. Son cabinet et le bureau de l’académie sont placés dans une maison de l’aspect le plus misérable et où personne ne s’aviserait à aller rencontrer le recteur. Il prend ses repas dans une seconde maison et couche dans une troisième où il occupe une chambre chez un sous-inspecteur de la loterie ». (AN, F17 6810) cité par Jean-François Condette, « BADELLE Jean Claude » dans Les recteurs d’académie en France de 1808 à 1940, tome II, dictionnaire biographique, Paris, Institut national de recherche pédagogique, 2006. p. 52.

[79] Auguste Le Prévost se présente aux élections du conseil général.

[80] On propose donc à Guilmeth d’enseigner une classe correspondant à nos CM1 et CM2.

[81] A cette époque, les collèges sont municipaux et non départementaux.

[82] Lerond, inspecteur de l’académie de Rouen.

[83] A peine quelques mois après la Révolution de juillet 1830, des dissensions naissent au sein du gouvernement entre ceux qui résistent à toute évolution du nouveau régime et ceux qui souhaitent poursuivre le mouvement des réformes libérales. Victor de Broglie, partisan de la résistance, démissionne en octobre de sa fonction de ministre de l’instruction publique et des cultes. 

[84] Pour avoir notamment favorisé l’élection de Guizot à la députation de Lisieux, Louis Dubois ou du Bois vient d’être nommé sous-préfet de Bernay. Vidalenc, Le Département de l’Eure sous la Monarchie constitutionnelle (1814-1848), p.283

[85] Pierre-Jacques Féret (1794-1873) est bibliothécaire de la ville de Dieppe depuis 1827 et se passionne pour l’archéologie locale.

[86] Marie-Thérèse de France, duchesse d’Angoulême (1778-1851) est la fille du roi Louis XVI et de Marie-Antoinette. Elle a épousé Louis-Antoine de Bourbon-Artois, duc d’Angoulême et fils de Charles X. Connue pour son caractère revêche, la duchesse d’Angoulême est particulièrement impopulaire chez les adversaires des Bourbons. Généralement, on relie Dieppe à la duchesse de Berry, belle-sœur de la duchesse d’Angoulême, car elle a promu les séjours balnéaires à Dieppe. A l’époque de l’incident rapporté par Guilmeth, la duchesse d’Angoulême est en exil avec son mari et son oncle Charles X.

[87] Ministre qui doit être Joseph Mérilhou ou Félix Barthe. Le ministre de l’Instruction publique est aussi grand-maître de l’Université et donc le chef de toutes les écoles du royaume, des petites écoles jusqu’aux facultés. .

[88] La bibliothèque du roi est l’ancêtre de la Bibliothèque nationale, site Richelieu. La bibliothèque Sainte-Geneviève est établie dans l’ancienne abbaye Sainte-Geneviève, près du Panthéon. La bibliothèque de l’Institut rassemble les livres de l’Académie française, de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, de l’Académie des Sciences et de l’Académie des Beaux-Arts.

[89] Paul Rochette, le saint-simonien.

[90] Auguste Le Prévost vient d’être élu conseiller général de Bernay.

[91] En 1831, les préfets commandent aux maires de France d’enlever dans les lieux publics les fleurs de lys, symbole de la monarchie des Bourbons.

[92] Né et mort à Orléans, Robert-Joseph Pothier (1699-1772) rédigea plusieurs traités juridiques sous le règne de Louis XV.

[93] La cathédrale Sainte-Croix d’Orléans, détruite pendant les guerres de Religion, fut reconstruite au XVIIe siècle selon le style gothique flamboyant.

[94]Pourquoi ce trou ? Ce n’est assurément pas un problème de mémoire car Guilmeth conserve la lettre du grand-maître de l’Université qui prévoit sa nomination. Cette chaire de professeur est une très belle promotion pour Guilmeth, la meilleure opportunité de sa carrière.

[95] Partie du collège de Rouen (aujourd’hui  lycée Corneille). Son nom rappelle le cardinal François de Joyeuse, archevêque de Rouen, au début du XVIIe siècle, et fondateur d’un séminaire dont le collège a annexé les bâtiments.

[96] L’Itinéraire d’Antonin, guide de voyage du IIIe siècle, place en effet une localité Breviodurum entre Noviomagus (Lisieux) et Juliobona (Lillebonne). Au début des années 1830, l’identification de Breviodurum à Brionne est incertaine mais les fouilles de Guilmeth en prouvant l’origine romaine de la petite ville renforcent cette hypothèse.

[97] Le Patriote, journal du Calvados et de l’Eure, politique, philosophique et littéraire est un journal d’opposition, favorable à une monarchie constitutionnelle et plus libérale que le gouvernement.

[98] Revue qui paraît tous les cinq jours. Balzac y contribue.

[99] Sur une partie des pages 77-79 de ces mémoires, Guilmeth écrite une longue note : Voici la lettre de Mr Alexandre Pelvey, l’un des plus beaux faiseurs d’esprit de la Normandie ; ancien avocat de Brionne, il était devenu secrétaire ou conseiller de préfecture ; depuis il devint sous-préfet à … (cotée sous le n° 58 bis). « Evreux, le 13 juillet 1831. – Mon cher ami. – J’ai reçu en tout 24 exemplaires de la Notice que tu m’as adressée et à Mr Delarue (sic) par Mr Le Guerney. – J’en ai remis la plus grande partie à Mr Delarue, secrétaire de notre académie, car tu n’ignores, mon cher ami, que, parmi moultes (sic) raretés et curiosités, dont abonde ce pays, il s’y voit aussi une docte académie, et par conséquent des académiciens, qu’on dit même assez friands de tout ce qui exhale un petit parfum d’ambiguïté ou de ruines. – Mr Delarue, beaucoup plus en relation que moi (qui n’en suis pas du tout) avec cette fine fleur du monde scavant (sic) de la localité, a bien voulu, avec une bienveillance (sic) toute gracieuse, me promettre de faire ses efforts pour écouler le tout ou la plus grande partie de ces exemplaires ; moi-même j’en ai déjà placé quelques uns, et espère en placer quelques autres encore ; tu ne dois pas douter, mon cher ami, de tout le zèle que l’amitié y mettra. Du tout en son tems, tu recevras raison et satisfaction. – Je regrette pour mon compte que Mr Auguste Trois-Etoiles n’ait, dans cette circonstance, trouvé sur sa palette d’archéologue et d’antiquaire, que des couleurs et des tons d’une exactitude, d’une minutie, classique il est vrai, mais dépouillés (sic) de ce coloris (des couleurs et des tons dépouillés de coloris !!!) romantiques et vaporeux qui anime par quelque fiction ingénieuse et légère ces souvenirs, ces débris, ces vestiges inanimés ; les peu de quelqu’hôte (sic) mystérieux ou aërien, de quelque génie des ruines par exemple. Je n’ignore pas, mon cher ami, que, par le temps qui court, les génies sont rares et fort rares à Brionne, et même à l’Académie d’Evreux ; mais se (sic, lisez : ce) ne sont plus que des esprits brillants, des sylphes légers, qui se plaisent sous les ogives, sous les débris du moyen-âge ; témoin le hideux et rabougri Quasimodo de Victor Hugo, espèce de plante humaine étiolée pourtant originale. Peut-être Brionne pourrait-il encore, si j’ai bonne mémoire, fournir quelque nouveau type de cette espèce. Le père Delamare, par exemple, qui figure si bien dans une des notes de Mr Trois-Etoiles, ne pourrait-il pas poser, en sa triple essence de propriétaire, d’industriel, de fonctionnaire public ? etc. Nostro ? Nostro (vrai type bachique signalé par Mr A. Guilm. il y a plus de vingt ans), ce gnôme du cabaret Brionnien, ce grand débris d’un buveur, à la joie si bruyante, aux éclats bachiques, ne serait-il pas d’un bel effet cuvant son vin ou son cidre sur la pourpre des Bruyères et ombragé des gracieuses girandoles du genêt en fleur ? … le pinceau d’un habile artiste.

Du plus hideux objet fait un objet aimable.

Mais à propos de tableaux, je ne fais, et je t’en demande mille pardons, qu’une mauvaise pochade. Adieu, mon cher ami. Reçois mille souvenirs d’amitié pour le présent, et pour l’avenir mille souhaits de prospérité. Tout à toi, Alxdre Pelvey. »

[100] On peut s’étonner que Guilmeth ait à sa disposition la correspondance d’Henri Hue. On peut supposer que ce dernier lui a transmis pour montrer ses efforts qu’à la promotion de la Notice sur le château de Brionne

[101] Le Patriote de Lisieux

[102] C’est-à-dire des pièces de monnaie, frappée du profil de l’empereur, par exemple Marc-Aurèle ou Auguste, comme on le comprendra par la suite.

[103] Personne non identifiée.

[104] Commune à quelques km de Rouen, le long de la Seine.

[105] Victorien-Polynice Philippe (1798- ?) est professeur de dessin à Pont-Audemer. C’est la fonction que lui attribue Alfred Canel dans le tome 1 de son Essai historique, archéologique et statistique sur l’arrondissement de Pont-Audemer, publié en 1833. Il est l’auteur de La Normandie en 1834. Mœurs, usages, antiquités et statistique des 5 départements composant cette ancienne province, Paris, Imprimerie e Fain, 1834.

[106] Dans son Essai, tome 1, Canel répondit qu’il n’avait jamais envoyé de notes à Guilmeth. p.453

[107] Pour rappel ces notices portent sur l’histoire des villes de Bernay, Beaumont-le-Roger, Montfort-sur-Risle, etc.,

[108] Pierre Philippe Urbain Thomas (1776-1854) est un statisticien et un historien. En 1835, il préside la Société d’émulation de Rouen

[109] Keepsake : « Livre de luxe, sans aucune valeur utilitaire, mais de présentation très soignée et de contenu très anodin ». Michel Mélot, dans l’Encyclopédie Universalis. S’y succèdent des poésies et des fragments de prose, entrecoupés de fines gravures. Ces albums, imitation d’une mode anglaise, se publient en France dans les années 1830 et 1840 sous la forme notamment de keepsakes régionaux.

[110] Jusque-là, Guilmeth appelait l’imprimeur rouennais simplement Brière.

[111] Legendre a démissionné en novembre 1831 lorsque le gouvernement destitua son adjoint, Alfred Canel.

[112] Guilmeth a réussi à devancer l’ouvrage de Canel, Essai historique, archéologique et statistique sur l’arrondissement de Pont-Audemer (Eure), publié l’année suivante, en 1833

[113] Sans surprise, ce journal légitimiste encense le travail de Guilmeth.

[114] Jacques Bordeaux (1794-1865) est le père de Raymond Bordeaux, antiquaire normand.

[115] Comme on le comprendra dans la suite du texte, la Société libre d’agriculture, sciences, arts et belles-lettres de l’Eure vient de subir une sécession. D’Avannes, légitimiste, vice-président du tribunal d’Evreux, préside la société dissidente qui pour le moment prend le nom maladroit d’ancienne Société d’agriculture de l’Eure.

[116] L’Echo de la Seine-Inférieure, devenu L’Echo de Rouen et de la Seine-Maritime, est un journal de tendance orléaniste, publié entre 1830 et 1832.

[117] Arcisse de Caumont (1801-1873) est une grande figure de l’histoire de l’art et de l’archéologie normandes. Il est le fondateur de plusieurs sociétés savantes (Société française d’archéologie, Association normande, société des Antiquaires de Normandie…) et de revues (Bulletin monumental). Guilmeth est donc flatté de correspondre avec lui.

[118] Membre de multiples sociétés savantes, le marquis Louis-Augustin Le Ver (1770-1840) se voue à l’étude de l’histoire de la Picardie et de la Normandie. Emmanuel Gaillard (1779-1836) est un archéologue qui fouilla le théâtre de Lillebonne. C’est lui qui apprit l’archéologie à l’abbé Cochet.

[119] Alexandre de Bernay fut un poète français de la seconde moitié du XIIe siècle, un des principaux auteurs d’une compilation de poèmes, « le Roman d’Alexandre ». Cette œuvre comprenant 20 000 vers de douze syllabes forgea le mot « alexandrin ».

[120] Expliquons les détails du conflit. En 1832, sous la présidence d’Antoine Passy, préfet du département, la Société de médecine et la Société d’agriculture, sciences et arts fusionnent sous le nom de Société libre d’agriculture, sciences, arts et belles-lettres du département de l’Eure. Ses statuts prévoient un élargissement du recrutement de ses membres (96 au maximum). En août 1832, trois anciens membres (d’Avannes, Marc et le juge Jacques Bordeaux) désapprouvent cette évolution et la politisation de la Société. Faisant dissidence, les trois hommes reconstituent l’ancienne société d’agriculture, sciences, arts et belles-lettres du département de l’Eure, créent un bulletin et recherchent à se renforcer par de nouveaux membres et contributeurs. Guilmeth en fait partie. Journal de Rouen, 8 octobre 1832 et Recueil de la Société d’agriculture, sciences, arts et belles-lettres du département de l’Eure, 1831 et 1832. Vidalenc, Le Département de l’Eure sous la Monarchie constitutionnelle (1814-1848), p.606

[121] Reconnue officiellement par la Monarchie de Juillet, la Société libre d’agriculture, Sciences, arts et belles-lettres du département de l’Eure bénéficie d’autant plus facilement d’une subvention que son président est le préfet de l’Eure, Antoine Passy.

[122] L’Ancienne société forme donc un attelage assez cocasse : des légitimistes associés au parti du mouvement, c’est-à-dire de francs libéraux favorables à une démocratisation de la vie politique. En négatif, la Société libre regrouperait les partisans du gouvernement ou de la résistance (les conservateurs).

[123] Les recueils de la Société d’agriculture, sciences, arts et belles-lettres du département de l’Eure, publiés en 1830, 1831 et 1832.

[124] Jean Clogenson, préfet de l’Orne de 1830 à 1833

[125] M. Delarue est probablement le secrétaire de la Société libre de l’Eure avec qui Guilmeth a déjà correspondu. Paul Dibon est un historien de Louviers, membre de la Société des antiquaires de Normandie et de la commission des antiquités du département de l’Eure. Antoine Passy est le préfet de l’Eure installé par la monarchie de Juillet. Il restera 7 ans à son poste, et soutiendra la carrière politique de Le Prévost. Jean Vidalenc, Le Département de l’Eure sous la Monarchie constitutionnelle (1814-1848), Rivière, 1952, p.282-283.

[126] Société fondée à Paris en 1833 qui publiait l’Echo de la Jeune France, journal des progrès par le christianisme. C’est un organe de presse légitimiste.

[127] Avocat de talent, directeur de l’Echo de France, Pierre Antoine Berryer (1790-1868) est le leader des légitimistes à la Chambre des députés.

[128] Scipion de Dreux-Brézé (1793-1845), né aux Andelys, fut membre de la Chambre des Pairs sous la Restauration et la Monarchie de Juillet.

[129] Charles-Victor Prévost, vicomte d’Arlincourt (1788-1856) est un romancier, poète et auteur dramatique

[130] Nouveau nom de l’ancienne Société d’agriculture de l’Eure

[131] L’Ælia Lælia Crispis est une pierre tombale érigée au XVIe siècle à Bologne. Son épitaphe énigmatique suscita et suscite encore aujourd’hui de multiples interprétations.

[132] Le comte Auguste de Chamoy vit à Saint-Pierre-du-Châtel, aujourd’hui Saint-Pierre-du-Val (Eure) et Mathieu de Saint-Alban est un ancien magistrat établi à Berville-sur-Mer. A l’exemple de l’ancienne Société d’agriculture de l’Eure, l’Académie Ebroïcienne nomme probablement ses membres non résidents à Evreux sur une liste de candidats qu’une section (agricultures littérature, sciences…) lui soumet. C’est donc une société assez fermée. Une fois le candidat validé, l’Académie lui adresse un diplôme.

[133] Comme au premier temps de la société d’agriculture de l’Eure, l’Académie distribue des jetons en argent, frappés à l’effigie du roi Louis XVIII, aux membres présents à chaque séance.

[134] Les relations s’améliorent en 1834 : la Société Libre invite l’Académie Ebroïcienne et d’autres sociétés savantes à assister à un concours public de charrues. 6 membres de l’Académie Ebroïcienne s’y rendent. « Rapport sur les travaux de l’Académie Ebroïcienne pendant l’année 1834, par Amédée Marc, secrétaire perpétuel », Bulletin de l’Académie Ebroïcienne, 1835, 2e partie, p.312  

[135] Les explications viennent quelques lignes plus loin. 

[136] En effet, si on revient sur la correspondance d’octobre 1830 entre Le Prévost et Guilmeth, ce dernier attend seulement le renvoi de ses notes, soi-disant pour en corriger la rédaction.

[137] Rappelons qu’Auguste Le Prévost est à cette date conseiller général de Bernay et que Du Bois est transféré de la sous-préfecture de Bernay à celle de Vitré en Bretagne.

[138] Ou Amédée Marc. Il semble que tout au long de ses mémoires, Guilmeth confond les deux personnages. Amédée étant un ancien magistrat, secrétaire de l’Académie ébroïcienne et Edmond Marc, ancien officier de la chambre du roi, membre résident de la même académie.

[139]Dans la Bible, divinité concurrente de Dieu.

[140] Pour rappel, il s’agit de « l’Examen critique du Mémoire de Mr A. Le Prévost sur quelques monuments du Département de l’Eure et particulièrement de l’arrondist. de Bernay ».

[141] En 1835, Alfred Canel crée la Revue trimestrielle du département de l’Eure qu’il continue jusqu’en 1837 sous le nom de Revue historique des cinq départements de Normandie.

[142] Pas exactement. Auguste Le Prévost demande à Guilmeth de rédiger des observations sur son Mémoire puis de les lui transmettre.

[143] Jacques(?) de Colombel, depuis 1815 maire de Caumont, près de Bourg-Achard

[144] Chroniques de l’Eure, Histoire, monuments, hommes célèbres, etc. de ce département.

[145] Plus exactement amphipologique, c’est-à-dire ambigu, à double sens

[146] Charles de Stabenrath est notamment connu pour avoir mené des fouilles sur le site archéologique du Vieil-Evreux vers 1830.

[147] Louis de Malortie, comte de Campigny (1776-1847), propriétaire à Campigny, près de Pont-Audemer.

[148] Pétition envoyée à la Chambre des députés et à la Chambre des Pairs pour la libération de la duchesse de Berry, qui avait débarqué en France en 1832 pour soulever les habitants contre la Monarchie de Juillet, qui mobilisa peu de monde et qui fut finalement capturée à Nantes. Après plusieurs mois de prison, la duchesse de Berry fut libérée puis expulsée hors de France.

[149] Pierre-Antoine Berryer, déjà évoqué, le chef de fil du parti légitimiste à la Chambre des députés.

[150] La vie politique de la Monarchie de Juillet fut animée par ces trois « partis » : celui du gouvernement (« le juste milieu »), les légitimistes, favorables au retour des Bourbons sur le trône, et le parti du mouvement, plus libéral, qui comptait des monarchistes et des républicains.

[151] La réponse de Guilmeth, s’il a bien répondu, n’a pas dû encourager Malorie-Campigny puisqu’aucun candidat légitimiste ne se présenta dans la circonscription de Brionne aux élections législatives de 1833.

[152] Tous d’anciens serviteurs de Charles X : Victor de Fay de Latour-Maubourg (1768-1850), Edouard, duc de Fitz-James, pairs de France (1776-1838), Amédée Jauge (1786-1868), banquier, Jean-Marie Pardessus (1772-1853) juriste

[153] Berryer est ruiné ; le parti légitimiste propose une souscription dont le but est de racheter le château d’Augerville (Loiret), mis en vente par son propriétaire Berryer puis de lui rendre.

[154] Dulac de Fugères fut maire de Bernay de 1825 à 1831 (une courte interruption en 1830) et Désir de Saint-Opportune est un ancien officier de cavalerie. Capelle n’est pas identifié.

[155] Les tomes VII et VIII des Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie sont en effet dédiés aux travaux de Léchaudé-d’Anisy sur les chartes et les sceaux normands et anglo-normands conservés dans les Archives du Calvados.

[156] Pierre-Aimé Lair (1769-1853), caennais, est vice-président de la Société des Antiquaires de Normandie.

[157] Le manuscrit de Guilmeth contient deux fois une page numérotée 119.

[158] Dans les élections communale, départementale et nationale, les votants doivent prêter serment de fidélité à Louis-Philippe. Ce qui pose un problème de conscience à certains légitimistes. Malortie de Campingy dénonce aussi le monopole, c’est-à-dire ce système électoral censitaire qui favorise la bourgeoisie urbaine car surreprésentée parmi les électeurs.

[159] Edouard-Hubert-Scipion d’Anglemont, né à Pont-Audemer en 1798, est un homme de lettres, un poète et un auteur dramatique. Plusieurs de ses œuvres (le Duc d’Enghien, La Horde bonapartiste, Ode à Louis XVIII) confirment ses sentiments légitimistes.

[160] Gustave Brandin de Saint-Laurens vit en son château du Boschamel sur la commune d’Epaignes.

[161] Probablement la marquise de Thevray, habitant au château de Thevray, entre Bernay et Conches-en-Ouche.

[162] Jacques Tragin ( ?-1865), fut conseiller municipal de Brionne.

[163] Nicétas Périaux, imprimeur des deux volumes du livre de Canel, Essai historique, archéologique et statistique sur l’arrondissement de Pont-Audemer en 1833 et 1834.

[164] Louis-Antoine de Bourbon-Artois, duc d’Angoulême, était destiné à succéder à son père Charles X, avant que la Révolution de 1830 ne les chasse de France. Le Prévost avait été sous-préfet de Rouen sous l’Empire.

[165] Négociant de Bernay, Jacques Le Prévost (1743-1805) est nommé administrateur du district de Bernay (15 janvier 1794) dont il devient le vice-président en septembre. Bernard BODINIER et André GOUDEAU, Procès-verbaux de la Société populaire de Bernay (Eure) (14 juillet 1790 – 9 mai 1795), éditions du CTHS, 2014.

[166] Lois emblématiques de la Révolution qui fixaient un prix maximal du blé, de la farine puis d’autres denrées.

[167] Probablement les élections de juin-juillet 1830. Le Prévost y échoua piteusement (2 voix) face notamment à Dupont de l’Eure (236 voix). Vidalenc, Le Département de l’Eure sous la Monarchie constitutionnelle (1814-1848), 1952,p.268

[168] Voir p.97.

[169] Antoine Passy (1792-1873), préfet installé à Evreux par la Révolution de juillet 1830.

[170] Légitimiste en 1830, D’Avannes semble évolué dans son positionnement politique.

[171] Charles Henri de la Pasture (1773-1854), ancien député royaliste sous la Restauration, l’abbé Baudard, curé de Conches, Albert Delangle, maire d’Evreux de 1824 à 1830, De la Craye, ex-conseiller de préfecture, le comte ou vicomte de Gauville, maréchal de camp en retraite à Evreux, François Amédée, baron de Sepmanville, fils d’un ancien maire d’Evreux ( ?-1878), Alphonse Demetz, architecte à Paris, Leroy, ex-conseiller de préfecture, 

[172] Nom erroné donné à la rage.

[173] Jean-François Desbuards (1808-1883), né à Brionne, auteur dramatique et poète. En 1890, est publié, inachevé, son Brionne à vol d’oiseau, qui se voulait un développement de la Notice sur Brionne de son compatriote Guilmeth. On ne peut manquer d’établir des parallèles entre Guilmeth et Desbuards. Ils sont presque du même âge, ont des prédispositions littéraires et vont essayer, en vain, d’atteindre une renommée par leurs écrits.

[174] Journal démocrate pour « la reconnaissance des droits du peuple » et la « réforme des abus dont il est victime ».

[175] Critique qui n’est pas sans fondement : dans le bulletin de 1834, on compte 1 article sur les Beaux-arts, 5 sur l’agriculture, 10 sur les sciences (dont l’histoire), 24 en littérature. Autre caractéristique, le bulletin est ouvert aux auteures (7 articles).

[176] La Revue de Rouen et de Normandie, crée en 1833, parle de littérature et d’histoire.

[177] Roman qui prend sûrement pour sujet Henri Ier, duc de Normandie et roi d’Angleterre, contraint en 1123-1124 de mater une révolte des barons normands.

[178] Mécontent, Guilmeth publiera une seconde édition, conforme à ses souhaits, l’année suivante en 1835, chez l’imprimeur Nicétas Périaux.

[179] Le Duc-Roi raconte la révolte de seigneurs et de paysans normands contre le roi d’Angleterre et duc de Normandie Henri 1er Beauclerc en 1124. Sous couvert d’un roman médiévalisant, cette œuvre est un manifeste légitimiste. Henri I est présenté comme « l’usurpateur », « un prince qui s’est emparé du trône de son parent », allusion au roi Louis-Philippe qui a pris la place des Bourbons. Les révoltés sont présentés comme « fidèle au drapeau légitime ».

[180] Jean Charles Achaintre (1804- ?), imprimeur à Louviers, chez qui l’Académie ébroïcienne imprime son bulletin.

[181] En 1833, l’imprimeur Saillot assigne le ministère de l’intérieur devant le conseil d’Etat pour se plaindre de la création d’un nouveau brevet d’imprimeur dans sa ville des Andelys. Il est débouté. Il est possible que Saillot cherche à ne pas apparaître comme un opposant politique et ce pour augmenter les chances que sa plainte soit entendue.

[182] Le Journal de l’Eure, crée en 1837. A ne pas confondre avec le Journal d’Evreux et du département de l’Eure, qui publiera entre 1883 et 1944.

[183]Dans cette liste de démissionnaires, nous identifions, sans certitude, Désiré-Maximin-Louis d’Imbleval (1769- 1842) capitaine de cavalerie, et Gustave Brandin de Saint-Laurens déjà évoqué.

[184] Aimé Théodore Marie Rigault de Rochefort (1797-avant 1864), officier de cavalerie, auteur de manuels d’équitation.

[185] Eugène de Chalenge, avocat

[186] Ancien « asile d’aliénés » dans le département du Val-de-Marne.

[187] Henri V est le petit-fils de Charles X. Surnommé « le comte de Chambord », il était considéré par les légitimistes comme le successeur de Charles X au trône de France. Au début de la IIIe République, il faillit être restauré mais heurta une partie de ses partisans par son refus du drapeau tricolore.

[188] Expression qui signifie un maire nommé par la monarchie de Juillet.

[189] Eugène Garay de Monglave (1796-1878) est un compilateur, publiciste, romancier et auteur d’ouvrages historiques comme la Biographie pittoresque des pairs de France (1826) et Histoire de Paris (1833).

[190] Société savante fondée à Paris le 24 décembre 1834. Son but « est d’encourager, de diriger, de propager les études historiques en France et à l’étranger » [Elle] « embrasse toutes les connaissances historique dans son ensemble, et au lieu de borner l’histoire à l’étude ordinaire des événements qui remplissent la vie extérieure des nations, [elle] l’étend à leurs idées, à leurs sciences, à leurs opinions, à leur culte, à leur génie, à tout ce qui, en un mot, constitue la vie intime de l’humanité » (discours de son secrétaire Eugène de Monglave, le 11 septembre 1837, reproduit dans Congrès historique réuni à Paris, au nom de l’Institut historique, Paris, 1837, p.3). Jules Michelet en fut un des fondateurs. Après avoir pris le nom de Société des études historiques, elle disparaît en 1957.

[191] Eugène Michaud (1767-1839), membre de l’Académie française et de l’Académie des Belles-Lettres, auteur d’une Histoire des Croisades et d’une Biographie universelle.

[192] En fait, Théodore Bourg Edme dit Saint-Edme (1786-1842), auteur en 1829 d’une Biographie des lieutenans-généraux, ministres, directeurs-généraux, chargés d’arrondissemens, préfets de la police en France, et de ses principaux agens et 1835 d’une Biographie des hommes du jour.

[193] La médiathèque d’Evreux possède bien aujourd’hui les publications d’A. Guilmeth.

[194] Jacques-Rose, chevalier de Bigottière (1774-1858), ancien chef d’escadron, auteur d’une Notice sur Ivry(-la-Bataille) et d’une Notice sur le canton de Saint-André. Il habite au château de la Bigottière, entre Saint-André-de-l’Eure et Ivry-la-Bataille, sur la commune de Mousseaux-Neuville.

[195] Gabriel Dumoulin, curé de Menneval, auteur d’une Histoire générale de la Normandie en 1631.

[196] Joseph-Alexis Walsh (1786-1860) ou vicomte Walsh est directeur de la Gazette de Normandie et de l’Echo de la jeune France. Il s’apprête à publier en 1835 Explorations en Normandie.

[197] Visible sur le site de la médiathèque d’Evreux : Lien vers ce Site

[198] Notice que Guilmeth  ne publiera qu’en 1859, soit 24 ans plus tard !

[199] L’Académie Ebroïcienne continue de publier des bulletins jusqu’en 1837. A cette date, le décès de Philibert Auguste Miger, secrétaire-trésorier adjoint et cheville ouvrière de l’Académie, contraint la société à suspendre ses publications. Suspension qui s’avère définitive « Rapport sur les travaux de l’Académie Ebroïcienne par Amédée Marc », Bulletin de l’Académie Ebroïcienne, 1838, p. 305-308. 

[200] Accessit : distinction décernée dans les écoles, les collèges et les académies à ceux qui se sont le plus approchés du prix (Wiktionnaire.fr)

[201] Sous le nom de « Guillemette », il est en effet cité par Le Prévost comme avoir porté à sa connaissance l’existence d’un « camp » de Guillaume le Conquérant sur la commune de Brionne.». Le Prévost le contredit en y voyant une fortification romaine. Dans son Histoire de Brionne, Guilmeth  se rétracte et en fait un camp romain (p.19). L’archéologue David Farcy se range à la première hypothèse de Guilmeth : entre 1047 et 1050, ce camp servait de « contre-château » à Guillaume le Bâtard lorsqu’il assiégea le château de Brionne, situé sur une île de la Risle et tenu par Guy de Brionne. David Farcy, « L’enceinte circulaire du Bois du Vigneron à Brionne (Eure) », Haute-Normandie Archéologique, n° 12, 2007, p.21

[202] Edmond Marc, secrétaire de l’Académie Ebroïcienne

[203] D’Avannes, « Notice historique et statistique sur le département de l’Eure », Bulletin de l’Académie ébroïcienne , année 1834, 1ère partie, p.103-184

[204] Le premier tome de l’ouvrage de Canel s’étale sur 456 pages précisément contre une centaine de pages pour l’ouvrage de Guilmeth.

[205] Canel Alfred, Essai historique, archéologique et statistique sur l’arrondissement de Pont-Audemer, Chez Vimont, 1833, vol. 1, p.452-454.

[206] Dans la préface, Guilmeth informe que cette publication n’est qu’une esquisse d’un projet plus important : L’histoire des comtes de Brionne. Ce travail ne sera jamais terminé, ou plus exactement jamais publié

[207] En 1835, Alfred Canel transforme sa revue trimestrielle de l’Eure en une Revue Historique des cinq départements de l’ancienne province de Normandie, au rythme théorique de publication mensuel. La Revue s’arrête en 1837, après avoir produit 3 volumes.

[208]  Gabriel Vaugeois publie une  « Histoire de Verneuil » dans la Revue trimestrielle du département de l’Eure, en  juillet 1835, p. 265-352

[209] Allusion à l’exécution de Louis de Frotté, chef des chouans de Normandie, en 1800 sur ordre de Napoléon Bonaparte. La République a déjà expiré depuis le coup d’Etat du 18 brumaire.